El Niño, un phénomène climatique aux conséquences multiples
Les impacts d'El Niño et du réchauffement climatique devraient "provoquer 84 000 milliards de dollars de pertes économiques au 21e siècle"
Le phénomène météorologique El Niño, qui vient tout juste de débuter, est généralement associé à une augmentation des températures mondiales.
Les impacts d’El Niño et du réchauffement climatique devraient « provoquer 84 000 milliards de dollars de pertes économiques au 21e siècle ».
Cette hausse naturelle des températures dans l’océan Pacifique se produit en moyenne tous les deux à sept ans, et les épisodes durent généralement de neuf à douze mois.
Et selon les scientifiques, ses conséquences pourraient aller bien au-delà de la sphère purement climatique.
Maladies
Il a été démontré que les maladies à transmission vectorielle, telles que le paludisme et la dengue, étendent leur aire de contamination à mesure que les températures augmentent.
Les scientifiques ont prévenu qu’El Niño, qui vient s’ajouter à un réchauffement climatique déjà désastreux, pourrait aggraver la situation.
« Les précédents El Niño ont montré que l’on assiste à une augmentation et à l’apparition d’un large éventail de maladies à transmission vectorielle et d’autres maladies infectieuses sous les tropiques, dans la zone que nous savons la plus touchée par El Niño », a expliqué à la presse Madeleine Thomson, responsable des impacts climatiques à l’organisation caritative Wellcome Trust.
L’augmentation découle de deux effets d’El Niño : des précipitations inhabituelles qui augmentent le nombre de sites de reproduction des transmetteurs tels que les moustiques, et des températures plus élevées qui accélèrent la transmission de diverses maladies infectieuses.
En 1998, un phénomène El Niño avait coïncidé avec une importante épidémie de paludisme dans les hautes terres du Kenya.
Mortalité
« L’arrivée d’El Niño augmentera considérablement la probabilité de battre des records de température et de déclencher une chaleur plus extrême dans de nombreuses régions du monde et dans les océans », avait souligné début juillet le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), Petteri Taalas.
Or, les vagues de chaleur sont des « tueuses silencieuses » et « provoquent en fait la mort de plus de personnes que tout autre type d’événements météorologiques violents », déclare Gregory Wellenius, directeur d’un centre sur le climat et la santé à l’université de Boston.
Les causes directes ou indirectes de mortalité liées à la chaleur sont multiples, allant de l’hyperthermie à la déshydratation ou un épuisement progressif en raison de nuits où les températures élevées empêchent l’organisme de récupérer.
On estime que plus de 61 000 personnes sont mortes à cause de la chaleur en Europe l’été dernier, alors qu’il n’y avait pas d’El Niño.
Juillet 2023 est déjà le mois le plus chaud jamais enregistré sur la planète alors que le plein effet d’El Niño sur les températures mondiales ne se manifeste en général que dans l’année qui suit le développement du phénomène.
Insécurité alimentaire
« Lors d’une année El Niño, il y a des pays où les chances d’avoir une mauvaise récolte augmentent. C’est le cas par exemple en Asie du Sud et du Sud-Est », indique Walter Baethgen de l’Institut international de recherche sur le climat et la société.
Cela pourrait notamment affecter la production mondiale de riz, très sensible aux conditions climatiques.
« La récolte de riz dans ces pays peut être inférieure à la normale, le commerce du riz peut être plus difficile ou moins accessible sur le marché international et à cause de cela, le prix du riz sera élevé », prédit M. Baethgen.
Le mois dernier, l’Inde, plus grand exportateur de riz au monde, a déjà annoncé limiter ses exportations en raison des dégâts causés aux cultures par les pluies de mousson irrégulières.
Une décision qui pourrait avoir des conséquences désastreuses, limitant les ressources alimentaires pour nombre de pays, comme la Syrie et l’Indonésie par exemple.
Croissance économique
Début août, le canal de Panama, par lequel transite 6 % du commerce maritime mondial, a annoncé que de trop faibles précipitations – qui, selon les météorologues, ont été exacerbées par El Niño – obligeaient les opérateurs à restreindre le trafic en raison des craintes d’assèchement. Cela pourrait entraîner des baisses de revenus de l’ordre de 200 millions de dollars.
Mais cela n’est qu’un exemple de la façon dont El Niño peut nuire à l’économie mondiale. Une étude publiée dans la revue Science en mai a estimé que par le passé, les phénomènes El Niño ont coûté à l’économie mondiale plus de 4 000 milliards de dollars dans les années qui les ont suivis.
Les impacts d’El Niño et du réchauffement climatique devraient « provoquer 84 000 milliards de dollars de pertes économiques au 21e siècle », selon cette étude.
Mais des chercheurs d’Oxford Economics ont tempéré ces affirmations : pour eux El Niño est un « risque nouveau, mais cela ne change pas la donne pour autant ».