En Allemagne, une famille américaine rend hommage au travail de mémoire
À l'occasion de la Journée internationale de commémoration de la Shoah, plusieurs Allemands ont reçu le prix Obermayer pour leurs projets de préservation de la mémoire juive
BERLIN – À l’approche de la Journée internationale de commémoration de la Shoah, plusieurs Allemands ont été récompensés cette semaine par des prix Obermayer pour leur travail visant à garantir que l’Histoire et la culture juives locales, bien que détruites par les nazis, ne soient pas oubliées.
Ce prix a été créé il y a 23 ans par feu l’homme d’affaires et philanthrope, Arthur Obermayer, un Juif américain d’origine allemande qui a été inspiré par le travail de mémoire des bénévoles dans la ville ancestrale de sa famille, Creglingen. Au fil des ans, plus de 100 projets ont été récompensés lors de cérémonies parrainées par le Sénat de Berlin.
Parmi les lauréats de cette année figurent des projets visant à faire connaître aux enfants de la région les Juifs qui vivaient dans leur ville, à initier les nouveaux immigrants à l’Histoire de l’Allemagne et à mettre les citoyens d’aujourd’hui en contact avec les Juifs et leurs familles originaires de leur ville.
Les lauréats reçoivent un prix en argent de 1 000 dollars, mais le plus important est la reconnaissance que ce prix apporte, a déclaré Joel Obermayer, 55 ans, qui a repris la direction de la fondation après le décès de son père en 2016.
« Vous ne pouvez pas rencontrer ces lauréats et entendre parler des sacrifices qu’ils ont faits sans être ému », a déclaré Obermayer, dont le frère, Hank Obermayer, fait partie du jury et la sœur, Marjorie Raven, du conseil d’administration.
« Arthur aurait adoré que Joel soit passionné par ce sujet, que l’un de ses enfants s’en empare et s’y consacre parce qu’il s’y intéresse », a déclaré la mère de Joel Obermayer, Judith Obermayer.
Cela ne va pas sans dire. De nombreux Juifs américains gardent une distance compréhensible avec l’Allemagne ; même s’ils ne reprochent pas à la génération actuelle les crimes de leurs grands-parents, ils veulent s’assurer que ces crimes ne sont pas oubliés.
Judith Obermayer a déclaré qu’en fait, c’est de cela qu’il s’agit avec ce prix.
« Il y a beaucoup de gens dans toute l’Allemagne, dans les petites villes du pays, qui estiment que la préservation de l’Histoire juive de leur ville est importante, qu’elle fait partie de leur culture », a-t-elle déclaré. « L’Allemagne, au moins, essaie de gérer le côté sombre de son Histoire, contrairement à d’autres pays qui ne tentent même pas mais qui devraient le faire. »
En 2019, après avoir quitté son emploi pour s’occuper à plein temps de la gestion des prix, Joel Obermayer a créé la Fondation Widen the Circle. L’objectif du groupe, dit-il, est à la fois de lever des fonds et de connecter les projets allemands avec des projets « qui traitent de l’héritage de notre histoire difficile » aux États-Unis, en luttant contre le racisme et le sectarisme. « Le prix me relie à la fois à ce que mon père a fait et à toutes ces choses qui me tiennent à cœur aux États-Unis. Je ne m’y attendais pas », a-t-il déclaré.
Parmi les lauréats de cette année figure Jörg Friedrich, un ancien banquier devenu enseignant, qui a mis au point une approche novatrice pour sensibiliser les adolescents à l’Histoire juive locale et aux dangers des préjugés. Ses projets comprennent une exposition itinérante, une application appelée « Ways of Remembrance » (« Les voies du souvenir »), des journées de randonnée axées sur l’Histoire et la culture juives, ainsi que du matériel pédagogique comportant des éléments en braille et des éléments audio destinés aux personnes ayant des difficultés d’apprentissage.
Parmi les lauréats figurent également Marion Welsch, auteure et directrice du château de Gollwitz, pour son travail visant à établir des relations de guérison entre Juifs et non-Juifs – y compris les survivants de la Shoah et les Allemands non-juifs – et Rudolf et Marlies Walter, qui, depuis 30 ans, sont à l’origine des efforts déployés pour mettre en lumière l’Histoire juive de Bad Kissingen, en Bavière, et la destruction de la communauté locale par les nazis.
Les Walter ont également contribué à préserver les sites locaux de l’Histoire juive, ont joué un rôle majeur dans le changement de nom du lycée en l’honneur d’un ancien élève juif – Jack Steinberger, survivant de la Shoah et lauréat du prix Nobel – et ont créé un livre du souvenir en ligne contenant les biographies d’anciens résidents juifs.
« J’ai beaucoup entendu parler de Bad Kissingen quand j’étais petite », a déclaré Elizabeth Steinberger, nièce de Jack Steinberger et principale responsable de la nomination des Walter.
« Ils ont vraiment aidé à donner une image plus large de la vie de la ville, des gens qui y vivaient, et de ce que c’était quand ma famille était là », a déclaré Steinberger, qui est venue en Allemagne pour la cérémonie depuis sa maison en Caroline du Nord. « C’est un travail très important, et c’est beau parce que ça panse quelque chose d’effrayant. »
Les lauréats de cette année ont déclaré qu’ils prévoyaient d’utiliser la récompense monétaire pour faire avancer leur travail. Par exemple, Welsch a déclaré qu’elle utiliserait probablement les fonds pour son projet d’intégration des femmes, afin de les aider à aller à l’université. L’ancienne lauréate Sabeth Schmidthals, qui a assisté à la cérémonie de cette année, a déclaré qu’elle utiliserait les fonds pour aider ses élèves du secondaire à Berlin à faire des excursions liées au travail de mémoire.
Mais Joel Obermayer a fait remarquer que le prix offre des avantages qui dépassent de loin les aspects évidents. Obermayer a ainsi reçu un jour un courriel d’une lauréate dont la famille et les collègues s’étaient éloignés d’elle en raison de ses recherches constantes sur le passé nazi de sa famille. « Même ses propres enfants en ont eu assez », a déclaré Joel Obermayer.
« Tout d’un coup, elle reçoit ce prix international, son nom est dans le journal et elle est honorée lors de la cérémonie. Et soudain, ses enfants et petits-enfants réalisent que non, ce n’est pas une folle complètement obsédée, c’est une héroïne. Et ils l’ont célébrée. C’est ce qui a changé sa vie. »
Toby Axelrod est une journaliste basée à Berlin. Elle a rédigé les portraits des lauréats du prix Obermayer de cette année pour la Fondation Obermayer.
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