En Israël, des émissaires Habad parlent antisémitisme et regain de foi après le 7 octobre
Près de 150 femmes ont partagé des histoires de bravoure et de fierté dans un contexte de montée massive de l'antisémitisme dans les universités américaines
Depuis des années, Baila Brackman fait office de seconde mère pour les étudiants juifs qui franchissent la porte de le centre Habad de l’université de Chicago.
Elle apporte de la soupe de poulet aux étudiants malades à toute heure, leur offre une épaule pour pleurer ou une main à tenir, et co-gère, avec son mari le rabbin Yossi Brackman, le planning du centre.
Les étudiants juifs ont plus que jamais besoin de la présence maternelle de Mme Brackman depuis que la guerre entre Israël et le Hamas a éclaté le 7 octobre, lorsque des milliers de terroristes dirigés par le Hamas depuis la bande de Gaza ont envahi le sud d’Israël, tué quelque 1 200 personnes et pris 251 otages.
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Des étudiants ont érigé des campements à partir desquels ils perturbent la vie du campus tout en condamnant bruyamment Israël. Certains étudiants juifs disent que les manifestations les ont fait se sentir en danger, et les partisans d’Israël affirment que la rhétorique a parfois viré à l’antisémitisme.
« Lorsque nous avions des campements », a raconté Mme Brackman au Times of Israel, « cela devenait vraiment salissant… Un jour, ma chemise était mouillée parce que je réconfortais tant d’étudiants [qui pleuraient] ».
Après une année scolaire éprouvante, Mme Brackman et quelque 150 autres shlou’hot de Habad, ou émissaires féminins, se sont rendues en Israël à la fin de la semaine dernière pour leur convention annuelle, au cours de laquelle une grande partie du discours a porté sur les manifestations sur les campus.
« C’est très inquiétant », a déclaré le directeur de Chabad on Campus, le rabbin Avi Weinstein, à propos des manifestations. « Mais ce qui est encore plus inquiétant que les campements, c’est le fait que certaines administrations leur donnent de la crédibilité en négociant avec eux. D’une certaine manière, c’est plus effrayant parce que cela [normalise] l’antisémitisme et l’attaque contre les Juifs ».
Chabad on Campus organise généralement sa convention annuelle aux Etats-Unis, sur la cote est, mais cette année, l’organisation a jugé préférable de se rendre dans l’Etat hébreu afin que les participants puissent vivre directement l’expérience de la guerre en Israël et en parler sur leur campus.
Jeudi soir, les émissaires se sont retrouvées à l’hôtel Ramada de Jérusalem après une longue journée qui comprenait une visite du site commémoratif du massacre du festival Nova près du kibboutz Re’im et un voyage à Sderot pour voir le seul mikveh, ou bain rituel, au monde situé à l’intérieur d’un abri antiaérien. Elles se sont installées pour un dîner de gala festif, bien que sombre, dont le sujet principal était les manifestations anti-israéliennes généralisées sur les campus universitaires du monde entier.
Tout au long de la soirée, les émissaires ont raconté des histoires d’étudiants qui se sont sentis forcés d’adopter de nouvelles pratiques juives face à l’antisémitisme et d’autres qui ont décidé de rendre leur judéité plus visible en portant un des étoiles de David autour du cou ou une kippa.
« Tout d’un coup, les étudiants se sont montrés plus fiers que jamais », a déclaré Naomi Drizin, de l’université de Columbia, au groupe de femmes. Columbia a été la première université où un campement anti-israélien a été établi.
« Nos dîners de shabbat ont explosé. Nous accueillions en moyenne 250 étudiants par semaine », dit-elle fièrement, soulignant que leur centre Habad de New York peut difficilement accueillir autant de personnes.
Au début de la guerre, pendant plusieurs semaines, Naomi et son mari, le rabbin Yuda Drizin, se sont assis à une table à l’extérieur, dans un endroit central du campus de Columbia, pour renforcer la confiance des étudiants juifs qui étaient intimidés par le volume du sentiment anti-israélien à l’université.
« Le fait de voir un couple juif fier sur le campus et de voir leurs camarades étudiants mettre des tefillins [phylactères] et faire la charité… donne aux étudiants juifs l’occasion de respirer profondément et de se dire : (‘Je ne suis pas seul' », a-t-elle expliqué.
