Des ONG défendant la presse demandent la suspension de l’accord d’association UE-Israël
Une soixantaine d'organisations accusent Israël de tuer un "nombre sans précédent" de journalistes et de commettre d'autres "violations de la liberté de la presse" dans sa lutte contre le Hamas
Une soixantaine d’organisations internationales défendant la presse demandent lundi à l’Union européenne de suspendre son accord d’association avec Israël, après bientôt onze mois de ce qu’ils décrivent comme des atteintes à la liberté des médias et de décès « sans précédent » de journalistes dans la guerre contre le Hamas.
Depuis le massacre perpétré par le groupe terroriste islamiste le 7 octobre sur le sol israélien, le gouvernement de Benjamin Netanyahu a pris une série de mesures « pour restreindre la liberté des médias qui a abouti dans les faits à l’établissement d’un régime de censure », accuse le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), Reporters sans frontières (RSF), Human Rights Watch (HRW) et la Fédération européenne des Journalistes (EFJ), dans cette lettre dont l’AFP a eu copie.
Ils demandent au chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell et au commissaire au Commerce Valdis Dombrovskis la suspension de l’accord d’association – qui porte notamment sur les échanges commerciaux – et « des sanctions ciblées contre les responsables » de violations des droits humains.
Depuis le 7 octobre, plus de 100 journalistes palestiniens sont morts dans le conflit, ainsi que deux Israéliens et trois Libanais, ce qui en fait « la période la plus meurtrière » pour la presse depuis des décennies. Certaines des victimes ont pu être « ciblées », accusent les organisations signataires.
Israël a nié avoir pris pour cible des journalistes dans la zone de guerre et a déclaré faire tout son possible pour éviter de blesser des civils, imputant le nombre élevé de morts au fait que le Hamas combat dans des zones urbaines densément peuplées et se place délibérément parmi les civils qui sont utilisés comme boucliers humains.
Dans un communiqué du 16 décembre, l’armée israélienne a déclaré qu’elle « n’a jamais pris et ne prendra jamais délibérément pour cible des journalistes ».
L’armée israélienne a attesté à de multiples reprises que nombre de ces journalistes étaient affiliés au Hamas et avaient participé au pogrom du 7 octobre.
En janvier, Israël avait indiqué qu’un journaliste d’Al Jazeera et un pigiste tués lors d’une frappe aérienne à Gaza étaient des terroristes.
Le mois suivant, Israël a accusé un autre journaliste de la chaîne, blessé lors d’une autre frappe, d’être un commandant de compagnie adjoint du Hamas.
Al Jazeera a farouchement nié les allégations d’Israël et l’a accusé de cibler systématiquement ses employés dans la bande de Gaza. De son côté, l’armée accuse la chaîne qatarie de couvrir les activités du Hamas à Gaza.
Al Jazeera, qui émet en anglais et en arabe, est depuis des mois la cible des critiques du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de son gouvernement et n’a plus le droit de diffuser en Israël.
Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), deux journalistes israéliens, Roee Idan et Yaniv Zohar, ont été tués par des terroristes du Hamas à l’intérieur d’Israël le 7 octobre. Deux autres journalistes israéliens ont également été tués dans le massacre ce jour-là, Shai Regev et Ayelet Arnin, mais le CPJ ne les a pas inclus dans son décompte final au motif qu’ils ne travaillaient pas ce jour-là. Oded Lifshitz, journaliste chevronné, fait partie des otages toujours détenus par le Hamas dans la bande de Gaza.
Dans leur lettre, les ONG rappellent aussi l’interdiction de fait pour les journalistes étrangers d’accéder à la bande de Gaza et les « détentions arbitraires » de professionnels de l’information, avec au moins 49 d’entre eux arrêtés.
« L’effet cumulé de ces abus crée les conditions pour un vide de l’information, et laisse également place à de la propagande et de la désinformation », pointent les signataires.
Ils réclament de « maintenir la liberté » des médias, « protéger la vie des journalistes » et « mettre fin à l’impunité », à l’approche d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE, le 29 août à Bruxelles.
En janvier, la Haute Cour a décidé qu’Israël pouvait continuer à interdire aux journalistes étrangers l’accès à la bande de Gaza, invoquant des problèmes de sécurité persistants après des mois au cours desquels seuls des habitants de Gaza ou des correspondants accompagnés par l’armée ont pu faire des reportages dans l’enclave.
Dans leur décision, les juges de la Haute Cour Ruth Ronen, Khaled Kabub et Daphne Barak-Erez ont accepté la position du ministère de la Défense selon laquelle les visites sous escorte constituaient une mesure appropriée de la liberté de la presse, compte tenu des « préoccupations extrêmes en matière de sécurité à l’heure actuelle et des menaces concrètes pour la sécurité qui vont de pair avec l’approbation des permis d’entrée pour les journalistes indépendants ».
L’attaque du Hamas a entraîné la mort de près de 1 200 personnes côté israélien, en majorité des civils. Sur 251 personnes enlevées ce jour-là, 105 sont toujours à Gaza dont 34 déclarées mortes par l’armée.
Israël a réagi en lançant une campagne militaire dont l’objectif vise à détruire le Hamas, à l’écarter du pouvoir à Gaza et à libérer les otages.
Le ministère de la santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, affirme que plus de 40 000 personnes ont été tuées ou sont présumées mortes dans les combats jusqu’à présent. Ce bilan, qui ne peut être vérifié et qui ne fait pas la distinction entre terroristes et civils, inclut les quelque 17 000 terroristes qu’Israël affirme avoir tués au combat et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza.