Des caricatures controversées parues dans un journal haredi suscitent l’indignation
Lapid y est notamment dépeint comme un cochon, un juge comme dragon : le chef de l'opposition accuse le site ultra-orthodoxe de recourir à des images antisémites
Le leader de l’opposition Yair Lapid a dénoncé un média ultra-orthodoxe qui a publié une caricature le représentant sous la forme d’un cochon tenant des billets de banque à la main et les comptant, l’accusant d’avoir utilisé des tropes antisémites.
C’est le site d’information ultra-orthodoxe Behadrei Haredim qui a diffusé, mardi, la caricature d’un Lapid montré sous l’apparence d’un porc en train de compter de l’argent avec un panneau « Manifestation – peu importe pourquoi », un dessin qui semble accuser le chef de l’opposition de profiter des manifestations qui s’opposent actuellement au plan de réforme judiciaire avancé par le gouvernement.
« C’est ainsi que les antisémites dessinent les Juifs depuis des générations », a écrit Lapid sur Twitter. « Je suis en train de me demander ce qui arriverait si des images des responsables haredim présentées sous la forme de cochon ne se préoccupant que de l’argent étaient publiées – imaginez l’indignation, la victimisation ».
D’autres caricatures mises en ligne par le journal ont utilisé des images similaires pour dépeindre les Israéliens qui s’opposent au plan de refonte du système judiciaire.
Sur l’une d’entre elles, une manifestante vêtue du costume porté par les femmes dans le livre « La Servante écarlate, » écrit par Margaret Atwood – un costume qui est devenu un symbole lors des manifestations des Israéliennes qui affirment que la réforme portera atteinte à leurs droits – affiche les traits d’un loup.
Les citoyennes qui prennent part au mouvement de protestation cherchent à insister sur le fait que le projet de refonte du système judiciaire en Israël laissera sans protection les femmes et les minorités – faisant référence, en portant le costume, à ce roman dystopique où les femmes sont obligées de porter les enfants des dirigeants d’une société patriarcale.
לראות ולא להאמין. אלו קריקטורות שפורסמו באתר "בחדרי חרדים". לא בעיתון Der Stürmer בגרמניה בשנת 1933, אלא בישראל 2023.
אפילו באיראן ובחמאס לא הגיעו לרמה כזאת של אנטישמיות.
מזעזע, אין להם אלוהים.
אני מקווה שעורך אתר ״בחדרי חרדים״, משה ויסברג, יועמד לדין על פרסום הסתה לגזענות. pic.twitter.com/08jCIGNY2J— Nava Rozolyo נאווה רוזוליו (@rozolyo) April 4, 2023
Une autre image montre un chevalier dans une armure scintillante en train de défendre la refonte judiciaire – il s’agit apparemment de Simcha Rothman, l’un des artisans du plan – en train de se battre contre l’ancien président de la Cour suprême, Aharon Barak, mi-dragon et mi-démon.
Les partis ultra-orthodoxes ont un intérêt particulier à faire adopter la clause dite « dérogatoire » qui entre dans le cadre des réformes – et qui, sous sa forme actuelle, permettrait à la Knesset d’annuler une décision prise par la Haute-cour de justice par une majorité simple de 61 députés à la Knesset, forte de 120 membres. Ils considèrent cette clause comme déterminante pour empêcher d’éventuelles interventions du tribunal dans leurs affaires, avec notamment l’inscription dans la loi de l’exemption de service militaire pour les jeunes haredim qui étudient en yeshiva.
Les législations qui avaient satisfait leurs différentes demandes sur le service militaire avaient été rejetées par les tribunaux dans le passé – même si les jeunes qui étudient la Torah sont nombreux à échapper à leur service dans l’armée.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a stoppé l’avancée, devant le Parlement, des projets de loi formant la refonte radicale, la semaine dernière, afin de permettre à des négociations de se tenir en vue d’un compromis – une décision qui a été prise quelques heures avant qu’un projet de loi permettant au gouvernement de prendre le contrôle de la commission chargée de nommer les juges dans le pays ne soit définitivement approuvée.
La réforme du système de la justice israélien vise à affaiblir les capacités du tribunal à servir de contre-pouvoir face au Parlement et à offrir au gouvernement un contrôle presque absolu sur la nomination des juges.
Pour les critiques, ce plan politisera la Cour, supprimera des contre-pouvoirs déterminants qui, jusqu’à présent, ont empêché le gouvernement d’être dotée d’une quasi-toute puissance et il nuira de manière importante à la démocratie en Israël. Pour leur part, les partisans du projet déclarent que ces mesure freineront un système judiciaire qui, selon eux, a dépassé ses limites d’influence.
La procureure-générale a averti que les législations actuellement avancées accorderont à la coalition un pouvoir presque illimité sans offrir de protections institutionnelles aux droits individuels.
Des négociations sont actuellement en cours entre la coalition et l’opposition pour tenter de trouver un accord sur une réforme potentielle qui serait acceptable pour une majorité d’Israéliens. Les observateurs, pour leur part, ne sont guère optimistes concernant la conclusion d’un accord.