Du « J’accuse ! » de Gitaï au héros de Schreiber, des films « élus » à Toronto
Au 40e festival annuel international du film, une critique artistique du Premier ministre d'Israël, un Jake Gyllenhaal décevant et un documentaire israélien hors des sentiers battus
Toronto – Avec son nouveau film « Rabin, The Last Day », le réalisateur iconoclaste israélien Amos Gitaï a tout fait sauf s’en prendre au Premier ministre Benjamin Netanyahu et crier « J’accuse ! ».
L’homme derrière les films difficiles, artistiques et souvent critiques tels que « Kippour » et « Kadosh » ne fait pas ici dans la subtilité.
Ce nouveau film (essentiellement financé avec de l’argent français) est l’un des nombreux candidats de la 40e édition du Festival international du film de Toronto (TIFF) qui intéressera le public juif, mais gagnera sûrement le premier prix pour son caractère incendiaire.
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Lent et bien refléchi, « Rabin, The Last Day » ouvre sur une interview avec Shimon Peres, qui nous ramène à l’époque d’Oslo, à la « violence verbale » à laquelle lui et le Premier ministre Yitzhak Rabin ont fait face et à la culture de rébellion qui prévalait au sein de l’opposition en 1995. Des manifestants des implantations ayant qualifié Rabin de nazi et ayant défilé avec un cercueil menaçant lors d’un rassemblement.
Après cet entretien, nous enchaînons sur des images documentaires de la nuit de l’assassinat de Rabin, qui se mêlent lentement à des scènes cinématographiques traditionnelles de la course à l’hôpital jusqu’à l’arrestation et au traitement d’Yigal Amir.
« Rabin, The Last Day » n’a pas vraiment de début, de milieu ni de fin traditionnels, pas plus que des personnages principaux.
Il crée un pastiche en plongeant en arrière et en avant dans le temps, montrant l’état d’esprit des extrémistes violents, puis des enquêteurs faisant peu de cas de ces implications plus larges comme non pertinentes pour leur affaire.
Finalement, Gitai tourne le couteau dans la plaie, montrant l’implication de Netanyahu dans le processus
Le long-métrage est entrecoupé de scènes de fiction où des groupes d’extrême-droite se parlent entre eux du plan secret de Rabin pour détruire le sionisme. Des images documentaires parsèment également le film.
Finalement, Gitai tourne le couteau dans la plaie, montrant l’implication de Netanyahu dans le processus. Si vous partagez l’avis que cette culture a intentionnellement incité à l’assassinat, le film de Gitaï, qui utilise quelques séquences lentes, floues et oniriques, en vient à la conclusion que Netanyahu est moralement coupable.
C’est du lourd, et cela va faire parler beaucoup de gens. Mais peut-être pas autant que vous pourriez le penser.
Gitaï est, à certains moments, son pire ennemi. Si son intention était de provoquer la fureur internationale, il ne s’y est pas pris tout à fait de la meilleure façon.
Le film est patient sans être démagogique. Il y a des passages calmes et des scènes volontairement ternes où des gens lisent des documents judiciaires. Cela n’est pas le « JFK » d’Oliver Stone. C’est, Dieu nous en préserve, de l’art.
Sur un sujet beaucoup plus exaltant, il y a le documentaire « Thru You Princess » d’Ido Haar, qui détaille le travail fascinant d’un musicien/compositeur/magicien israélien nommé Kutiman.
Vivant dans un kibboutz dans le Néguev, ce hippie du 21e siècle fumant du hash passe toutes ses journées et ses nuits sur Internet à la recherche de petites pièces pour un énorme casse-tête qui grandit dans sa tête. Ses productions achevées sont des morceaux musicaux complexes et élaborés composés de performances téléchargées depuis YouTube par des individus qui ne sont pas au courant.
« Thru You Princess » montre ce qui arrive quand Kutiman prend une infirmière afro-américaine (Princess Shaw) basée à la Nouvelle-Orléans comme sa nouvelle muse.
Cette personnalité dynamique forte, qui a vécu dans la misère toute sa vie, se produit sans cesse devant un minuscule groupe d’amis.
Mais en Princess Shaw, Kutiman reconnaît un vrai talent. Le documentaire emploie plus d’une ruse, mais lorsque Princess Shaw, qui ne peut pas se permettre de payer les mensualités de sa voiture, devient finalement une étoile en Israël et joue au Théâtre Habima, c’est le triomphe.
Looking good, Naomi and Jake! http://peoplem.ag/iKFdYSQ
Posted by People on Thursday, September 10, 2015
Malheureusement, pas de tel triomphe cette année au TIFF pour l’un de nos acteurs préférés juifs, Jake Gyllenhaal. Il était ici avec le film de la soirée d’ouverture, « Demolition », et c’est un navet.
Il évoque l’histoire d’un mari dont la femme meurt dans un accident de voiture et qui devient « barge » jusqu’à ce qu’il apprenne enfin comment pleurer.
Son postulat farfelu montre Gyllenhaal écrire des lettres en colère au service clientèle d’une entreprise de distributeurs automatiques parce que son sachet de cacahuètes M&Ms est resté coincé. Ne voulez-vous pas savoir si la femme au bout du fil (Naomi Watts) est superbe, seule et vit pas très loin ? Leur relation devient encore plus bizarre quand son jeune fils commence à copiner avec Gyllenhaal, qui aime s’exprimer en brisant les choses.
Heureusement, Liev Schreiber offre une performance qui pourrait être classée dans la catégorie du meilleur rôle juif de 2015. « Spotlight » est un regard terrible et captivant sur la rédaction au Boston Globe lorsqu’ils ont relaté les scandales des abus d’enfants catholiques en 2001 et 2002.
Schreiber joue Marty Baron, un outsider juif qui arrive dans la ville et, avec un œil clair, décide de pousser son équipe à travailler sur l’affaire.
Le film n’insiste pas sur la judéité de Baron. Il s’agit surtout d’une communauté qui a vécu avec un problème évident depuis si longtemps et qui a besoin qu’un étranger lui tende un miroir.
Mais, le fait que ce film – qui mérite de loin plusieurs Oscars – arrive à nous montrer un héros juif, ne nous dérange pas du tout – au contraire !
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