Des maires du nord d’Israël accusent Tsahal de ne réagir que si Tel Aviv est menacée
Trois dirigeants ont décidé de rompre tout contact avec le gouvernement, lui reprochant d'avoir fermé les yeux ces dix derniers mois, marqués par les attaques transfrontalières
Certains habitants du nord d’Israël ont manifesté leur mécontentement dimanche après le lancement d’une attaque préventive de grande envergure par Israël contre l’attaque planifiée par le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, soutenu par l’Iran, sur le centre d’Israël, alors que les tirs de roquettes quasi-quotidiens sur le nord se succèdent depuis dix mois sans qu’il soit question d’une quelconque résolution de la situation.
La grande majorité des 230 roquettes et des 20 drones tirés par le Hezbollah sur Israël ont été interceptés par le Dôme de fer ou sont tombés dans des zones ouvertes. Un soldat de la marine israélienne se trouvant sur un bateau de patrouille a néanmoins été tué, vraisemblablement par des éclats d’un missile intercepteur du système de défense anti-missile « Dôme de fer », et un éclat provenant d’une interception a touché une maison dans la ville côtière d’Akko, blessant légèrement un civil. Une autre roquette a touché la communauté de Manot, dans le nord du pays, causant des dégâts.
De nombreuses roquettes ont également touché des zones ouvertes, certaines déclenchant de petits feux de broussailles.
Tsahal a déclaré que ses frappes préventives aux premières heures du dimanche matin avaient touché quelque 270 sites distincts du Hezbollah dans le sud du Liban, détruisant des milliers de barils de lance-roquettes.
Trois maires du nord ont publié dimanche un communiqué conjoint annonçant qu’ils cesseraient tout contact avec le gouvernement tant que celui-ci n’aurait pas présenté un plan visant à rétablir la sécurité dans le nord et à assurer la réhabilitation de la région.
« Cela fait 10 mois et demi que vous n’avez manifesté aucun intérêt pour nous, et désormais, nous n’avons plus besoin de vous. Ne nous appelez pas, ne venez pas, ne nous envoyez pas de messages. Nous avons su nous débrouiller seuls jusqu’à présent, et nous continuerons ainsi », ont déclaré les présidents des conseils régionaux de la Haute Galilée et de Mateh Asher, ainsi que le maire de Metula.
Depuis le 8 octobre, 26 civils israéliens ont été tués par les frappes quai-quotidiennes le long de la frontière nord, ainsi que 20 soldats et réservistes de Tsahal.
« Les dirigeants du nord ont accusé dimanche le gouvernement de se préoccuper uniquement de protéger les habitants des villes du centre, comme Tel-Aviv, et d’être indifférent au prix payé par ceux du Nord.
« Israël lance une frappe préventive pour les résidents du centre, alors que depuis 10 mois, les habitants du nord vivent sous les bombardements, loin de leurs maisons et de leurs familles », a déclaré Matan Davidian, représentant de la communauté évacuée de Shlomi, dans le nord.
« Les dizaines de morts et de blessés ne comptent pas aux yeux du Premier ministre, qui se cache derrière un ministre de la Défense incompétent, qui abandonne la frontière nord et ses habitants, et ne se soucie tout simplement pas que notre sang coule », a-t-il ajouté. »
Dans la ville côtière d’Akko, une famille de cinq personnes a été contrainte de s’abriter dans un placard à chaussures d’un mètre de large, survivant de justesse à un impact direct lorsqu’un drone du Hezbollah a frappé leur maison, endommageant la cuisine, le salon et la chambre de l’un de leurs enfants.
« Nous nous sommes précipités dans le placard à chaussures. Ma mère a fermé l’armoire, puis il y a eu l’attaque de drone, et nous avons tous entendu le boum. Nous n’avons rien vu ; il y avait de la fumée », s’est souvenue Tamar Saada, la plus jeune des enfants, sur la radio Kan dimanche.
Le père de Tamar, Ami Saada, a souligné que la famille avait frôlé une véritable catastrophe : « S’ils n’avaient pas été dans le placard à chaussures… le lit de mes filles, les deux lits au-dessus d’elles, tout est recouvert d’éclats de verre ».
Giora Zaltz, président du conseil régional de Haute Galilée, a relativisé l’attaque préventive de dimanche matin : « Même si nous avons détruit 6 000 missiles, cela ne représente que 3 % de la capacité [du Hezbollah]. La menace ne fait que croître. »
« La réalité est que la frontière israélienne s’est déplacée de 40 kilomètres vers le sud. Et chaque semaine qui passe, nous perdons de plus en plus de terrain dans le nord », a-t-il ajouté, affirmant qu’une menace contre Kiryat Shmona devrait être traitée avec la même gravité qu’une menace contre Tel Aviv.
« Nous ne comptons tout simplement pas pour eux », a affirmé Dror Gavish, du groupe “Lobby 1701”, selon Ynet.
Le groupe a été fondé en décembre dernier par des résidents du nord du pays, réclamant une offensive visant à repousser les terroristes du Hezbollah au nord du fleuve Litani, conformément à la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui avait permis de mettre fin à la deuxième guerre du Liban en 2006.
« Le gouvernement n’agit que selon ses propres intérêts politiques. Abandonner le nord n’a aucun coût politique pour lui, ce qui lui permet de dormir sur ses deux oreilles », a ajouté Gavish, tout en appelant à un changement de gouvernement.
Une réponse sélective
Les dirigeants de ces villes du nord ont été rejoints par plusieurs politiciens israéliens, qui ont également dénoncé ce qu’ils qualifient de réponse sélective aux attaques du Hezbollah.
« Attendre 10 mois et demi d’attaques du Hezbollah avant de réagir n’est rien d’autre que la poursuite de la politique d’endiguement », a déclaré Gideon Saar, membre du parti d’opposition Tikva Hadasha. « Cette opportunité aurait dû mener à une décision en faveur d’une offensive préventive d’envergure pour changer la situation dans le nord. »
Le ministre du patrimoine, Amichai Eliyahu, du parti d’extrême droite Otzma Yehudit, a comparé la réaction d’Israël à « laisser un voleur vider la maison et n’agir que lorsqu’il s’approche du coffre-fort ».
Depuis des mois, nombre de responsables politiques et de dirigeants du Nord réclament une opération de grande envergure contre le Hezbollah, qui attaque quasi quotidiennement les communautés israéliennes et les installations militaires le long de la frontière depuis le 8 octobre 2023, affirmant le faire en soutien à Gaza en guerre.
Les dirigeants israéliens ont promis à plusieurs reprises de rétablir la sécurité dans le nord et ont menacé de renvoyer le Liban « à l’âge de pierre » si une opération militaire restait la seule option Ils ont toutefois insisté sur leur préférence pour une solution évitant la guerre, si cela est possible.
Depuis des semaines, Israël se prépare à une éventuelle riposte du Hezbollah en représailles à la mort de son commandant en chef, Fuad Shukr, tué par l’armée israélienne le mois dernier lors d’une frappe aérienne à Beyrouth. Cela faisait suite à une attaque à la roquette du Hezbollah qui a frappé un terrain de football sur les hauteurs du Golan, causant la mort de douze enfants et jeunes adultes. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré dimanche qu’il n’excluait pas de nouvelles frappes dans les jours à venir.
Emanuel Fabian et Joshua Davidovich ont contribué à cet article.