Demain, les agriculteurs auront besoin d’une échelle
Le PDG de Green Wall, Guy Barness, est persuadé que les jardins verticaux seront un moyen de nourrir la population urbaine
« Quand j’étais enfant, j’ai toujours adoré les Legos, et cette idée, c’est tout comme des Legos », a déclaré Guy Barness avec enthousiasme tout en empilant un bloc de plantes fraîches au-dessus d’un bloc d’herbe, à côté d’un bloc de plantes ornementales, sur un mur conçu pour accueillir des jardins verticaux, ou des murs végétaux si vous préférez.
Barness est le PDG de la société, Greenwall Israel, qui conçoit des installations verticales uniques pour les plantes, dont un mur de 840 mètres carrés qui a accueilli une culture végétale verticale qui était la pièce maîtresse d’Israël à l’exposition Milan EXPO. Les blocs distincts de plantes, qui peuvent être arrangés et réarrangés à volonté, dans un système de jardin végétal vertical constituent la marque de fabrique de l’entreprise.
Toujours sur l’élan du succès qu’il a eu au Milan EXPO, Barness se concentre sur la possibilité de construire des murs végétaux non seulement pour la décoration, mais également pour les cultures verticales qui pourraient être une solution partielle au manque de nourriture de sociétés de plus en plus urbanisées.
Selon les Perspectives d’urbanisation mondiale des Nations unies, 54 % de la population vivent actuellement dans des zones urbaines.
Cela représente une augmentation par rapport à 1950, où juste 30 % de la population mondiale vivaient dans les villes. En 2050, 66 % de la population mondiale devraient vivre en métropole. En 2030, le monde devrait avoir 41 méga-villes, avec 10 millions d’habitants chacune.
La crise actuelle des réfugiés a mis en évidence la nécessité d’apporter des solutions à cette question.
Les réfugiés qui arrivent en Europe se déplacent massivement vers les villes. Cela conduit à une surpopulation et à une pression sur les ressources des centres urbains qui luttent pour absorber des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers, de personnes.
Mais Barness est persuadé que les jardins végétaux verticaux pourraient nourrir et employer des réfugiés dans le monde entier.
« Les réfugiés vont dans des endroits où ils peuvent travailler et ils ne vont pas dans les zones rurales », a déclaré Barness. « Nous avons besoin de ramener la nature dans la ville. Nous ne disposons pas de beaucoup d’espace [dans les villes] mais nous avons beaucoup de murs ».
Des bureaux et des immeubles d’habitation poussent verticalement dans l’espace urbain tandis que celui-ci se rétrécit, alors pourquoi ne pas en faire des champs pour l’agriculture ?
Barness travaille avec l’Agence américaine pour le développement international (USAID), l’Organisation des Nations unies, et les gouvernements locaux en Italie, en Allemagne, en Espagne et en Géorgie pour mettre en place des « kits de jardin vertical » pour les réfugiés.
Chaque kit de cinq mètres carrés coûte environ 400 dollars et peut être accroché par un réfugié ou une famille sur un mur afin de cultiver leurs propres légumes, qu’ils peuvent vendre aux restaurants locaux. (Les clients privés peuvent acheter le même kit pour 800 dollars). Ces jardins nécessitent seulement 18 litres d’eau par semaine pour chaque mètre carré. Ces blocs de culture peuvent être combinés ou séparés selon les besoins et peuvent s’accrocher à n’importe quel mur.
Ces jardins verticaux rejoignent la tendance mondiale qui tend à rechercher des moyens de marier la technologie et l’agriculture afin d’essayer de nourrir une population mondiale en constante expansion.
D’autres entreprises en Israël construisent aussi des jardins verticaux pour un usage privé et commercial, comme Rozenbaum Advanced Gardening Systems. Et le concept a eu du succès auprès des jardiniers amateurs, comme Yael Stav, une doctorante spécialisée en jardins verticaux, qui a ouvert son jardin original de Tel Aviv au public pendant l’événement intitulé ‘Les maisons de l’intérieur’ en 2012.
La nouvelle tendance est prometteuse, selon Barness. « La jeune génération a peur de l’agriculture », a-t-il expliqué.

