Des manifestants de droite interrompent l’audience de la Haute Cour sur Sde Teiman
Le président de la Cour rappelle la nécessité de respecter la loi ; l'État dit respecter les "principes fondamentaux" du droit dans le centre, où de graves abus auraient été commis
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Des militants de droite et des membres de familles d’otages et de victimes du massacre du 7 octobre ont perturbé une audience de la Cour suprême de justice mercredi matin pour protester contre la décision de la Cour d’examiner des requêtes relatives au traitement des détenus terroristes palestiniens dans le centre de détention de Sde Teiman, qui fait l’objet de graves allégations d’abus et de torture.
Des dizaines de manifestants rassemblés par l’organisation Betzalmo, dont des membres de familles d’otages et de victimes du massacre du 7 octobre, ont scandé « Honte » et « Nous sommes les souverains » lorsqu’un avocat de l’Association pour les droits civils en Israël (ACRI), qui a demandé à la Cour de fermer le Sde Teiman, a pris la parole.
Après une suspension de séance de 30 minutes, au cours de laquelle les manifestants ont été expulsés de la Cour, le président en exercice de la Cour, Uzi Vogelman, s’est exprimé avec force.
« Nous venons d’assister à une tentative de perturbation d’une audience. Nous respectons pleinement le droit de tout individu dans l’État d’Israël de manifester, mais cela ne peut se faire dans un tribunal, et certainement pas de manière à perturber le déroulement d’une audience », a affirmé Vogelman. « Les tribunaux israéliens agissent conformément à la loi, même en temps de guerre, et continueront à le faire. »
À la suite de l’incident, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a condamné l’audience sur les allégations d’abus, déclarant que « pendant que nos otages languissent dans les geôles du [groupe terroriste palestinien du] Hamas, la Haute Cour délibère sur des requêtes concernant des terroristes détenus à Sde Teiman ».
Au cours de l’audience, les trois juges présidant l’affaire ont demandé au représentant légal de l’État des détails sur les conditions de détention des prisonniers.
Le procureur de l’État a insisté sur le fait que les « principes
fondamentaux » de la loi concernant la détention de combattants illégaux étaient respectés à Sde Teiman, et a également souligné qu’une nouvelle installation améliorée sur la base sera ouverte le 5 septembre, permettant de maintenir les détenus dans de bien meilleures conditions et rendant la requête inutile.
Cependant, l’avocat d’ACRI a indiqué que les réglementations n’étaient pas suffisantes pour protéger les droits des détenus et que les conditions à Sde Teiman étaient incompatibles avec le droit israélien et international.
La demande de fermeture du Sde Teiman a été faite par ACRI et d’autres groupes de défense des droits de l’homme à la suite d’allégations de graves violations des droits de l’homme faites par plusieurs médias sur la base de témoignages de dénonciateurs et de détenus. Il s’agit notamment d’un recours excessif à la contrainte physique, d’amputations dues à l’utilisation prolongée de menottes, de passages à tabac et de la négligence des problèmes médicaux.
Un soldat réserviste de Tsahal a déjà été inculpé pour des abus présumés dans l’établissement, et cinq autres sont en détention militaire, soupçonnés d’avoir sodomisé un détenu à l’aide d’un objet, entre autres abus.
Des images présumées de l’incident, diffusées mardi par la Douzième chaîne, montrent des soldats de Sde Teiman saisissant l’un des détenus, qui était allongé face contre terre, avant de l’entourer de boucliers anti-émeutes pendant qu’ils se livrent à l’abus dont ils sont accusés.
Le détenu a par la suite été emmené pour recevoir des soins médicaux pour des blessures graves.
Selon le reportage, le détenu appartiendrait aux forces de police du Hamas, mais pas à la force d’élite Nukhba, et n’a pas participé au pogrom du 7 octobre, bien qu’il soit tout de même considéré par les services de renseignements militaires comme un dangereux terroriste.
Dans le document qu’il a soumis lundi à la Haute Cour en réponse à la plainte, l’État a reconnu que certains détenus avaient été attachés et avaient eu les yeux bandés pendant de longues périodes, mais il a insisté sur le fait que ce traitement était légal en raison des exigences de sécurité du personnel pénitentiaire.
Il a ajouté que seuls deux prisonniers étaient actuellement soumis à de telles conditions.
S’exprimant devant le tribunal mercredi, le représentant de l’État Aner Helman a souligné qu’alors qu’il y a cinq semaines, il y avait 700 détenus à Sde Teiman, il n’y en a plus que 30 aujourd’hui, ainsi que trois autres dans le service médical attenant au site.
Il a également indiqué que le nouveau centre de détention, qui ouvrira ses portes le 5 septembre, sera doté de « dispositifs de sécurité mieux organisés », de sorte que les méthodes utilisées pour détenir certains détenus à Sde Teiman ne seront plus nécessaires.
A la question de savoir pourquoi l’Etat a affirmé respecter « les principes fondamentaux » de la loi applicable à la détention des combattants illégaux et non tous les aspects de la loi, Helman a répondu que certaines stipulations, telles que les visites de la Croix Rouge, ont été refusées et font l’objet d’une demande séparée.
Les visites des familles des détenus et même la fourniture de cigarettes, qui sont stipulées comme nécessaires dans la loi, ne sont pas non plus autorisées, ce qui explique pourquoi l’État a déclaré qu’il respectait les « principes fondamentaux », a expliqué Heller. Il a ajouté qu’il ne pourrait donner plus de détails que lors de la séance à huis clos de l’audience.
Le représentant d’ACRI, Oded Feller, a rejeté l’argument de l’État selon lequel les conditions avaient considérablement changé à Sde Teiman.
« On a l’impression qu’une nouvelle page a été tournée et que nous parlons d’une nouvelle installation. Nous ne parlons pas d’un nouvel établissement, c’est le même endroit, dans lequel [les mêmes] choses se produisent depuis octobre », a affirmé Feller.
Le responsable de l’organisation Betzalmo, qui a organisé les perturbations du tribunal, a indiqué que les manifestants « ont demandé aux juges de la Haute Cour de ne pas porter atteinte à nos sœurs et frères, les otages de Gaza, de ne pas appeler les terroristes des combattants, et de ne pas défendre constamment les droits des terroristes en temps de guerre ».