Des étudiants US en visite en Israël : L’antisémitisme sur les campus est inéluctable
Des Juifs de prestigieuses universités décrivent comment ils vivent la haine déclenchée par la guerre contre le Hamas et son effet galvanisant sur leurs communautés
- Andrew Stein, étudiant à l'Université Columbia, visitant la "Place des Otages", à Tel Aviv, le 27 décembre 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)
- Des étudiants d'universités nord-américaines écoutant des proches d'otages de Gaza sur la "Place des Otages", à Tel Aviv, le 27 décembre 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)
- Des étudiants d'universités nord-américaines visitant le cimetière de voitures, rempli de véhicules de victimes du Festival Supernova, dans le sud d'Israël, le 26 décembre 2023. (Crédit : Boursiers de la Hasbara)
- Ethan Oscar Oliner, étudiant de l'Université Cornell, arrivant sur la "Place des Otages", à Tel Aviv, le 27 décembre 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)
- Dinah Elmaleh, étudiante à l'Université Concordia, sur la "Place des Otages", à Tel Aviv, le 27 décembre 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)
Andrew Stein, 22 ans, étudiant à l’université de Columbia, a essayé de faire abstraction des slogans scandés par des centaines d’autres étudiants alors qu’il passait son examen final en théologie au début du mois. Lors du rassemblement anti-Israël qui se déroulait à l’extérieur de la salle d’examen, les étudiants appelaient à une « intifada » pour « libérer la Palestine ».
Les slogans – que beaucoup interprètent comme des euphémismes pour la violence contre les Juifs – ne visaient pas Stein, un Juif orthodoxe. Mais le professeur de ce dernier s’est rendu compte que cela le distrayait.
« Il s’est approché et a prononcé des paroles réconfortantes : ‘Ne vous inquiétez pas. Concentrez-vous sur votre examen.' », a rapporté Stein.
Selon lui, cette anecdote souligne à quel point l’anti-sionisme et l’antisémitisme virulents sont devenus une menace incontournable sur son campus et dans toute l’Amérique du Nord à la suite de la prolifération de la haine des Juifs déclenchée par la guerre entre le groupe terroriste palestinien du Hamas et Israël le 7 octobre.

Avant la guerre, a expliqué Stein, les étudiants identifiables en tant que juifs pouvaient, s’ils le souhaitaient, complètement éviter la « question israélienne ». Mais aujourd’hui, « le mieux que l’on puisse espérer, c’est de ne pas être en première ligne ».
« Vous ne pouvez pas l’éviter : vous sentez les regards de mort ; vous voyez que les gens remarquent que vous êtes Juif. »
Stein fait partie de la vingtaine d’étudiants des meilleures universités d’Amérique du Nord qui visitent Israël cette semaine dans le cadre d’une délégation ayant une double mission : exprimer leur solidarité avec Israël et étudier les atrocités commises par le Hamas. Ils se sont entretenus avec le Times of Israel depuis la « Place des Otages » à Tel Aviv, où le groupe Hasbara Fellowships (Boursiers de la Hasbara – mot en hébreu désignant la diplomatie publique israélienne) a rencontré mercredi des parents de quelques-uns des plus de 100 otages toujours détenus par le Hamas à Gaza.
Les étudiants ont l’intention de mettre à profit les informations recueillies pour défendre la cause d’Israël sur leur campus et à l’étranger.

