Des cadres du Jihad islamique palestinien tués par des frappes israéliennes à Gaza
Les attaques contre trois leaders de l'organisation et autres bombardements ont fait au moins 12 morts ; les résidents du sud d'Israël se préparent à une riposte
Le bruit des explosions s’est fait entendre mardi dans la bande de Gaza, aux toutes premières heures de la journée, alors que l’armée de l’air israélienne assassinait trois responsables du groupe terroriste du Jihad islamique, quelques jours après une brève et féroce flambée de violences dans la région.
Les résidents israéliens qui vivent dans un périmètre de 40 kilomètres autour de Gaza ont reçu pour instruction d’entrer dans les abris antiaériens – ou, tout du moins, d’y rester à proximité – dans un contexte d’inquiétudes face à une éventuelle riposte.
Ces bombardements ont eu lieu quelques jours après que les terroristes de Gaza – avec le Jihad islamique à leur tête – ont tiré 104 roquettes en direction d’Israël pour répondre à la mort d’un membre présumé de l’organisation, décédé des suites d’une grève de la faim alors qu’il était emprisonné en Israël. Plusieurs roquettes avaient touché Sderot pendant cet épisode de violences, le 2 mai, blessant trois ouvriers et endommageant habitations et voitures.
Des frappes antérieures sur le Jihad islamique ont entraîné, dans le passé, des tirs de barrage de roquette prenant pour cible les civils israéliens et des combats intenses avec les soldats, parfois pendant plusieurs jours.
Au moins 12 personnes ont été tuées lors des bombardements de la nuit de lundi à mardi, selon le ministère de la Santé du territoire contrôlé par le Hamas. Le Jihad islamique a indiqué que les épouses des trois commandants et un certain nombre de leurs enfants avaient perdu la vie. Il y aurait par ailleurs eu 20 blessés, un chiffre qui n’a pas été confirmé.
L’armée israélienne a précisé qu’elle avait tué Khalil Bahitini, le commandant du Jihad islamique dans le nord de Gaza ; Jahed Ahnam, haut-responsable du conseil militaire du groupe et Tarek Azaldin qui, a-t-elle annoncé, dirigeait les activités terroristes du Jihad islamique en Cisjordanie depuis une base située à Gaza.
Ces morts ont été confirmées par le Jihad islamique.
Tsahal a précisé que Bahitini était « le haut-responsable des opérations » de l’organisation et qu’il entretenait des contacts étroits avec les leaders du groupe terroriste soutenu par l’Iran.
Il avait pris ce poste après la mort de son précédent commandant qui avait été tué dans des frappes, l’année dernière.
« Bahitini était chargé d’approuver et de mener toutes les activités terroristes depuis le nord de Gaza ; de planifier et de diriger les attentats contre des civils israéliens et de planifier des attaques à la roquette qui devaient survenir dans un avenir proche », a indiqué l’armée.
Bahitini, 44 ans, qui vivait à Gaza City, était entré au Jihad islamique dans les années 1990 et tenait un rôle actif au sein de l’organisation. Au fil des années, a expliqué l’armée israélienne, il avait été impliqué dans des activités terroristes – notamment dans l’organisation d’attentats-suicides, d’attentats à la bombe, de tirs de roquette et d’actes visant à semer la terreur en Cisjordanie.
Ahnam, 62, ans, qui habitait Rafah, était un agent de liaison déterminant chargé du transfert de fonds et d’armes entre le Jihad islamique et le Hamas, a ajouté Tsahal.
Les militaires ont noté qu’Ahnam était « l’un des plus hauts-responsables de l’organisation », disant qu’il avait occupé plusieurs fonctions de premier plan. Il avait notamment été chef des brigades du sud de Gaza et secrétaire du Conseil militaire du Jihad islamique.
Azaldin, 49 ans, avait aussi été impliqué dans le trafic de fonds entre Gaza et la Cisjordanie à des fins d’activités terroristes, a poursuivi l’armée. Originaire d’Arraba, une ville de Cisjordanie, Azaldin avait été emprisonné en Israël en raison de son implication dans des attentats-suicides, au début des années 2000.
L’armée a commencé ses bombardements au sein de l’enclave côtière à deux heures du matin, une attaque surprise coordonnée contre les leaders du groupe.
Le contre-amiral Daniel Hagari, porte-parole de Tsahal, a indiqué que l’armée de l’air avait atteint ses objectifs avec ces premières frappes.
« A ce stade, nous avons atteint les buts que nous nous étions fixés, nous avons touché ceux que nous voulions toucher et si c’est nécessaire, alors nous intensifierons nos attaques. Nous sommes prêts à tous les scénarios », a dit Hagari aux journalistes.
Il a précisé que 40 avions – dont des avions de chasse – avaient procédé aux principaux bombardements à quelques secondes d’intervalle et à trois endroits différents de l’enclave côtière.
« L’opération a été menée avec professionnalisme et précision, à la fois dans la planification et dans l’exécution… Il y a eu quelques secondes entre les différentes frappes. Tous les bâtiments ont été bombardés à quelques secondes d’intervalle, dans une fenêtre de temps très étroite… Cela a été une attaque complexe et de très haute qualité qui a été réalisée par l’armée de l’air », a continué Hagari.
Des propos confirmés par Richard Hecht, autre porte-parole de Tsahal.
« Nous avons atteint les buts que nous voulions atteindre », a-t-il déclaré à la presse.