« Ce n’est plus comme avant, quand quelqu’un obtenait quatre dunams [environ un acre] de son père pour créer leur ferme familiale… mais lorsque vous travaillez avec la technologie, cela attire les jeunes générations ».
Barness, lui-même, en est venu aux jardins verticaux en passant par un détour. Il était à l’origine dans la gestion des centre commerciaux, où il supervisait des centres commerciaux à Rishon Lezion, Jérusalem, Tel Aviv et Ashdod.
Dans le cadre de son projet de s’élargir pour gérer des centres commerciaux internationaux, il avait le projet de construire un grand centre commercial dans la capitale de la vieille ville de Tbilissi, en Géorgie.
Le maire de Tbilissi, qui n’était pas vraiment heureux à l’idée d’avoir un bâtiment massif qui allait ruiner la vue de la vieille ville, lui a demandé de trouver des solutions créatives pour intégrer le bâtiment dans le paysage.
Barness a organisé un concours destiné aux architectes et une équipe lui a suggéré de couvrir le bâtiment avec des « murs vivants » ou jardins verticaux avec des plantes décoratives. Barness a aimé l’idée mais d’autres recherches ont révélé que la technologie n’était pas assez avancée pour mettre en place cette idée.
Les murs verts peuvent être très lourds (la version la plus légère de Greenwall pèse tout de même 80 kg pour chaque mètre carré) et sont peu maniables. Il peut s’avérer être difficile de les changer si les plantes meurent.
Alors Barness a décidé de déplacer son attention sur la construction de murs verts massifs, divisé en « Blocs de plantes », plus gérables. Son centre commercial en Géorgie n’a jamais été construit en raison de la guerre entre la Russie et la Géorgie en 2008 mais le parcours professionnel de Barness a complètement changé.
Au début, il s’est concentré sur la construction de murs verts décoratifs, avec des plantes ornementales. Il a conçu des installations pour les bureaux en Israël de Facebook, Apple, Microsoft, Intel, et Isrotel.
En principe, quand il a lancé la société Greenwall (appelé champ vertical à l’étranger) à Ramot
Hashavim à côté de Kfar Sava, il a décidé d’employer seulement des migrants africains dans sa serre. « Pourquoi devrais-je importer des travailleurs thaïlandais quand nous avons tant de réfugiés déjà ici qui ont besoin d’emplois ? », s’est-il demandé. (Le jour où le Times of Israel a visité ces installations, presque tous les employés étaient à l’extérieur pour des missions de maintien ou des installations de bâtiments.)
Ce sont ses employés qui ont donné l’idée à Barness de cultiver des aliments sur les murs. Ses travailleurs, qui sont principalement d’origine érythréenne, vivent dans des caravanes sur sa propriété. Bien qu’ils ne viennent pas du milieu de l’agriculture en Érythrée, quand ils ont appris les techniques pour la construction de jardins verticaux grâce à leur travail, ils ont décidé de commencer à cultiver leurs propres légumes à côté de leurs caravanes.
Rapidement les caravanes étaient pleine de tomates cerises, de courgettes, de persil, de menthe et de coriandre.
Barness a voulu faire évoluer son concept.
« J’ai commencé avec des murs décoratifs mais ceci est une tendance qui balaie le monde entier, de faire des choses utiles », a expliqué Barness. « Ce n’est plus seulement un mur vert, c’est pour nettoyer la pollution dans l’air ou changer l’acoustique, ou pour produire de la nourriture ».
C’est la production de nourriture qui a le plus intéressé Barness. « Quand nous apportons beaucoup de gens à la ville, nous avons besoin de leur donner quelque chose à manger et quelque chose à faire », a-t-il expliqué.
« Quand je regarde certaines villes, je vois qu’il y a un problème. Il y a beaucoup de béton sans plantes, nous ne savons pas comment les combiner avec la nature. Ma vision est de donner une nouvelle façon de ramener la nature… Si nous pouvons le faire de manière économique, à grande échelle, nous avons la possibilité de changer la
ville ».
« Nous avons présenté un concept pour les champs de demain [au Milan Expo] et maintenant nous devons le mettre en pratique », a déclaré Barness. « Les réfugiés sont la première étape pour mettre en place ce concept. Nous ne devons pas renoncer à la nature ».
