Des militants de droite s’en prennent au juge Isaac Amit, à l’invitation de Yariv Levin
Dans une démarche inédite, Yariv Levin invite des militants à critiquer le juge de la Haute Cour devant la commission de sélection ; Elharrar l’accuse « d'abuser » de sa position
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Des militants de droite ont lancé une série d’attaques contre Isaac Amit, le président par intérim de la Cour suprême, lors d’une audience de la commission de sélection des juges, tandis que le ministre de la Justice, Yariv Levin, poursuivait sa stratégie visant à retarder la nomination d’un nouveau président de la Cour.
Mardi, dans une démarche sans précédent, Levin a invité les signataires des objections à la candidature d’Amit à la présidence de la Cour à prendre la parole devant les membres de la commission. Les leaders d’organisations juridiques de droite ainsi que Simcha Rothman, président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset, ont profité de cette occasion pour critiquer Amit, notamment pour ses décisions et prises de position juridiques.
Amit, ainsi que le juge Noam Sohlberg, également candidat à un poste clé en tant que vice-président de la Cour, ont quitté l’audience pendant ces débats, invoquant un conflit d’intérêts en raison de leur candidature.
En décembre, la Haute Cour de justice avait ordonné à Levin d’organiser un vote sur la nomination d’un nouveau président de la Cour suprême avant le 16 janvier. Cette décision faisait suite à son refus de pourvoir le poste vacant depuis octobre 2023, après le départ à la retraite du dernier président.
Levin, qui soutient la candidature du juge conservateur Yosef Elron, ne dispose pas de la majorité nécessaire au sein de la commission pour assurer son élection, tandis qu’une majorité est acquise en faveur d’Amit, un juge libéral. Pour cette raison, Levin a retardé les audiences de la commission et envisage même de faire adopter une loi pour contourner l’ordre de la Haute Cour.
Une nouvelle audience de la commission est prévue jeudi, mais Levin devrait probablement continuer à recourir à ses tactiques dilatoires, repoussant le processus jusqu’au dernier moment possible la semaine prochaine.

Au début de l’audience de mercredi, la députée Karin Elharrar, représentante de l’opposition au sein de la commission, et la juge de la Cour suprême Daphne Barak-Erez ont toutes deux exigé un vote sur la décision d’entendre ou non les objections des opposants invités par Levin à s’exprimer.
Levin a ignoré leur demande, se contentant de déclarer qu’elle avait été « reçue », avant de poursuivre l’audience comme prévu.
Elharrar a ensuite exigé que le procès-verbal de l’audience mentionne explicitement que l’absence de vote allait à l’encontre de la position exprimée par le conseiller juridique de la commission.
S’adressant à la commission après le départ des juges Amit et Sohlberg, Iska Bina, chef du Mouvement pour la gouvernabilité et la démocratie – une organisation fondée par Simcha Rothman –, a critiqué la Haute Cour de justice pour avoir contraint Levin à convoquer la commission. Levin avait refusé de le faire pendant les 11 premiers mois de son mandat en tant que ministre de la Justice.
Dans une publication sur X après l’audience, Bina a affirmé qu’Amit, Sohlberg et Barak-Erez se trouvaient en situation de conflit d’intérêts en votant au sein de la commission pour le poste de président de la Cour suprême. Toutefois, ni Amit ni Sohlberg ne peuvent voter pour eux-mêmes si un vote est organisé pour pourvoir les postes de président et de vice-président.
Shamai Glick, chef de l’organisation de droite Betzalmo, a pour sa part déclaré après son intervention que « la moitié des citoyens ne font pas confiance au juge Amit en tant que président » et l’a accusé d’avoir pris des décisions portant atteinte à la sécurité d’Israël.
« Nous avons évoqué l’importance, pour les citoyens israéliens, de pouvoir respecter les décisions avec lesquelles ils ne sont pas d’accord, à condition que le juge soit digne de confiance », a ajouté Glick.
À la fin de l’audience, Elharrar a accusé Levin d’avoir « abusé de sa position » pour « humilier les membres de la commission », en particulier les juges Amit et Sohlberg.

« Il est inconcevable qu’un ministre qui privilégie ses intérêts personnels et politiques au détriment du bien public puisse diriger le système judiciaire de l’État d’Israël », a déclaré Elharrar, accusant Levin et le gouvernement de chercher à « détruire le système juridique et abolir la démocratie israélienne » par leurs efforts de remaniement du système judiciaire.
Elle a également rappelé des incidents récents, notamment la déclaration du ministre des Communications, Shlomo Karhi, selon laquelle il défierait un ordre de la Haute Cour, ainsi que la décision du Premier ministre Benjamin Netanyahu de nommer un commissaire intérimaire à la fonction publique en dépit de l’opposition du procureur général. Ces exemples, selon Elharrar, illustrent les actions du gouvernement qui sapent l’État de droit.