Des images satellites de la marée noire révèlent l’ampleur du désastre
Selon Greenpeace, ce déversement est "une souillure sur le gouvernement" qui a ignoré en permanence les appels à contrôler les pollutions et à s'y préparer
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
L’organisation de défense de l’environnement Greenpeace a publié dimanche des images photographiées par le satellite European Sentinel qui montrent douze nappes de pétrole apparentes, situées à diverses distances des rives israéliennes, dans les jours qui ont précédé le déversement de tonnes de goudron sur 160 kilomètres du littoral israélien survenu dans le sillage d’une tempête.
Les clichés suggèrent que les fuites ou le largage de pétrole sont relativement communs dans la région comme c’est également le cas dans le monde entier.
Ce type de marée noire peut avoir lieu partout où le pétrole est foré, transporté et utilisé. Elle peut être causée aussi bien par des accidents survenant lors d’un réapprovisionnement en carburant que par des fuites dans des pipelines, des écoulements provenant de puits de pétrole ou des erreurs commises pendant le forage. Le pétrole peut être aussi jeté par dessus bord, par exemple, s’il commence à durcir, même si la loi interdit strictement de le faire.
Greenpeace Israel a travaillé avec son homologue allemand pour obtenir les images auprès de SentinelOne, qui fait partie du Copernicus Program qui a été mis en œuvre par l’Union européenne. L’organisation a conclu qu’en termes d’environnement marin, « il n’y a pas de contrôle, pas d’application de la loi, pas de plan d’urgence [de la part des autorités israéliennes] » – et que cette réalité constitue « un échec inconcevable et d’une gravité extrême ».
Une image satellite datant du 11 février montre une nappe de pétrole située à 44 kilomètres de la côte israélienne qui semble être la même qui avait été citée par le ministère de l’Environnement, quand ce dernier avait annoncé avoir trouvé la preuve d’un déversement d’hydrocarbures « à environ 50 kilomètres » de la rive, à la même date.
Il est plus difficile d’interpréter les images satellite du 12 et du 13 février, toutefois, selon Greenpeace.
Ces dernières montrent des taches sur la surface de la mer à proximité des sections nord et sud de la ligne côtière israélienne, qui court sur 195 kilomètres.
Il est difficile de dire si elles montrent une nappe qui se serait propagée du sud vers le nord – comme le ministère de la Protection environnementale l’a indiqué – ou s’il y a eu plusieurs marées noires causées par plusieurs facteurs.
Le 12 février, quand le satellite a capturé trois nappes distinctes – deux dans le sud et une dans le nord, toujours au large de la côte d’Israël – trois de plus ont été identifiées bien plus loin, au large du Liban. Trois autres ont été remarquées au sud-est de Chypre.
Le 13 février, ces taches ont été repérées au large de la côte du nord et du sud d’Israël également.
Samedi, des drones des forces aériennes de Tsahal avaient détecté une nouvelle nappe de pétrole à environ 150 kilomètres à l’ouest de rives de l’Etat juif qui, avait dit le ministère de la Protection environnementale, semblait se diriger vers le sud plutôt que vers la côte du pays.
Des taches noires identifiées par le satellite signalent une zone où intervient un changement dans la composition de l’eau, caractéristique de la présence d’une substance grasse qui se révèle être du pétrole dans la majorité des cas.
« Ces découvertes montrent encore davantage le manque de préparation des autorités à ce type d’évènement », a commenté Greenpeace qui a indiqué que l’Etat avait ignoré les demandes, depuis des années, des organisations de défense de l’environnement qui prônaient l’adoption de mesures basiques par l’Etat juif qui puissent permettre de s’attaquer aux pollutions au pétrole et autres carburants toxiques.
De telles mesures auraient compris le contrôle constant de la mer et l’évaluation des avancées technologiques disponibles, des patrouilles faites par des bateaux déployés à cet effet et la mise en place d’obstacles physiques qui, si nécessaire, sont capables d’entourer la nappe de pétrole et de l’empêcher d’atteindre la rive, a ajouté le groupe.
« Les souillures au pétrole que nous avons dévoilées aujourd’hui sont autant de souillures sur la conduite d’un gouvernement qui méprise la nature et les hommes et qui ne s’est pas préparé, même de manière minimaliste, à un tel désastre », a commenté le directeur de Greenpeace Israel, Jonathan Aikhenbaum.
Il a ajouté que « le bassin du Moyen-Orient est devenu un refuge pour tous les délinquants qui contreviennent à la loi et pour l’industrie débridée des énergies fossiles. On peut d’ores et déjà dire que ce n’est pas une attaque iranienne ou qu’il s’agirait d’un seul navire rebelle, et préciser que notre mer n’est pas un no man’s land où les navires peuvent se débarrasser de substances toxiques ».
« Tant que nous ne nous serons pas sevrés des énergies fossiles, de tels désastres ne poseront pas la question de savoir quand ils vont arriver, mais quand et à quelle échelle », a-t-il ajouté.
Aikhenbaum a rejoint d’autres organisations environnementales et plus de 200 scientifiques en condamnant un accord conclu par un consortium israélo-émirati et l’EAPC (Europe Asia Pipeline Company), propriété du gouvernement, prévoyant de faire venir le pétrole du Golfe à Eilat, sur la côte de la mer Rouge, en le faisant transiter par voie terrestre par le biais d’un vieux pipeline jusqu’à Ashkelon, sur la côte méditerranéenne, avant de l’embarquer dans des pétroliers vers les marchés européens.
Ce plan, ainsi que le développement d’un plus grand nombre de structures gazières et pétrolières dans la mer Méditerranée et de la production de gaz de schiste aux abords de la mer Morte sont « particulièrement choquants alors que l’énergie solaire et son stockage sont d’ores et déjà devenus la source la moins chère d’électricité », a-t-il ajouté. « Un pays ensoleillé a besoin d’investir dans un avenir intelligent et doit mettre un terme aux addictions du passé », a-t-il continué.