Echange de prisonniers sans précédent entre Washington et Téhéran
L’ex-agent juif du FBI, Robert Levinson, qui a mystérieusement disparu en Iran en 2007, ne fait pas partie l'échange
Les Etats-Unis et l’Iran ont procédé samedi à un échange de prisonniers sans précédent, Téhéran libérant quatre Américano-Iraniens, dont le journaliste du Washington Post Jason Rezaian, et Washington accordant sa clémence à sept Iraniens, dont six ont la double nationalité, a annoncé un responsable américain.
Selon les termes de ce compromis, 14 autres Iraniens ont vu les poursuites engagées contre eux par la justice américaine être abandonnées, a précisé ce responsable, au moment où les Etats-Unis et les autres grandes puissances et l’Iran étaient réunies à Vienne pour la mise en oeuvre de l’accord historique sur le nucléaire iranien.
« Grâce au canal diplomatique mis en place dans le but de ramener nos ressortissants américains, nous pouvons confirmer que l’Iran a libéré de prison quatre Américains détenus en Iran : Amir Hekmati, Saïd Abedini, Jason Rezaian et Nosratollah Khosravi », a indiqué ce responsable américain, confirmant une annonce des médias officiels iraniens.
Téhéran « s’est également engagé à continuer de coopérer avec les Etats-Unis pour déterminer ce qu’est devenu Robert Levinson« , un ancien agent du FBI juif disparu en Iran, sur l’île de Kish, le 9 mars 2007. Il avait pris sa retraite en 1998.
En 2013, le Washington Post et l’Associated Press ont révélé qu’il travaillait alors pour la CIA et était rémunéré par elle pour des missions. Selon les mêmes sources, il se serait rendu sur place pour rencontrer un prétendu informateur en Iran, dans l’espoir de glaner des informations sur le programme nucléaire iranien.
« Bob Levinson n’était pas un employé du gouvernement américain quand il a disparu en Iran », s’était contenté de dire le porte-parole de la Maison Blanche, en 2013.
Le FBI avait annoncé en mars 2015 qu’il portait à cinq millions de dollars la récompense pour toute information qui conduirait à la localisation et au retour aux Etats-Unis de Robert Levinson, disparu mystérieusement il y a neuf ans en Iran. Le 6 mars 2012, cinq ans après la disparition de l’ex-agent du FBI, la récompense avait été fixée à un million de dollars.

En échange, « nous avons accordé notre clémence à sept Iraniens, dont six sont des bi-nationaux américano-iraniens, qui avaient été condamnés ou qui attendaient leurs procès aux Etats-Unis », a encore détaillé ce cadre de l’administration américaine.
« Si les Américains prennent les mesures adéquates et les libèrent, alors l’environnement sera certainement propice à ce que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour la remise en liberté la plus rapide des Américains détenus en Iran », avait déclaré le président Rouhani dans un entretien à CNN International diffusé fin septembre.
Les grandes puissances et l’Iran s’efforçaient samedi de lancer la mise en oeuvre de l’accord historique de juillet 2015 sur le nucléaire et de lever les sanctions internationales, un tournant diplomatique doublé d’un échange de prisonniers entre Washington et Téhéran.
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry et son homologue iranien Mohammad Javad Zarif se trouvaient à Vienne pour finaliser l’entrée en vigueur de cet accord, toujours suspendue à un feu vert technique de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur la réduction des capacités nucléaires iraniennes.
Arrivé en milieu de journée dans la capitale autrichienne, John Kerry y a retrouvé M. Zarif pour des entretiens dans le palais Cobourg, là-même où avait été conclu l’accord sur le nucléaire du 14 juillet 2015.
Une fois rendu public le rapport de l’AIEA, une cérémonie doit se dérouler à Vienne, selon les médias iraniens.
Avant son homologue américain, M. Zarif a vu la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini « pour finaliser le travail » sur ce texte destiné à empêcher l’Iran de se doter de la bombe atomique.
