Deuxième jour de contre-interrogatoire d’Arnon Milchan dans le procès Netanyahu
Selon le magnat, Netanyahu ne l'a pas aidé à obtenir son visa US, contredisant la version du parquet ; l'avocat du Premier ministre parle de réelle amitié entre les deux hommes
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Le magnat de Hollywood Arnon Milchan a fait savoir, mercredi, que le Premier ministre Benjamin Netanyahu ne l’avait pas aidé à obtenir un visa américain à long-terme, évoquant une accusation « insensée ».
Milchan a précisé que le secrétaire d’État américain John Kerry n’était pas non plus intervenu en son nom, contredisant en cela le témoignage de son assistante personnelle Hadas Klein, qui s’était présentée à la barre des témoins l’année dernière. Il a ajouté que la seule aide dont il avait bénéficié de la part de Netanyahu dans cette affaire avait été l’avis qui lui avait été donné d’appeler l’ambassadeur américain en Israël qui était en poste à ce moment-là, Dan Shapiro – ce qu’il avait déjà fait, a-t-il ajouté.
L’une des principales accusations soutenant l’Affaire 1000, dans le cadre du procès pour corruption de Netanyahu, était que le Premier ministre avait aidé Milchan à obtenir un visa américain de dix ans alors que Milchan, dans la même période, offrait de nombreux cadeaux luxueux au chef du Likud et à son épouse Sara – champagne, cigares, vêtements et autres bijoux pour un montant atteignant les 462 000 shekels.
Milchan a pris la parole mercredi par visioconférence au quatrième jour de son témoignage – c’était le deuxième jour de son contre-interrogatoire – depuis une salle de l’Old Ship Hotel de Brighton. Des problèmes de santé l’ont empêché de se rendre au tribunal de Jérusalem.
Une audience qui a été encore une fois tendue, avec Amit Hadad, l’avocat de la Défense du Premier ministre, et Liat Ben Ari, la procureure-adjointe, qui se sont fréquemment opposés. Ben Ari a notamment accusé un autre avocat de Netanyahu de parler à voix basse à Milchan, ce que le juriste mis en cause et Hadad ont démenti avec vigueur.
Juste avant l’audience et avant que les juges ne fassent leur entrée dans la salle de la Cour de Jérusalem, Sara Netanyahu, présente à l’hôtel Brighton pendant tout le témoignage de Milchan, a embrassé le producteur de cinéma et discuté avec lui dans la salle de conférence où il devait s’exprimer.
Des interactions qui ont eu lieu malgré les mises en garde émises par le Bureau du procureur de l’État et par les juges à Sara Netanyahu, qui avait été sommée de ne pas entrer en contact avec Milchan.
Pendant le contre-interrogatoire, Hadad a cherché à démontrer que Netanyahu et Milchan étaient liés par une amitié réelle, antérieure à l’ascension du Premier ministre au pouvoir et que les cadeaux offerts par Milchan au Premier ministre avaient été donnés et reçus dans le cadre de l’affection qui liait les deux hommes et non dans le cadre d’une relation transactionnelle.
Interrogé par Hadad sur le processus d’obtention de son visa, Milchan a indiqué que « Netanyahu n’a rien fait pour moi en ce qui concerne ce visa » et il a affirmé que le Premier ministre n’aurait rien pu faire de toute manière.
« Donc, Netanyahu n’a pas été capable de vous aider sur la question du visa ? », a interrogé Hadad.
« Non, il n’a pas été capable de le faire », a confirmé le milliardaire.
Le juge Moshe Baram est alors intervenu, demandant à Milchan s’il s’était attendu à ce que Netanyahu lui tende la main pour l’aider à bénéficier d’une prolongation de son visa à long-terme.
« J’ai regardé s’il pouvait m’aider et il m’a dit de téléphoner à Dan Shapiro. C’est tout – il m’a dit de téléphoner à Dan Shapiro. Ce que j’avais déjà fait avant d’aller voir Netanyahu », a expliqué Milchan.
