Des documents déclassifiés suggèrent que Golda Meir envisageait un Etat palestinien
Les transcriptions d'une réunion montrent que l'ex-Première ministre a sérieusement réfléchi à créer une entité palestinienne, en dépit de ses déclarations publiques

L’ancienne Première ministre Golda Meir a envisagé la possibilité de former un État palestinien aux côtés d’Israël trois ans après la guerre des Six Jours, selon des protocoles publiés lundi par Haaretz, qui jettent un nouvel éclairage sur celle qui avait pourtant déclaré que « les Palestiniens, ça n’existe pas ».
Le mois dernier, les archives de l’État d’Israël ont déclassé des transcriptions top secrètes d’une réunion que Meir a tenue en octobre 1970 avec des ministres de premier plan, dont le ministre de la Défense Moshe Dayan et le ministre de l’Éducation Yigal Alon, et au cours de laquelle la possibilité d’un État palestinien a été évoquée.
« Il sera nécessaire de laisser aux Arabes de Judée et de Samarie la possibilité d’obtenir l’autodétermination à un stade ultérieur, si et quand cela nous convient », a déclaré Meir au début de la réunion. « En d’autres termes, il y aura un autre pays [à côté d’Israël]. »
Golda Meir a précisé qu’elle jugeait cette éventualité comme quelque chose de radical. Elle a également indiqué qu’elle ne se souciait pas du nom que porterait ce pays.

Le protocole montre que Meir a envisagé des arrangements politiques pour un État palestinien : en tant qu’État membre d’une confédération avec Israël, la Jordanie, ou les deux, ou en tant que pays complètement indépendant. Toutefois, la Première ministre a semblé troublée par ces scénarios, affirmant que de tels arrangements seraient créés dans le but de détruire Israël.
Il est intéressant de noter que la réunion a eu lieu quelques semaines seulement après le « Septembre noir », le conflit qui a opposé pendant un mois l’Organisation de libération de la Palestine au royaume jordanien et qui a conduit au bannissement de l’OLP au Liban. Néanmoins, Meir déclarait que « si [le chef de l’OLP, Yasser Arafat] devient Premier ministre de Jordanie, nous négocierons avec lui. Arafat, en tant que chef d’une organisation terroriste, non ! Mais s’il devient chef d’un gouvernement qu’il représentera en tant que Palestinien, alors très bien ».
Golda Meir, qui tout au long de sa carrière a refusé de reconnaître le droit des Palestiniens à l’autodétermination, a également déclaré lors de cette réunion qu’elle était devenue « ouverte d’esprit sur la question, même si [mon esprit] s’est fermé juste après la guerre des Six Jours, mais je suis prête à rouvrir mon esprit et à écouter s’il y a un soupçon d’espoir d’avoir un petit État en Judée et en Samarie, et peut-être à Gaza ».
Le protocole se poursuit par une discussion sur les détails d’un éventuel État palestinien, la Première ministre rejetant totalement l’idée que Jérusalem puisse servir de capitale à une telle nation. Elle explique que la guerre d’indépendance israélienne a permis à Israël d’offrir des concessions minimales en cas de négociations avec les Palestiniens.
« Pourquoi Jaffa est-elle moins palestinienne que n’importe quel autre endroit ? Et c’était sur leur terre. Allons-nous la leur donner ? Je suis prête à aller prier et à remercier Dieu pour leur déclaration de guerre contre nous en 1948 », a-t-elle déclaré. « Comment aurions-nous vécu avec cela ? Je ne sais pas, mais en fin de compte, ce n’est pas nous qui avons déclaré la guerre. »
Comme Meir, les autres ministres se sont montrés réceptifs, mais très prudents à l’égard de l’idée, Alon affirmant qu’aucune « déclaration Balfour » ne devrait être faite sur le sujet – en référence à la déclaration de 1917 dans laquelle le gouvernement britannique annonçait son soutien à la création d’un « foyer juif » dans la Palestine mandataire gouvernée par les Ottomans.
« Je ne suggère pas d’encourager la création d’un État palestinien », a déclaré l’ancien commandant du Palmach. « Il s’agit plutôt, à long terme, d’un contrat de paix en vertu duquel toutes les options seront ouvertes. »
Alon a également déclaré que l’existence du peuple palestinien ne dépendait « ni de moi ni de Golda Meir. S’ils se considèrent comme des Palestiniens, nous pouvons dire mille fois qu’ils ne le sont pas, mais ils resteront [Palestiniens] quoi qu’il en soit ».
Yisrael Galili, ministre sans portefeuille, avait déclaré : « J’ai le sentiment depuis un certain temps, et depuis peu avec plus d’intensité, que ce que nous appelons ‘le problème palestinien’ commence à gêner, moralement et politiquement, les meilleurs d’entre nous, y compris les commandants, les généraux et tous ceux qui portent l’armée israélienne sur leur dos. »
« Cela montre que le problème n’a pas été importé ici, mais qu’il a une origine, qu’il n’est pas artificiel. »
Après une longue carrière politique au cours de laquelle elle a été ministre du Travail et ministre des Affaires étrangères, Mme Meir a été le quatrième Premier ministre d’Israël de 1969 à 1974. Elle a démissionné à la suite de critiques publiques après la guerre du Kippour de 1973 et est décédée en 1978.
Un biopic sur Meir, « Golda », devrait sortir en août. Il se concentre sur la conduite de Meir pendant la guerre du Kippour. Le rôle de Meir est interprété par Helen Mirren.