Les murs verticaux sont également assez flexibles pour permettre à l’entreprise de modifier certains aspects. Vous voulez développer un mur vert dans une zone sombre ? Installez quelques lumières LED dans les blocs de plantes ; elles peuvent émettre une lumière bleue à une fréquence spéciale pour encourager la croissance ou une lumière rouge pour encourager la floraison.
Les jardins verticaux exigent que les végétaux soient plantées dans une petite quantité de terre, à la fois pour réduire le poids et aussi pour donner de la stabilité aux racines et leur permettre de lutter contre la gravité. Mais cela signifie que la terre a besoin d’engrais pour reconstituer les nutriments dont les plantes ont besoin pour croître. Les jardins verticaux peuvent avoir besoin de grandes quantités d’engrais chimiques et de pesticides mais de nouveaux règlements concernant les eaux usées agricoles en Europe ont rendu difficile de se débarrasser de l’eau avec de l’engrais mélangé.
Barness utilise une combinaison de champignons et de probiotiques, avec des quantités concentrées de bactéries d’origine naturelle. On retrouve généralement des probiotiques dans le yogourt et ils aident à réguler les intestins et à renforcer les systèmes immunitaires, entre autres choses.
Barness les appelle « ninjas » parce que ce sont de bonnes bactéries qui combattent et tuent les mauvaises bactéries. Il les ajoute au système d’arrosage où ils s’infiltrent dans la plante et sont ensuite libérés dans l’air. Il assure que les bureaux qui ont des murs verts probiotiques signifient que les employés sont en bonne santé et tombent malades moins souvent parce qu’ils sont entourés par les plantes qui exhalent des probiotiques.
Barness a expliqué que plus les gens commenceront à faire pousser leurs propres jardins verticaux, plus ils seront en mesure de personnaliser leur jardin selon leurs besoins.
Est-ce que votre médecin vous a dit que vous aviez une carence en fer ? Pas assez de vitamine D ? Vous pouvez ajouter un mélange spécial dans le système d’arrosage afin que vos plantes soient enrichies en fer ou votre persil en vitamine D, éliminant la nécessité de prendre des gélules.
L’inconvénient de ce système à la verticale ?
Ces systèmes sont chers. Ces murs requièrent d’avoir de grande connaissance technologique pour construire le système et le suivi périodique pour s’assurer qu’il fonctionne correctement. Bien que les kits pour les réfugiés ou les clients privés puissent être assemblés facilement, ils restent encore chers. Mais Barness a fait valoir que dans les villes, l’espace est rare. Bien que les jardins verticaux sont plus chers que les jardins horizontaux, leur efficacité permet de compenser le prix.
Barness a expliqué que son plus grand défi est d’encourager les gens à réfléchir à des cultures qui poussent vers le haut au lieu de s’étaler. L’idée est si différente que cela prend un certain temps aux gens de comprendre et accepter.
Les faits sont irréfutables : il y a plus de personnes que jamais qui vivent dans les villes. La société a besoin de trouver un moyen pour les nourrir tous. Cela nécessitera probablement une combinaison de technologie, de nouvelles idées, et d’une utilisation créative de l’espace.
« Il est difficile de changer la façon dont les gens ont pensé pendant les cent dernières années [au sujet de l’agriculture urbaine] », a-t-il expliqué. « Mais au final, nous allons réussir. Nous serons dans toutes les grandes villes. Vous verrez un énorme champ vertical avec la technologie israélienne ».
Barness a noté que les cultures verticales montrent un côté alternatif d’Israël, un côté qui n’est pas connecté à la terreur et à la guerre. « Vous pouvez prendre une religieuse ou une personne musulmane et les amener ici, et ils ne se disputeront pas pour cela », a-t-il pris pour exemple.
« Les plantes créent la paix. S’il y a un sujet sur lequel les gens ne peuvent pas être en désaccord, c’est bien cela », a-t-il expliqué, en désignant le mur de verdure derrière lui, des blocs et des blocs de fougères qui se balançaient légèrement dans la brise, atteignant presque le plafond.
Luke Tress a contribué à cet article.
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