Echanges tendus entre Netanyahu et Lapid à la Knesset, qui mêlent leurs pères
Le débat entre les deux hommes qui a suivi le rejet de la loi qui aurait interdit à Netanyahu d'être Premier ministre a tourné au vinaigre ; Kakhol lavan a sauté le vote

La Knesset a rejeté mercredi un projet de loi qui aurait empêché le Premier ministre Benjamin Netanyahu de former un gouvernement, alors que le chef de gouvernement et le leader de l’opposition, Yair Lapid, sont entrés dans un débat qui est par moment devenu très personnel.
Le projet de loi de l’opposition aurait interdit à tout membre de la Knesset faisant l’objet d’une mise en examen de rassembler un gouvernement. S’il avait été adopté à l’issue des trois lectures, il aurait, de fait, interdit à Netanyahu d’être chargé de former une coalition à l’issue d’un scrutin potentiel en raison des accusations de corruption proférées à son encontre. 53 députés se sont exprimés en défaveur du texte et 37 « pour ».
Le parti Kakhol lavan n’a pas pris part au vote, les députés de la faction étant, selon des informations, divisés sur le soutien à apporter à la législation.
Le Likud et Kakhol lavan sont actuellement à couteaux tirés sur la question du budget de l’Etat, qui doit être approuvé d’ici le 25 août. Le cas échéant, la Knesset sera automatiquement dissoute et de nouvelles élections seront organisées.
Kakhol lavan aurait brièvement envisagé de soutenir la loi, les relations avec le Likud s’étant fortement détériorées ces derniers jours. Par ailleurs, les observateurs soupçonnent le Premier ministre de chercher avec cet affrontement une excuse pour précipiter le pays dans de nouvelles élections.
Mardi, la formation de Benny Gantz a toutefois annoncé que ses membres ne participeraient pas au vote.
Netanyahu a surpris la plénière en apparaissant au débat. Il a déclaré que la proposition de législation lui rappelait les lois mises en oeuvre dans des pays placés sous dictature.
« Ici plus que n’importe où ailleurs, à la Knesset, le cœur de la démocratie israélienne, nous assistons aujourd’hui encore à un autre épisode répugnant dans le cadre d’une campagne interminable menée par des personnes qui disent soutenir la démocratie, mais qui tiennent entre leurs mains l’épée qui servira à la décapiter », a dit Netanyahu.

« Cette loi est une complète distorsion. Mais où est donc adopté ce type de législation ? Les seuls endroits dans le monde à adopter des lois pour écarter des candidats, ce sont l’Iran et la Corée du nord », a commenté Netanyahu.
« Monsieur Lapid, même un millier de masques ne sauraient suffire à dissimuler votre soif de dictature. D’un côté, vous organisez des manifestations de gauche et de l’autre, vous faites entrer la loi iranienne à la Knesset pour m’empêcher d’être élu Premier ministre ».
Netanyahu a également raillé Lapid, rappelant qu’il n’avait pas eu de diplôme de fin d’études ou d’université, suggérant que cet état de fait rendait le chef de l’opposition incapable d’accéder au poste de Premier ministre.
« Votre condescendance à l’égard des électeurs de droite et du Likud est impardonnable. Avec vous, tout est mensonger », a continué Netanyahu. « Vous ne faites que feindre. Sans certificat de fin d’études secondaires et sans diplôme de licence, vous vous efforcez d’obtenir un faux doctorat », a poursuivi le Premier ministre, se référant à une controverse survenue en 2012, lorsque Lapid avait été admis dans un cursus de doctorat sur la base de ses qualifications plutôt que sur ses antécédents universitaires – une procédure standard qui n’avait commencé à intégrer les gros titres que lorsque Lapid avait décidé d’entrer en politique.

Netanyahu a aussi affirmé que feu le père du leader de Yesh Atid, Yosef « Tommy » Lapid, s’était opposé à un projet de loi similaire quand il était ministre de la Justice.
« Lapid, vous êtes un faux démocrate. Votre père était un vrai démocrate et je suis son chemin », a dit Netanyahu.
Lapid a riposté : « On peut vous voir transpirer d’ici. Vous savez – et vous le redoutez – que vous finirez en prison », a-t-il dit. « Votre père vous avait dit de vous abstenir de mêler argent et vie politique. Si vous l’aviez écouté, vous ne seriez pas actuellement traduit en justice dans trois dossiers criminels ».

Netanyahu est actuellement traduit devant la justice dans trois affaires de corruption. Il n’a cessé de clamer son innocence et il accuse sans preuves la gauche, les médias, la police et les procureurs de l’Etat de se livrer à une « chasse aux sorcières » visant à l’écarter du pouvoir.
Lapid a également cité Netanyahu lui-même, qui avait déclaré que l’ex-Premier ministre Ehud Olmert n’était plus en mesure d’assumer sa fonction alors qu’une enquête pour corruption avait été ouverte à son encontre. Il a également évoqué la gestion de la pandémie de coronavirus par le Premier ministre, qui a entraîné un fort taux de chômage en Israël, un pays qui connaît également une recrudescence des cas de la maladie.

« Ne désirez-vous pas nous parler des
30 000 entreprises qui ont fermé leurs portes en raison de vos erreurs de
gestion ? », a interrogé le leader de Yesh Atid, s’adressant directement au Premier ministre.
« Et le fait que l’économie israélienne se trouve aujourd’hui dans la pire position de tout le monde occidental en raison de votre gestion… Vous ne voulez pas nous parler de votre échec », a-t-il ajouté.

Ce vote a eu lieu alors que le chef de Kakhol lavan, Benny Gantz, est actuellement à l’hôpital, se rétablissant d’une intervention chirurgicale au dos pour une blessure qu’il s’était faite pendant sa carrière militaire.
Avant ce vote sensible, la Knesset a adopté en lecture préliminaire un projet de loi prévoyant un report de la date d’adoption du budget controversé. Le texte a été adopté à 56 voix « pour » contre 41 « contre », mais ce sont les trois votes futurs, nécessaires pour que la législation soit définitivement approuvée, qui restent incertains en raison des querelles de la coalition – les mêmes qui ont empêché le budget d’être adopté en temps et en heure.
Si de nouvelles élections sont organisées, elles seraient le quatrième scrutin depuis le mois d’avril 2019. Netanyahu et Gantz avaient convenu de former un gouvernement d’unité d’urgence au mois de mai à cause de la pandémie, après trois votes non-concluants qui avaient échoué à désigner un réel vainqueur.