En Israël, le nombre de nouvelles startups a chuté de près de 45 % ces 10 dernières années
Ces dix dernières années, le nombre de nouvelles startups a chuté de plus de 45 %, signe d'un possible décrochage économique pour l'avenir, selon RISE Israel
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
La semaine dernière, au 53e étage de la tour Azrieli Sarona de Tel Aviv, investisseurs en capital-risque, fondateurs de start-ups et entrepreneurs se sont réunis pour évoquer les tendances et prévisions pour l’année à venir.
Ils ont écouté Gigi Levy-Weiss, associée générale du fonds de capital-risque NFX, qui n’a rien caché de ses inquiétudes face au « départ silencieux des entrepreneurs de la Tech israélienne » : certains d’entre eux partent à cause du gouvernement et de la manière dont il mène la guerre, même si personne n’a osé en parler ouvertement.
En marge de cette conférence, Liad Agmon, associé directeur de la société américaine de capital-investissement Insight Partners, a déclaré au Times of Israel qu’il y avait aussi une tendance, pour les meilleurs ingénieurs israéliens, de partir travailler pour les grandes multinationales de la Tech – de Google à Facebook. Dans d’autres circonstances, ils seraient probablement devenus des entrepreneurs en Israël, où ils auraient créé de nouvelles startups.
Cette tendance, pour l’heure encore anecdotique, n’en est pas moins inquiétante, car elle semble confirmée par des chiffres montrant une baisse continue des créations de nouvelles startups en Israël, ce qui remet en cause l’image de marque israélienne, celle d’un pays phare en matière d’innovation technologique et de berceau de grandes entreprises.
Ces dix dernières années, les créations de startups ont chuté de près de 45 %, passant de 1 432 par an à 788 en 2023, et sans doute moins encore cette année, comme en atteste une étude de l’institut RISE Israel, que l’on connaissait sous le nom de Start-up Nation Policy Institute (SNPI).
« La technologie est très importante pour l’économie israélienne, qui s’appuie davantage qu’ailleurs sur ses startups, lesquelles constituent le terreau de grandes entreprises, qui ne sont pas légion », explique au Times of Israel Danny Biran, chercheur principal en politique chez RISE Israël.
« Le fait que nous ayons moins de startups est un vrai problème, car cela implique que nous aurons moins d’entreprises pourvoyeuses d’emplois dans x années. »
Au sein de l’écosystème technologique israélien, les startups sont essentielles pour les futurs mouvements de fusion et acquisition, pour les rentrées fiscales et les créations d’emplois. Les impôts payés par les employés du secteur technologique représentent plus d’un tiers du total des recettes fiscales, ce qui souligne l’importance vitale du secteur en tant que moteur de la reprise économique après plus de 14 mois de guerre contre le groupe terroriste du Hamas.
La dépendance de l’économie à l’égard du secteur technologique s’est considérablement accrue ces dix dernières années, sous l’effet conjugué de la croissance rapide des recettes fiscales du secteur, de l’augmentation du nombre d’employés et de la hausse de leurs salaires.
L’an dernier, l’industrie technologique a représenté 20 % du PIB israélien – avec 340 millions de shekels – contre 6,2 % en 1995 et 53 % des exportations.
Les données présentées par le rapport du RISE révèlent que sur 100 nouvelles startups israéliennes, 14 à 16 emploient à terme plus de 25 travailleurs bien rémunérés et 3 à 5 d’entre elles, plus de 100.
Ces deux dernières années, à la fois en raison du ralentissement économique mondial et d’événements spécifiques en Israël – à commencer par l’instabilité politique causée par le projet de refonte judiciaire et le déclenchement de la guerre en 2023 – nombre de startups et entreprises de la Tech ont eu du mal à lever des capitaux. Selon l’analyse qu’en fait le rapport, cette difficulté a un effet sur l’envie de créer des startups, de peur de ne pas réussir à lever les fonds nécessaires à leur survie.
« S’il est très difficile de lever des fonds, les entrepreneurs potentiels sont plus réticents à créer des entreprises, sachant qu’ils auront besoin de lever des fonds », explique M. Biran. « Mais là encore, ces dix dernières années, il y a eu de bonnes et de mauvaises années pour les levées de capitaux, mais le déclin est somme toute continu. »
Selon le rapport, sur 100 startups, 6 à 7 lèveront 25 millions de dollars ou plus et 3 à 5, 50 millions de dollars ou plus ; par ailleurs, une entreprise entrera en bourse et une autre fera l’objet d’un rachat pour plus de 100 millions de dollars.
Biran explique cette baisse continue des créations de startups, ces dernières années, par la disparition des opportunités en matière de développement d’applications mobiles, de commerce électronique et d’autres sous-secteurs du logiciel.
« Ces domaines ne nécessitaient pas d’innovations technologiques ni d’investissements importants, du moins dans un premier temps, de sorte que les barrières à l’entrée étaient faibles », poursuit M. Biran. « Au fil du temps, ces secteurs se sont consolidés et il reste peu d’opportunités. »
« Nous n’avons pas vu apparaître de nouveaux secteurs porteurs de fortes opportunités pour compenser », ajoute-t-il.
Il ajoute que la révolution de l’IA donne lieu à de nombreuses discussions sur les opportunités qu’elle pourrait ouvrir, sans toutefois se traduire par un regain de créations de startups en Israël.
« Si, par le passé, il existait un attrait particulier pour les startups, qui étaient les seuls endroits où l’on pouvait travailler sur de nouvelles technologies vraiment cool, ce n’est plus le cas aujourd’hui, parce que de nombreuses multinationales, en Israël, travaillent elles aussi sur des technologies de pointe », ajoute Biran.
« Pour un jeune qui envisage de créer ou travailler pour une start-up, ou de chercher un emploi dans une grande entreprise israélienne ou une multinationale, les conditions d’emploi sont désormais excellentes, et c’est beaucoup plus sûr, il y a moins de risques. »