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Analyse

Elections 2019, le compte à rebours est lancé : 5 points clés à retenir à J-5

Benjamin Netanyahu cannibalisera-t-il les autres listes de droite ? Yair Lapid renoncera-t-il à la rotation au poste de Premier ministre ? Combien d'Arabes iront voter ?

Shalom Yerushalmi

Shalom Yerushalmi est analyste politique pour Zman Israël, le site en hébreu du Times of Israël sur l'actualité israélienne.

Les bulletins de vote fraîchement imprimés en vue des prochaines élections générales d'avril en Israël, le 20 mars 2019. (Crédit : Yossi Zeliger/Flash90)
Les bulletins de vote fraîchement imprimés en vue des prochaines élections générales d'avril en Israël, le 20 mars 2019. (Crédit : Yossi Zeliger/Flash90)

À cinq jours des élections du 9 avril de la 21e Knesset, la situation actuelle — et même les élections dans leur ensemble — peut se résumer en un seul mot : ancrage.

Pour l’instant, Kakhol lavan, le parti dirigé par Benny Gantz et Yair Lapid, ne semble pas avoir entamé la popularité du Likud et de la droite. De son côté, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son parti paraissent maintenir la solidité et l’unité du bloc de droite, malgré les risques de mise en examen pour corruption pesant sur le chef du gouvernement.

Ainsi, les élections sont-elles déjà pliées ? Eh bien, les précédentes ont montré que des événements de dernière minute pouvaient en modifier considérablement l’issue. C’est pourquoi, jusqu’à mardi, il est important de rester attentif au comportement de certains des acteurs clés.

1. Likud : cannibaliser ou ne pas cannibaliser

Benjamin Netanyahu n’est confronté qu’à un seul dilemme : comment avoir le beurre et l’argent du beurre ?

Alors que le Premier ministre veut renforcer le Likud, il ne peut pas prendre le risque de cannibaliser les petits partis du bloc de droite : la plupart d’entre eux se situent autour du seuil d’éligibilité, et les affaiblir pourrait apporter une large victoire au Likud, mais laisser Benjamin Netanyahu sans bloc suffisamment solide pour constituer une majorité de coalition à l’issue du scrutin.

Lors de discussions avec ses collègues du Likud, le Premier ministre les a appelés à tenter de siphonner les voix de Kakhol lavan et à arrêter de faire campagne contre les petits partis satellites de droite. Il pense pouvoir se permettre de perdre l’un d’entre eux dans les suffrages, mais pas deux.

Benjamin Netanyahu lors d’une conférence de presse traitant des accusations de publications de fausses informations sur les réseaux sociaux lors de la campagne électorale, à la résidence du Premier ministre à Jérusalem le 1 avril 2019.

La stratégie actuelle de Netanyahu consiste à s’adresser à sa base — en jouant la victime persécutée tout en critiquant les intentions malveillantes supposées du président Reuven Rivlin (celui-ci sera en effet chargé, après le scrutin, de confier la mission de former un nouveau gouvernement à Benjamin Netanyahu ou Benny Gantz) — mais pas aux dépens des partis de droite. Le n°1 du Likud ne s’en prend même pas à ses rivaux de longue date, les dirigeants de HaYamin HaHadash Naftali Bennett et Ayelet Shaked, ou le dirigeant de Zehut Moshe Feiglin, qui estime que la politique de Benjamin Netanyahu est un « désastre stratégique. »

Évidemment, cette tactique pourrait évoluer si les sondages internes du Likud montrent une hausse rapide de la popularité de Kakhol lavan dans les jours ou les heures précédant la fermeture des bureaux de vote. Dans ce cas, Benjamin Netanyahu, le propagandiste, pourrait alors sacrifier ses partenaires de droite.

2. Kakhol lavan : Yair Lapid scruté

Les méthodes de Benny Gantz et Yair Lapid sont à l’opposé de celles du Likud. N’ayant pas réussi à attirer davantage d’électeurs de droite, les deux hommes se consacrent désormais à accroître leur nombre de voix, et ce même au détriment du Parti travailliste. Un sondage publié jeudi matin par le quotidien Haaretz indiquait que cette stratégie n’avait pas porté ses fruits jusqu’à présent, et le Parti travailliste récupère même des électeurs ayant envisagé de voter Kakhol lavan.

Un affrontement intéressant à suivre. Yair Lapid a toujours eu du mal à s’entendre avec le dirigeant du parti de la gauche israélienne, Avi Gabbay. Convaincu que ce dernier avait commissionné des détectives privés il y a six mois pour récolter des informations sensibles à son sujet, Yair Lapid veut voir le dirigeant travailliste disparaître de l’échiquier politique. Avi Gabbay avait démenti ces affirmations. Personne d’autre au sein de Kakhol lavan n’a publiquement attaqué le Parti travailliste et son leader.