« Nous avons fait le maximum possible pour concentrer » les frappes sur les activistes visés, a déclaré le colonel Hecht en réponse à une question sur la mort d’enfants, et « s’il y a eu des morts tragiques, nous enquêterons dessus ».
A Gaza, condamnant un « lâche crime sioniste », le Jihad islamique a promis que « la résistance vengera les dirigeants » tués dans la nuit.
Israël porte « la responsabilité des conséquences de cette escalade », a déclaré à l’AFP Hazem Qassem, porte-parole du Hamas.
« L’ennemi paiera le prix de son crime », a affirmé un autre communiqué au nom du chef (en exil) du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et selon lequel « assassiner des dirigeants (de groupes palestiniens) n’apportera pas la sécurité à l’occupant, mais renforcera la résistance ».
Les témoins ont fait savoir qu’une explosion avait touché le dernier étage d’un immeuble résidentiel de Gaza City et une habitation de la ville de Rafah, dans le sud du pays. Il y aurait eu plusieurs blessés, selon les médias palestiniens.
Des dizaines d’attaques ont été signalées dans toute la bande dans les heures qui ont suivi, avec des boules de feu qui ont éclairé le ciel alors que l’armée ciblait des sites où s’entraînent les membres des groupes terroristes.
Tsahal a appelé sa campagne « l’Opération Bouclier et Flèche ».
« Cela a été une attaque défensive et offensive », a commenté Hagari.
Dans des communiqués diffusés dans la nuit, l’armée israélienne a affirmé qu’elle « continuera d’agir pour la sécurité des civils en Israël ».
Le Jihad islamique n’avait pas riposté mardi matin à huit heures – probablement en résultat de la surprise causée par l’attaque israélienne, mais les prochaines heures connaîtront probablement d’intenses tirs de barrage en direction des villes de l’État juif.
Le Commandement intérieur de l’armée a émis des instructions pour les résidents des secteurs se trouvant à proximité de Gaza, leur demandant de rester dans les abris antiaériens ou de se tenir à proximité de ces derniers. Les autorités locales ont reçu l’ordre d’ouvrir les abris antiaériens publics et Tsahal a fait savoir que l’accès à certaines routes proches de l’enclave côtière seraient bloquées, les missiles craignant des tirs de missile anti-char ou des attaques de snipers.
Ordre a également été donné aux écoles du secteur – jusqu’à Lachisch et Beer Sheva – de fermer leurs portes. Les rassemblements en plein air ont aussi été interdits, ce qui entrave les réjouissances de la fête juive Lag BaOmer qui est souvent l’occasion d’activités pour les enfants, une fête célébrée ce mardi.
Le transport ferroviaire entre Ashkelon et Netivot a été interrompu et les postes-frontières entre Israël et la bande de Gaza ont aussi été fermés.
Le Commandement intérieur a donné le feu vert aux villes frontalières de Gaza pour qu’elles commencent à évacuer les habitants, l’armée estimant que les combats pourraient durer plusieurs jours.
Hagari a rappelé que les villes avaient des plans préétablis dans une telle éventualité, ainsi que des arrangements avec des hôtels où les habitants pourront être relogés s’ils doivent quitter leurs maisons.
Anticipant un conflit susceptible de durer au moins plusieurs jours, le ministre de la Défense Yoav Gallant a approuvé le rappel des réservistes. Hagari a précisé que plusieurs centaines d’entre eux devraient être convoqués mardi, principalement au sein de l’armée de l’air, du Commandement du sud et dans les unités de renseignement.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a prévu de réunir le cabinet de sécurité de haut-niveau, mardi dans la journée, pour parler du conflit, a déclaré le site d’information Ynet.
Netanyahu avait subi les pressions exercées par les partisans de la ligne dure au sein de son gouvernement qui l’ont sommé de répondre plus durement aux tirs de roquette de Gaza, et de recourir à des mesures offensives.
Footage documenting one of the Israeli airstrikes on Khan Yunis, south of the Gaza Strip, earlier tonight. pic.twitter.com/A4Ae8sp8Rt
— Quds News Network (@QudsNen) May 9, 2023
Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, s’est réjoui de l’attaque, écrivant sur Twitter : « Il était temps ! »
Depuis son retrait de la bande en 2005, Israël et le Hamas se sont affrontés dans le cadre de deux conflits terrestres majeurs et de deux guerres aériennes qui ont duré au moins une semaine, avec des dizaines d’affrontements plus limités. Les terroristes de Gaza, avec le Hamas à leur tête, posséderaient des dizaines de milliers de roquettes capables de toucher tout le territoire israélien.
Les frappes aériennes qui ont eu lieu cette nuit sont similaires à des attaques qui étaient survenues au mois d’août 2022, où Tsahal avait bombardé les sites où se trouvaient des commandants du Jihad islamique. Des bombardements qui avaient été suivis de trois jours de tirs de roquette et de frappes de représailles. L’État juif avait indiqué, à ce moment-là, que les frappes initiales avaient été causées par des menaces concrètes qui annonçaient une attaque imminente.
Le Hamas était resté en marge de ces affrontements – un retrait qui avait probablement aidé à les limiter – entraînant l’espoir que le groupe terroriste avait suffisamment pu évoluer pour devenir un acteur politique non-violent. Le Hamas avait apposé son nom à une organisation-cadre qui avait revendiqué les tirs de roquette effectués au début du mois de mai, même s’il est difficile de dire s’il avait tenu un rôle actif dans ces affrontements et même si sa participation à d’éventuelles représailles, mardi, reste encore indéterminée.
L’AFP a contribué à cet article.