Milchan a ajouté qu’il était entré en contact avec Kerry indépendamment de Netanyahu et qu’il avait déjà, dans le passé, entretenu des liens avec le haut-responsable américain par rapport à des initiatives de paix israélo-palestiniennes.
Dans une interview accordée en 2013 à l’émission d’actualité Uvda, Milchan avait reconnu qu’il avait travaillé pour le Bureau israélien des relations scientifiques qui cherchait à se doter du savoir-faire scientifique et technique nécessaire pour des programmes de défense secrets.
Suite à cet entretien, il avait obtenu une prolongation de visa de seulement un an à la place des dix ans dont il avait bénéficié jusque-là.
A la barre des témoins dans le cadre du procès, Klein, l’assistante personnelle de Milchan, avait affirmé que Netanyahu avait arrangé un entretien téléphonique entre son patron et Kerry qui avait aidé ce dernier à obtenir un visa de dix ans – mais le récit donné par Milchan semble contredire ce narratif.
Parmi les autres accusations pesant sur le Premier ministre dans l’Affaire 1000, Netanyahu aurait fait avancer un projet de loi sur demande de Milchan qui aurait pu être utilisé par le magnat de Hollywood pour obtenir des exemptions fiscales s’il était retourné vivre en Israël. Par ailleurs, Netanyahu aurait aidé Milchan sur des questions de régulation dans le cadre d’une fusion potentielle entre les deux principales chaînes israéliennes, Reshet et Keshet, dont le magnat possédait des parts financières.
Au cours du contre-interrogatoire, l’avocat s’est efforcé de démontrer que le couple Netanyahu et Milchan partageaient une amitié authentique et que les cadeaux offerts par le milliardaire n’avaient pas été donnés dans l’attente de faveurs.
Hadad a soumis à la Cour la première lettre écrite par Netanyahu quand il avait été nommé Premier ministre en 2009, une lettre qui était adressée à Milchan.
Dans la lettre, écrite en anglais, Netanyahu s’adressait à Milchan en « frère », ajoutant qu’il lui serait toujours reconnaissant de son aide.
« Mon cher frère, j’écris cette première lettre en tant que Premier ministre à vous, Arnon. Comment exprimer sa gratitude pour cette amitié immense ? Pour moi, ma famille, et pour notre pays vous avez été comme un roc dans la tempête, rien ne pouvait vous troubler, rien ne pouvait vous résister », avait écrit Netanyahu à Milchan.
« Vos conseils avisés et votre chaleur m’ont aidé à traverser cette période agitée. Vous avez su régler tous les détails et vous avez donné des avis créatifs aux moments les plus critiques. Et vous l’avez fait avec humour, avec un cœur éclairé, avec une détermination inébranlable et avec l’œil étincelant. Pendant tout mon mandat et pendant tout le reste de ma vie, je n’oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi. Votre ami pour toujours, Benjamin Netanyahu. »
Hadad a aussi noté d’autres éléments entrant dans le cadre de cette amitié, faisant remarquer que Milchan s’était rendu à une occasion à une exposition à l’école d’Avner Netanyahu, le fils du Premier ministre et de Sara.
L’avocat a déclaré – ce qui a été confirmé par Milchan – que le couple Netanyahu avait été installé à la table du milliardaire lors du mariage de sa fille en 2008 et qu’il avait accueilli le chef du Likud, son épouse et ses enfants dans son appartement à Paris, en l’an 2000, quand le Premier ministre n’était pas au pouvoir.
Netanyahu a été mis en examen pour fraude et pour abus de confiance dans trois dossiers. Il doit aussi répondre d’une accusation de pots-de vin. L’acte d’accusation précise qu’il aurait ainsi demandé des avantages en matière de régulation en faveur du géant technologique Bezeq en échange d’une couverture médiatique positive de ses actions et de sa famille sur le site d’information Walla, qui appartenait à l’époque à la même famille.
Netanyahu n’a cessé de clamer son innocence de son côté, affirmant que les accusations lancées à son encontre ont été fabriquées par les médias et par la police, sous la supervision d’un procureur-général trop faible. Le chef de la police, au moment de l’enquête, ainsi que le procureur-général mis en cause avaient été nommés à leur poste par Netanyahu.
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