Des Juifs allemands accusent Der Spiegel d’utiliser des stéréotypes antisémites
Le célèbre magazine est critiqué pour sa photo de Hassidim en couverture, quelques semaines après un article sur le "lobbying agressif" d'un groupe pro-Israël

Le principal organe représentatif de la communauté juive en Allemagne a accusé le magazine d’information populaire Der Spiegel de propager des stéréotypes antisémites après avoir publié une illustration de couverture présentant les Juifs locaux comme des Hassidim d’Europe orientale.
Le Conseil central des Juifs en Allemagne a tweeté vendredi que l’image « utilise malheureusement des stéréotypes de Juifs », soulevant la question de savoir « ce que Der Spiegel a l’intention de faire avec ce choix de photos et de titres ».
« Présenter les Juifs comme étrangers ou exotiques favorise les préjugés antisémites », a déclaré l’organisation.
Le reportage en question traitait de l’histoire du judaïsme allemand et brossait un portrait de la vie juive contemporaine dans le pays européen, qui est largement laïque.
L’ambassadeur américain Richard Grenell a également dénoncé la couverture, qui présentait l’image de deux hommes ultra-orthodoxes avec de longues barbes accompagné du titre « La vie juive en Allemagne », tweetant que « l’antisémitisme et l’anti-américanisme sont en hausse ».
« C’est quoi cette photo de couverture ? C’est donc à cela que ressemblent les Juifs en Allemagne ? », a tweeté Richard C. Schneider, éminent journaliste juif allemand.
« Des juifs avec des kippas et des papillotes – la photo de genre classique dans les rédactions quand il s’agit d’un article sur les juifs. Si l’on devait nous montrer ‘tout à fait normal’, la société majoritaire aurait probablement un problème », a-t-il dit. « Pour tous ceux qui pensent que la photo du reportage de Spiegel est bonne : Les Juifs d'[Allemagne] ne ressemblent plus à ça depuis 200 ans, à ces Juifs venus de l’Est dans les années 20 après la Première Guerre mondiale. Donc, même ‘historiquement’, ce n’est pas représentatif ».
Was ist das denn für ein Titelfoto?? So schauen wir Juden also in Deutschland aus??? pic.twitter.com/paEumPoS14
— Richard C Schneider @richardcschneider.bsky.social (@rc_schneider) August 1, 2019
Simone Rodan-Benzaquen, directrice européenne de l’American Jewish Committee, a également critiqué cette photo en tweetant « Tout est mauvais dans cette couverture » ainsi qu’un émoji d’une femme couvrant son visage avec gêne.
Everything is wrong with this cover????????♀️ https://t.co/mBCnPqZnPo
— Simone Rodan-Benzaquen (@srodan) August 1, 2019
En réponse, Spiegel a tweeté une déclaration expliquant que la publication avait tenté de « montrer un aspect de la riche diversité de l’histoire juive allemande » et que le reportage abordait « plusieurs autres aspects » de la vie des Juifs en Allemagne.
« Nous ne voulions pas utiliser un cliché antisémite [et] s’il a été perçu comme tel, nous en sommes désolés », dit le magazine. « Ce n’était pas notre intention. »
Ein paar Worte zu der Debatte um das Titelbild der Ausgabe 4/2019 von SPIEGEL GESCHICHTE. pic.twitter.com/4hDz7QLtDk
— SPIEGEL Geschichte (@SPIEGEL_Gesch) August 1, 2019
Les critiques de vendredi du Conseil central des Juifs en Allemagne sont arrivées quelques semaines seulement après que Josef Schuster, le président de l’organisation, a accusé Der Spiegel d’alimenter l’antisémitisme dans un article sur une résolution du Parlement allemand dénonçant le mouvement Boycott, désinvestissements et sanctions (BDS) qui vise Israël.
„Mit dem Titelbild bedient @DerSPIEGEL leider Klischeevorstellungen von Juden. Daher stellt sich die Frage, was der Spiegel mit dieser Foto-Auswahl und der Betitelung beabsichtigt. Juden als etwas Fremdes oder Exotisches darzustellen, befördert #antisemitische Vorurteile.“ pic.twitter.com/JxMCdlfSJe
— Zentralrat der Juden in Deutschland (@ZentralratJuden) August 2, 2019
Ce reportage de Spiegel suggère que deux organismes juifs, WerteInitiative et Naffo, ont utilisé des « méthodes de lobbying agressives » pour inciter les législateurs à voter pour la résolution en mai.
La résolution non contraignante compare le boycott économique d’Israël et des produits israéliens par la campagne BDS aux campagnes menées en Allemagne contre les entreprises juives avant la Shoah. Schuster avait alors déclaré au journal allemand Bild qu’il pensait que l’article de Spiegel « utilisait clairement des clichés antisémites » et était « irresponsable et dangereux ».
Dans une note de la rédaction défendant l’article, Der Spiegel a affirmé que « son article ne dépeint pas l’image d’un ‘lobby juif’ ou d’une ‘conspiration juive mondiale’, comme le laissent entendre les critiques. L’appartenance religieuse ou autre des personnes concernées ne joue aucun rôle dans nos reportages. Il s’agit de lobbying et de ses méthodes. Nous rejetons catégoriquement l’idée qu’un tel reportage soutiendrait l’incitation ou les actes de violence à l’encontre des Juifs en Allemagne. »