Sde Teiman: L’État admet que certains détenus sont soumis à des mesures de contention physiques
En réponse à une requête déposée auprès de la Haute Cour, les autorités affirment que ces mesures sont utilisées à des fins de sécurité et insistent sur le fait que les installations sont gérées conformément à la loi
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
L’État a reconnu que certains détenus terroristes palestiniens ont été menottés et ont eu les yeux bandés pendant de longues périodes dans le désormais célèbre centre de détention de Sde Teiman, mais il a insisté sur le fait que ce traitement était légal en raison des besoins de sécurité du personnel pénitentiaire.
En réponse à une pétition adressée à la Haute Cour de justice demandant la fermeture de Sde Teiman, l’État n’a pas abordé les nombreux signalements faisant état d’abus graves à l’encontre des détenus de l’établissement, et s’est contenté de dire que toute preuve ou signalement d’abus faisait l’objet d’une enquête en bonne et due forme.
L’État a toutefois insisté sur le fait que les conditions à Sde Teiman étaient conformes à la loi et que la construction de nouvelles installations sur place permettrait d’améliorer encore les conditions de détention.
L’État répondait à une requête de l’Association pour les droits civils en Israël (ACRI) et d’autres groupes de défense des droits humains demandant à la Cour d’ordonner au gouvernement de fermer Sde Teiman en raison des graves violations des droits de l’homme dont auraient été victimes les Palestiniens soupçonnés de terrorisme et détenus dans cet établissement.
Une audition sur cette requête est prévue pour mercredi matin.
L’ACRI a dénoncé la réponse de l’État, affirmant qu’il avait admis certaines des allégations d’abus allégués à Sde Teiman et que le centre était « un enfer dans lequel les droits humains sont systématiquement violés et dans lequel des crimes terribles sont commis ».
Le bureau de l’avocat général des armées a déclaré qu’il enquêtait sur plusieurs dizaines d’affaires liées à Sde Teiman, y compris la mort de détenus, et un acte d’accusation a été émis la semaine dernière à l’encontre d’un soldat réserviste soupçonné d’avoir battu des détenus.
Dix autres soldats ont été arrêtés la semaine dernière, pour soupçons de sodomie aggravée et d’autres abus à l’encontre d’un détenu, mais cinq d’entre eux ont été libérés.
Le tribunal a décidé mardi en fin de journée de prolonger la détention des cinq autres; au moins jusqu’à dimanche.
Plusieurs médias, dont CNN et le New York Times, ont fait état d’abus généralisés à l’encontre des détenus à Sde Teiman, notamment d’un recours extrême aux contraintes physiques, d’amputations dues à l’utilisation prolongée de menottes, de passages à tabac et d’une négligence des problèmes médicaux.
En outre, les Nations unies ont publié la semaine dernière un rapport alléguant que des méthodes telles que des chocs électriques, des tortures par noyade, des brûlures avec des cigarettes, l’utilisation de positions de stress contre les détenus, le bandage prolongé des yeux, la privation prolongée de nourriture et d’eau, et la privation de sommeil ont été utilisés contre les détenus.
En réponse à la requête, l’État a déclaré que le site Sde Teiman avait été créé à l’origine comme un centre de traitement préliminaire pour les détenus capturés à Gaza pendant la guerre qui a éclaté après l’attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas.
En raison du grand nombre de suspects palestiniens capturés pendant la guerre et de la surpopulation carcérale dans les autres centres de détention, Sde Teiman a été utilisé pour incarcérer de nombreux détenus jugés très dangereux.
Selon la réponse de l’État, quelque 4 500 Palestiniens ont été détenus en tant que combattants illégaux en vertu de la loi de 2002 sur les combattants illégaux depuis le début de la guerre, tandis que 14 500 Palestiniens, y compris des combattants illégaux, ont été détenus en vertu d’autres lois sur la sécurité depuis le 7 octobre.
Seuls les combattants illégaux sont détenus à Sde Teiman, selon l’État.
L’Etat a souligné qu’il n’y avait actuellement que 28 détenus à Sde Teiman, et que le gouvernement s’était engagé à redonner l’installation son objectif initial, à savoir servir de centre de détention préliminaire d’absorption et de traitement pour les combattants illégaux avant qu’ils ne soient transférés dans des installations permanentes.
L’État a également déclaré qu’une nouvelle aile de Sde Teiman serait ouverte le mois prochain, ce qui améliorerait encore les conditions et éviterait qu’une décision de justice n’impose la fermeture du centre de détention.
L’État a reconnu que tous les nouveaux détenus qui arrivent au Sde Teiman sont menottés et ont les yeux bandés toute la journée et, dans des cas exceptionnels, sont également attachés à la cheville pendant les quatre premiers jours de leur détention.
Au cours de ces premiers jours, les responsables peuvent décider de garder le détenu menotté et les yeux bandés.
Les détenus qui n’ont pas encore été interrogés ont également pour instruction de ne pas parler aux autres et doivent rester assis dans le centre de détention toute la journée, sans instruction précise sur la façon de s’asseoir.
L’État a déclaré que ces contraintes et restrictions font partie des exigences de sécurité en raison de la nature dangereuse des détenus et des besoins des enquêteurs qui interrogent les suspects.
L’Etat a également indiqué que les personnes soumises à des mesures de contention de longue durée en étaient privées deux heures par jour et que, même avec ces mesures, elles étaient capables de manger, d’aller aux toilettes et d’accomplir d’autres tâches.
L’État a également déclaré que les dispositifs de contention sont vérifiés quotidiennement pour s’assurer qu’ils ne font pas mal ou ne blessent pas les détenus.
Il a ajouté que seuls deux des 28 détenus sont actuellement soumis à des mesures de contention physiques de longue durée et a reconnu que le nombre de détenus fluctue en fonction des opérations menées par les forces israéliennes à Gaza.
L’Etat a également insisté sur le fait qu’un mécanisme de surveillance de l’établissement a été approuvé par la Knesset et qu’il est actuellement mis en place pour permettre une surveillance efficace de Sde Teiman 24 heures sur 24.
L’ACRI a rejeté la description de Sde Teiman faite par l’Etat dans sa réponse et a déclaré que l’Etat avait à plusieurs reprises éludé les accusations portées à l’encontre de l’établissement.
« La mort de prisonniers, l’amputation, la violence et les abus – tout cela est absent de la réponse de l’Etat, alors qu’une enquête est en cours. Il est possible que le gouvernement pense que les juges de la Haute Cour sont stupides et naïfs. Nous ne pensons pas que ce soit le cas », a déclaré l’ACRI.