Interrogé sur une possible entrée en vigueur du texte d’ici la fin de la journée, le chef de la diplomatie américaine a répondu: « Nous y travaillons ». « Nous essayons », a confié de son côté son homologue iranien. « On se dirige vers le jour de la mise en oeuvre (…) La diplomatie requiert de la patience », a-t-il tweeté en fin d’après-midi.
Qui sont ces prisonniers ?
Jason Rezaian avait été arrêté en juillet 2014. Accusé d’espionnage, il a été condamné fin 2015 à une peine de prison dont la durée n’a jamais été annoncée publiquement.
Il travaillait comme correspondant du Washington Post depuis deux ans au moment de son arrestation. Il a été accusé d’ « espionnage » et de « collaboration avec des gouvernements hostiles ».
Washington appelait régulièrement Téhéran à libérer le journaliste, mais l’Iran, qui ne reconnaît pas la double nationalité, affirmait que le dossier était purement iranien et mettait en avant l’indépendance de son système judiciaire.
La télévision d’Etat, l’agence officielle Irna et l’agence Mizan (liée à la justice) ont affirmé qu’outre M. Rezaian, figurent parmi les personnes libérées le pasteur Saïd Abedini (bien Abedini), arrêté en 2012, et l’ex-marine Amir Hekmati, détenu depuis 2011.
Le quatrième détenu irano-américain libéré est Nosratollah Kosravi, selon la télévision d’Etat et l’agence Mizan.
L’agence Irna avait dans un premier temps donné le nom de l’homme d’affaires Siamak Namazi mais s’est ensuite rétractée.
Les sept prisonniers iraniens libérés par les Etats-Unis sont : Nadar Modanlou, Bahram Mekanik, Khosro Afghahi, Arash Ghahreman, Touraj Faridi, Nima Golestaneh et Ali Sabounchi.
Par ailleurs, les deux médias officiels ont précisé que l’avis de recherche lancé par la police américaine auprès d’Interpol contre quatorze ressortissants Iraniens a été levée.

Contactée par l’AFP l’avocate de M. Rezaian, Me Leyla Ahsan a affirmé qu’elle n’avait « aucune information » alors que les avocats de MM. Hekmati et Abedini ont confirmé la libération de leurs clients selon les agences Isna et Fars.
Washington avait demandé à de nombreuses reprises leur libération.
L’Iran et les Etats-Unis ont rompu leurs relations diplomatiques en 1980. Les relations entre les deux pays se sont toutefois améliorées depuis la conclusion de l’accord sur le nucléaire du 14 juillet à Vienne entre l’Iran et les grandes puissances.
La Suisse a joué un « rôle positif et a facilité » l’échange de prisonniers
Depuis la rupture des relations diplomatiques entre l’Iran et les Etats-Unis en 1980, la Suisse représente les intérêts américains en Iran.
La Suisse a joué un « rôle positif et a facilité » l’échange de prisonniers entre l’Iran et les Etats-Unis, a déclaré samedi l’ambassadeur d’Iran auprès des Nations unies, Gholam-Ali Koshroo, à la télévision d’Etat iranienne.
« Les deux pays ont agi pour des raisons humanitaires. Les responsables américains avaient demandé la coopération des responsables iraniens et le gouvernement suisse en tant que facilitateur a joué un rôle positif » dans cet échange, a déclaré M. Koshroo, en précisant que « la procédure de libération est en cours » de part et d’autre.
« Sept de nos compatriotes qui étaient emprisonné par les Etats-Unis pour avoir violé les sanctions sont libérés », a déclaré M. Koshroo.
Il s’agit, a-t-il affirmé, de Nadar Modanlou, Bahram Mekanik, Khosro Afghahi, Arash Ghahreman, Touraj Faridi, Nima Golestaneh et Ali Sabounchi.
« Tous leurs délits sont pardonnés », a ajouté M. Koshroo.