Cela peut s’avérer dangereux. Plusieurs incidents violents liés à Israël ont été enregistrés ces dernières semaines sur les campus américains ou à proximité. À l’Université Tulane, en Louisiane, un homme tenant un drapeau palestinien a utilisé le mât pour frapper un manifestant pro-Israël après que ce dernier a tenté d’arracher un drapeau israélien que des pro-Palestiniens s’apprêtaient à incendier.
À l’Université de Californie, à Berkley, des groupes juifs affirment que deux manifestants ont frappé un étudiant juif, drapé dans un drapeau israélien, à la tête à l’aide d’une gourde en métal. L’université est poursuivie en justice par les groupes juifs, qui accusent la direction de l’établissement d’avoir ignoré l’antisémitisme et d’y avoir incité. L’administration de l’Université de Berkeley nie ces allégations.
« Je porte une kippa. J’ai l’impression que lorsque je me promène parmi les autres, il y a une tension », a confié Stein, qui étudie la philosophie et l’informatique à Columbia après y avoir été transféré de l’Université de Pennsylvanie (UPenn).
Tout est dans le « contexte »
L’UPenn est au cœur d’un scandale international lié à l’antisémitisme, tout comme Harvard et le Massachusetts Institute of Technology (MIT). En décembre, les présidentes de ces universités ont déclaré, lors d’une audition au Congrès, qu’un « contexte » était nécessaire pour déterminer si l’appel au génocide des Juifs constituait une violation de leurs propres codes de conduite.
Un tollé a poussé Liz Magill à démissionner de son poste de présidente de l’UPenn – mais reste membre du corps professoral de l’établissement – après avoir présenté ses excuses pour ne pas avoir condamné de tels appels. La présidente de Harvard, Claudine Gay, s’est également excusée et a déclaré dans un communiqué que les appels au génocide contre les Juifs étaient « ignobles », « n’avaient pas leur place à Harvard » et que « ceux qui menacent nos étudiants juifs devront rendre des comptes ».
Gay, qui fait face à des critiques également pour plagiat présumé, a résisté aux appels à la démission, tout comme la présidente du MIT, Sally Kornbluth, qui est juive. Kornbluth n’a pas présenté d’excuses. Un porte-parole du MIT a déclaré dans un communiqué que l’institution « rejette l’antisémitisme sous toutes ses formes ».
Plusieurs étudiants de la délégation en Israël ont attribué les déclarations des présidentes d’université du 5 décembre à une mauvaise performance politique plutôt qu’à une quelconque affinité avec l’antisémitisme.

« Je pense que les présidentes essaient de jouer sur les deux tableaux, d’apaiser toutes les parties en présence, dans un contexte de pression intense de la part des militants pro-Palestiniens et de certains donateurs et étudiants juifs », a indiqué Ethan Oscar Oliner, 19 ans, étudiant à l’Université Cornell. Le problème, selon lui, n’est pas l’animosité pure et simple de la part des hautes administrations des universités, mais leur inaction face à l’hostilité des étudiants et de certains professeurs.
Selon Stein, l’étudiant de Columbia, une partie de ce constat s’explique par le rapide changement d’état d’esprit sur le campus. Avant le 7 octobre, date à laquelle quelque 3 000 terroristes du Hamas ont assassiné 1 200 Israéliens et conduit Israël à lancer une opération militaire à Gaza, « la question d’Israël était dans un coin de la tête de tout le monde, il n’y avait rien », a-t-il affirmé, à l’exception peut-être de la « Semaine de l’apartheid israélien », une série d’actions anti-Israël qui se déroulent sur les campus au début de chaque année.
Mais après le 7 octobre, a déclaré Stein, l’antisémitisme conduit « les [étudiants] Juifs à éviter le campus tant ils sont mal à l’aise. Beaucoup de Juifs restent dans leur appartement. »

D’un ruissellement à une cascade d’antisémitisme
Les activités anti-Israël avaient déjà connu une recrudescence sur les campus nord-américains lors de conflits impliquant Israël, a fait remarquer Alan Levine, le directeur exécutif de Hasbara Fellowships, le groupe qui a emmené la délégation en Israël pendant les vacances d’hiver des étudiants. Cette organisation, basée à New York et créée en 2001, coordonne plusieurs voyages par an afin d’aider les étudiants nord-américains à défendre la cause d’Israël dans leur pays d’origine.
« Le volume des manifestations anti-Israël est beaucoup plus important, l’antisémitisme est plus flagrant et nous assistons maintenant à des actes de violence », a déclaré Levine.