Yair Lapid sera dans l’œil du cyclone ces deux prochains jours. Si la tendance actuelle dans les sondages se poursuit et que Kakhol lavan perd du terrain, tous les yeux seront tournés vers lui, et des stratèges du parti lui demanderont alors de renoncer à l’accord de rotation au poste de Premier ministre conclu avec Benny  Gantz, dans l’intérêt de tous. Certains pensent qu’une telle décision pourrait rapporter plusieurs sièges au parti grâce au ralliement des électeurs de droite modérés. Yair Lapid, qui n’est pas connu pour se laisser marcher sur les pieds, refusera probablement catégoriquement de céder, mais cette option lui pend toujours au nez.

Benny Gantz (à droite) et Yair Lapid du parti Kakhol lavan visitent un centre commercial dans la ville d’Ashdod, au sud d’Israël, le 8 mars 2019. (Flash90)

3. Parti travailliste : jouer la carte de la diversité ethnique

Si Avi Gabbay était en mesure de devenir Premier ministre aujourd’hui — comme il l’espérait lorsqu’il a pris la tête du parti — il aurait inondé le pays d’affiches appelant les électeurs à voter pour le premier chef de gouvernement séfarade de l’histoire d’Israël.

Précédemment, Avi Gabbay s’était livré à une campagne d’ordre multiculturelle, qualifiant Benjamin Netanyahu de raciste et suggérant même que Gabi Ashkenazi de Kakhol lavan devrait souligner ses origines druzes. Cet angle n’a jamais vraiment pris. Mais à quelques jours seulement du scrutin, il pourrait l’intensifier pour se distinguer davantage du parti centriste.

Quoi qu’il en soit, la formation travailliste élèvera sûrement la voix et redoublera d’efforts contre Kakhol lavan, prophétisant que Benny Gantz et Yair Lapid participeront à un gouvernement dirigé par Benjamin Netanyahu, et affirmant que quiconque souhaitait la victoire d’un parti assurément anti-Bibi devrait voter pour les travaillistes.

Il sera également intéressant de voir si Avi Gabbay met sur le devant de la scène les cadres de son parti, qu’il a quelque peu mis sur la touche au cours de la campagne — en tout premier lieu Shelly Yachimovich, Stav Shaffir et Merav Michaeli ; ou s’il continue de faire exclusivement campagne avec sa nouvelle star, le chef d’état-major à la retraite Tal Russo.

Le président du Parti travailliste, Avi Gabbay (à gauche), accueillant Tal Russo, ancien chef du Commandement sud de Tsahal, au siège du parti, le 21 février 2019. (Crédit : Ra’ananan Cohen)

4. Zehut : le nouvel adversaire de HaYamin HaHadash

Moshe Feiglin est un homme fascinant à suivre, et pas seulement dans les derniers jours de la campagne électorale. Particulièrement notable, la lutte que se livrent Nafatali Bennett, Ayelet Shaked et Moshe Feiglin et son parti, ainsi que les batailles menées par des responsables d’implantations contre le dirigeant de Zehut sur les réseaux sociaux.

Le postulat de Nafatali Bennett consistait à penser que Moshe Feiglin allait s’effondrer avant les élections — mais comme ce n’a pas été le cas, celui-ci doit être neutralisé. Le message n’est plus « Bennett vaincra le Hamas, et Shaked vaincra la Cour suprême. » Il s’agit désormais de dire que le président de Zehut constitue un danger pour le projet d’implantation. Pour l’instant Moshe Feiglin garde son calme et n’a pas adapté sa stratégie. Quoi qu’il en soit, il s’agit de l’affrontement le plus passionnant à suivre à l’approche du scrutin.

Moshe Feiglin, président du parti Zehut, s’exprime lors d’une conférence organisée par Maariv et le Jérusalem Post le 3 avril 2019. (Crédit : Marc Israel Sellem/POOL)

5. Les électeurs arabes : de nouveau décisifs ?

Alors que tous les yeux sont rivés sur les partis juifs et surtout de droite risquant de ne pas franchir le seuil d’éligibilité, l’électorat arabe pourrait de nouveau constituer le facteur clé de ces élections.

Les députés Ayman Odeh et Ahmad Tibi se réjouissent après avoir soumis une liste commune de candidats de leurs partis Hadash et Taal à la commission centrale électorale de la Knesset, le 21 février 2019. (Crédit : Hadash)

En 2015, la Liste arabe unie était parvenue à faire entrer un nombre record de députés arabes à la Knesset sortante, remportant 13 sièges. Mais cette fois-ci, le parti d’union est : avec Hadash-Taal d’un côté et Raam-Balad de l’autre.

La participation de la population arabe aux élections israéliennes est faible historiquement, et ce scrutin ne semble pas faire exception, ce qui pourrait chasser de l’arène politique une des deux formations arabes — probablement Raam-Balad. Si c’était le cas, le nombre de députés arabes de la Knesset serait réduit de moitié, et de nombreux calculs politiques actuels pourraient être renversé.

Les conséquences d’un tel scénario sont à peine extrapolables. En dehors de la lutte entre les grands blocs et partis, ce qui se passe du côté arabe pourrait s’avérer l’élément le plus déterminant le 9 avril.

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