Mme Drizin a également souligné l’activisme pro-israélien qui a lieu sur le campus, malgré la réputation de l’école en matière de rhétorique anti-israélienne. Elle a expliqué à la foule qu’un ancien élève donateur avait parrainé une collecte de fonds pour le service d’ambulance israélien, Magen David Adom, par l’intermédiaire du centre Habad de Columbia, ce qui a permis de réunir suffisamment d’argent pour acheter une ambulance.
« Elle sera marquée comme l’ambulance de la communauté juive de Columbia », a déclaré Mme Drizin sous un tonnerre d’applaudissements, « pour montrer au monde que [même] s’il y a beaucoup de gens haineux à Columbia, la communauté juive est vraiment forte et fière et qu’elle soutient Israël ».
Un foi renouvelée, après le 7 octobre
Mme Drizin a pris soin de souligner l’élan de fierté juive des étudiants et leur nouveau désir de se rapprocher de leur héritage juif.
Elle raconte qu’un étudiant a commencé à respecter le Shabbat et à marcher deux heures pour assister aux offices. Un autre a décidé de partir en Israël. Des centaines d’étudiants ont posé des mezouzot sur leurs portes.
Les centre Habad des petites universités ont également été mises à l’honneur lors du dîner pour leur succès à cultiver la communauté juive dans un climat d’antisémitisme.
« Le 9 octobre, un étudiant nommé David, que nous n’avions jamais rencontré auparavant, s’est présenté avec une paire de tefillin et a dit : ‘Rabbin, vous devez m’apprendre à les mettre' », a raconté Fraidy Loschak, émissaire Habad à l’université Rowan du New Jersey.
Après plusieurs demandes similaires, les Loschak ont créé un groupe WhatsApp pour les jeunes hommes qui souhaitaient mettre des tefillins tous les jours.
Ce groupe compte actuellement 15 membres, et huit d’entre eux ont reçu leur propre paire de tefillin grâce au financement de Habad. En outre, le groupe se réunit une fois par semaine, le jeudi, pour des prières matinales, un phénomène inédit sur un campus qui n’abrite que quelques centaines de juifs, dont la plupart ne sont pas pratiquants.
Selon les émissaires, le regain de ferveur juive est principalement le fait d’étudiants qui menaient une vie totalement laïque avant le 7 octobre ou dont les campus étaient le théâtre de manifestations anti-israéliennes particulièrement influentes.
Mais pour les familles Habad comme la famille Chein, à l’université laïque de Brandeis, fondée par des juifs, à Waltham, dans le Massachusetts, la marche à suivre ne se résume pas à distribuer des kippot ou à augmenter la fréquence des événements. La plupart des étudiants juifs arrivent sur le campus de Brandeis avec une solide identité juive, et leurs expériences de l’antisémitisme et de l’antisionisme sont moins nombreuses et plus subtiles.
Chanie Chein a déclaré au Times of Israel que bien que la participation aux dîners de shabbat ait augmenté après le 7 octobre, l’engagement des étudiants est depuis revenu aux niveaux d’avant-guerre.
Le site commémoratif du massacre de Nova a profondément ému Mme Chein, et elle espère ramener à Waltham une partie de la gravité et du caractère sacré du site afin de rallumer l’étincelle de fierté juive qui a suivi le 7 octobre.
« Nous commençons à nous demander comment [la guerre] va modifier les étudiants juifs de Brandeis, et une partie d’entre nous aimerait voir une plus grande fierté juive qui transcende les effets immédiats du 7 octobre », a-t-elle déclaré.
Bien que la plupart des discussions de la soirée aient établi une distinction claire entre les étudiants juifs et les manifestants anti-israéliens, les participants ont reconnu que les deux groupes pouvaient se chevaucher.
« Même les Juifs qui sont mal informés ou ignorants ou qui adoptent une position ferme avec laquelle nous ne sommes pas d’accord restent des membres de la famille », a déclaré Weinstein au Times of Israel. « Nous sommes toujours des frères et des sœurs, et nous voulons toujours leur ouvrir la porte ».
« Les étudiants ont besoin de la force de [leur] communauté », a-t-il ajouté. « Ils n’ont pas besoin de se sentir seuls. Ils ont besoin de se sentir protégés, et ils ont besoin d’être protégés ».
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