Le cinéaste Ami Horowitz a récemment tenté d’évaluer la tolérance à la violence antisémite à l’université d’État de San Francisco, où il a demandé à 35 personnes choisies au hasard de donner de l’argent pour « des armes pour riposter contre les Juifs », comme il l’a indiqué à l’un de ses interlocuteurs.
Toutes ont accepté, sauf sept, et aucune ne s’est opposée à la proposition, selon Horowitz, qui a dit à plusieurs personnes que leur argent servirait à « financer des opérations contre des cibles faciles : des écoles, des cafés juifs ».

La « cause antisémite » a atteint environ 500 dollars en promesses de dons auxquelles Horowitz, qui se spécialise dans la dénonciation des doubles standards par le biais d’interviews non scénarisées, n’a jamais donné suite en réalité.
Mais l’empressement de ses donateurs potentiels a choqué les milliers de personnes qui ont vu la vidéo. Le rabbin Lawrence Hajioff de New York a écrit : « Je ne peux pas croire ce que je viens de voir. »
Ça fait partie de la vie sur le campus
Pour certains étudiants juifs des campus nord-américains, le phénomène exposé dans la vidéo n’a pas été une surprise, car il fait tout simplement partie de la vie sur les campus après – et dans certains cas, avant – le 7 octobre.

« Les appels à la violence contre les Juifs sont très répandus sur les campus, alors pourquoi ne donneraient-ils pas de l’argent pour cela ? », a souligné Stein. La vulgarisation de la théorie dite de la décolonisation, une vision du monde qui favorise la suppression de l’État juif en Terre d’Israël dans le cadre d’une campagne visant à extraire les Blancs des positions de pouvoir qu’ils perçoivent, explique en partie cette situation, selon Stein.
Une autre raison, selon les étudiants, est cette forte émotion que suscite le conflit israélo-palestinien en particulier, et la mort de milliers de Palestiniens dans la guerre en cours (des estimations invérifiables du ministère de la Santé du Hamas plus de 21 000 Palestiniens seraient morts).
Cette réalité pousse certains Juifs à dissimuler leur judaïsme. Mais elle a aussi l’effet inverse sur beaucoup d’autres, a noté Oliner, l’étudiant de Cornell.
« Je vois en réalité beaucoup plus de gens qui ne portaient pas de kippa auparavant, [le faire désormais] par solidarité et par fierté juive », a déclaré Oliner.

Stein et Oliner ont toutes deux indiqué appartenir à une communauté juive florissante sur le campus.
Des tendances similaires se produisent sur les campus canadiens, a noté Dinah Elmaleh, étudiante à l’Université Concordia de Montréal, au Québec, où trois personnes ont été blessées et une a été arrêtée le mois dernier à la suite d’une agression contre des étudiants pro-Israël.
Lors d’un autre incident, un professeur de l’université voisine de Montréal, Yanise Arab, a été suspendu pour avoir apparemment crié à une manifestante pro-Israël de Concordia : « Retourne en Pologne, putain. »
Elmaleh, étudiante en droit juridique, a indiqué au Times of Israel qu’elle a l’habitude de cacher qu’elle est juive lorsqu’elle est sur le campus.

« J’évitais le sujet. Je restais silencieuse même lorsque les gens disaient des choses totalement antisémites », a-t-elle déclaré.
Le 7 octobre a renforcé un processus progressif chez Elmaleh.
« J’ai réalisé que je devais parler. Je dois parler. Je dois utiliser ma voix. Je dois dire à ces gens que je suis aussi un être humain », a-t-elle expliqué.
« Aujourd’hui, je porte fièrement mon étoile de David partout où je vais. Je n’ai plus peur. Le monde doit comprendre que les Juifs sont là pour rester. »
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