Deri ferait pression sur Netanyahu pour un rôle de Premier ministre suppléant
Le leader du Shas, invalidé par la Haute Cour à la fonction de ministre, et la coalition s'efforcent de trouver un nouveau poste pour le partenaire clé du nouveau gouvernement
Le chef du parti Shas, Aryeh Deri, ferait pression pour être nommé Premier ministre suppléant dans le cadre des pourparlers en cours avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu, quelques jours après que la Haute Cour de justice a annulé la nomination du chef du parti ultra-orthodoxe au poste de ministre, en raison de ses multiples condamnations pénales.
Selon un reportage de la Douzième chaîne diffusé jeudi, Deri et Netanyahu ont tenu des discussions et réfléchissent à leur prochaine action, dans l’espoir de trouver un autre rôle de haut niveau pour le chef du Shas, qui a été nommé ministre de la Santé et de l’Intérieur dans le nouveau gouvernement. Selon la Douzième chaîne, Netanyahu et Deri souhaitent mettre en place un plan d’action avant que Deri ne démissionne officiellement, comme l’a exigé la Procureure générale, Gali Baharav-Miara, plus tôt dans la journée de jeudi, ou qu’il ne soit licencié. Cependant des désaccords sur la meilleure voie à suivre subsistent entre les deux hommes.
Le chaine publique israélienne Kan a rapporté que Netanyahu envisagerait de licencier Deri au cours du week-end et devrait annoncer un remplaçant.
Selon le reportage télévisé, Deri aurait demandé à être nommé Premier ministre suppléant et aurait insisté sur sa participation continue au sein du cabinet de sécurité, tandis que Netanyahu aurait proposé un certain nombre d’autres possibilités, tel que le rôle de président de la Knesset, que Deri aurait refusé. Le reportage indique que le Premier ministre aurait également proposé de faire passer une loi qui limiterait le droit de la Haute Cour d’intervenir dans les nominations ministérielles – une décision que la Cour pourrait également bloquer – alors que la coalition s’efforce de trouver un moyen de contourner la décision de la Cour de mercredi et de donner à Deri un poste de haut rang.
Il est également peu probable que Deri devienne Premier ministre suppléant – une manœuvre qui serait complexe et risquée, puisqu’elle pourrait aboutir à la disqualification de Deri, même en tant que simple député de la Knesset.
La nomination de Deri comme Premier ministre suppléant nécessiterait que le gouvernement adopte une motion de défiance à son encontre et forme un nouveau gouvernement de partage du pouvoir. Toutefois, comme la Haute Cour n’a jamais statué sur la possibilité de nommer un criminel condamné à ce poste, la question sera probablement soumise aux juges.
La Cour pourrait conditionner la nomination à une décision de la commission centrale électorale sur la question de savoir si la condamnation de Deri pour délit fiscal l’année dernière – qui lui a valu une peine avec sursis dans le cadre d’une négociation de peine – comporte la clause de « turpitude morale ». Une telle désignation signifierait qu’il ne peut occuper aucune fonction publique pendant sept ans.
Dans un tel scénario, qui n’est pas improbable, Deri cesserait automatiquement d’être membre de la Knesset, voire même d’être limogé.
Le rôle de Premier ministre suppléant a été créé en 2020 par Netanyahu et Benny Gantz pour leur gouvernement éphémère de partage du pouvoir. Il a également été utilisé par le gouvernement suivant dirigé par Naftali Bennett et Yaïr Lapid.
Netanyahu et son nouveau gouvernement de droite radicale avaient promis d’écarter l’option légale d’avoir un Premier ministre suppléant, argumentant qu’il ne devrait y avoir qu’un seul leader national.
Deri est un partenaire de coalition clé du gouvernement de Netanyahu, ainsi qu’un confident de longue date du Premier ministre.
Selon des informations publiées dans la presse israélienne, si tout les alternatives échouent, Netanyahu envisagerait la possibilité de nommer Deri comme « observateur » au sein du cabinet de sécurité, un groupe de ministres de premier plan chargés de prendre des décisions concernant le dispositif militaire d’Israël, ses relations diplomatiques et d’autres questions d’importance capitale pour l’État.
Netanyahu pourrait également envisager de convoquer un kitchen cabinet, un cabinet de sécurité interne restreint, auquel Deri participerait, a rapporté la Douzième chaîne. Le cabinet restreint est chargé de déclarer les guerres ou les opérations militaires majeures, de garantir les cessez-le-feu en cours entre autres initiatives diplomatiques et de traiter les questions sensibles relatives aux Renseignements. Avant sa création en 2001, les Premiers ministres convoquaient des cabinets de guerre ad hoc en cas d’urgence nationale, tel que le célèbre cabinet restreint de Golda Meir lors de la guerre de Kippour en 1973.
Mercredi, la Haute Cour a statué à 10 contre 1 que la double nomination de Deri en tant que ministre de la Santé et de l’Intérieur était « extrêmement déraisonnable » à la lumière de ses accusations de corruption et de fraude fiscale récentes et passées, et que Deri avait trompé le tribunal d’instance en lui faisant croire qu’il se retirerait de la vie politique afin d’échapper à la conclusion que sa récente condamnation pour fraude fiscale comportait une « turpitude morale ».
Deri a également été condamné et incarcéré pour avoir accepté des pots-de-vin lors d’un précédent passage en tant que ministre de l’Intérieur dans les années 1990.
Bien que le Shas et les partenaires de la coalition aient anticipé la décision, les membres du gouvernement ont déclaré qu’ils n’étaient pas préparés à sa gravité, s’attendant à ce que les juges s’appuient uniquement sur le critère du « caractère raisonnable » pour invalider la nomination de Deri à un poste ministériel. Ce critère permet aux tribunaux de déclarer que certaines actions ou décisions sont nulles parce qu’extrêmement déraisonnable.
Outre le critère du « caractère raisonnable », le tribunal a également indiqué que Deri ne pouvait pas revenir sur sa déclaration selon laquelle il quitterait la Knesset, et ostensiblement la politique, dans le cadre d’une négociation de peine, en raison du principe juridique de l’estoppel, qui interdit aux parties à un procès de modifier leurs revendications dans différentes procédures.
L’utilisation de l’argument de l’estoppel peut empêcher le gouvernement d’annuler la décision s’il présente une loi visant à annuler la considération du « caractère raisonnable » et à essayer de maintenir Deri au sein du cabinet.