En Israël, les descendants des soldats de l’ANZAC relatent des histoires oubliées
Lors d'un voyage marquant le centenaire de l'une des dernières plus grandes batailles de l'Histoire, des descendants des soldats du Commonwealth cherchent à mettre en avant les discriminations au sein de l'armée
Il y a cent ans, le bruit des sabots et les cris de la guerre résonnaient dans tout le nord d’Israël alors que des soldats venus d’Australie et de Nouvelle-Zélande, sur le dos de leurs montures, combattaient les Allemands lors de ce qui fut l’une des dernières grandes batailles cavalières de l’Histoire.
Les descendants des soldats australiens qui ont lutté en Palestine pendant la Première Guerre mondiale sont revenus lundi sur les lieux où s’étaient battus leurs aïeux dans le cadre du 100e anniversaire de la bataille de Beer Sheva, et le bruit des jambes des chevaux a une fois encore résonné sur les pavés en pierre au cours d’une procession emprunte de gravité.
La bataille de Tzemach, largement négligée, a toutefois été un combat significatif survenu dans les dernières semaines de la Première Guerre mondiale. Elle est considérée comme l’une des dernières batailles de cavalerie dans l’Histoire, peu d’unités de soldats à cheval existant encore au moment de la Deuxième guerre mondiale. Tzemach est bien moins connu que l’autre bataille de l’ANZAC qui a eu lieu à Beer Sheva. Beer Sheva a été largement documenté dans les carnets de guerre et a fait l’objet d’un film en 1941 appelé 40 000 cavaliers.
Ce sont les organisations JNF/Keren Keyemet L’Yisrael (KKL) et JNF Australie qui ont pris la tête d’environ 100 personnes – notamment des descendants, des chercheurs et des politiciens – à travers 10 jours de commémoration des campagnes de l’ANZAC en Israël. L’ANZAC désigne les corps armés australiens et néo-zélandais qui ont soutenu les Britanniques durant leurs batailles contre l’empire Ottoman et les forces allemandes durant la Première guerre mondiale.
Douze participants au voyage font partie de la Rona Tranby Trust, une organisation qui se consacre à la transmission orale de l’histoire en Australie. Ses membres se consacrent à préserver l’histoire des soldats aborigènes de l’ANZAC dont un grand nombre n’a pas bénéficié des mêmes droits ou de la même reconnaissance que les Australiens européens.
Doris Paton, du Queensland, s’est rappelée des récits de famille au sujet des escapades en Palestine de son grand-père durant quatre ans, de 1915 à 1919. « En tant qu’aborigène, il était excellent avec les chevaux », dit-elle en évoquant son grand-père David Mullet, qui se trouvait aux côtés de la première unité Redmont.
« Il était venu parce qu’il pensait, comme les autres Australiens, il pensait qu’on lui donnerait de la terre à son retour. Cela n’est pas arrivé ». Paton explique que la famille de son grand-père avait été contrainte de vivre dans une « mission » semblable aux réserves indiennes aux Etats-Unis.
« On a autorisé les aborigènes à quitter les missions, et mon grand-père a donc décidé qu’un moyen de partir et de faire quelque chose d’excitant, qui lui permettrait également d’échapper à l’oppression qu’il subissait, était de s’enrôler dans l’armée », explique Paton. « Lorsqu’il était à l’étranger, tous les militaires étaient traités à la même enseigne et à égalité [avec les Australiens européens]. Mais lorsque les soldats sont revenus, ils n’ont pas bénéficié des mêmes droits que les Européens ».
Paton, qui est en train d’écrire un livre au sujet de son grand-père, a indiqué désirer venir en Israël pour y faire des recherches et sensibiliser au sacrifice consenti par les soldats aborigènes, en évoquant notamment la discrimination qu’ils ont continué à affronter à leur retour.
« Cette histoire de la contribution des soldats aborigènes lors de la Première guerre mondiale n’est pas très connue et c’est donc une opportunité de la partager avec l’Australie », ajoute-t-elle.
Peta Flynn a un grand-oncle qui a combattu à Beer Sheva. Elle note que l’Australie s’est focalisée sur des batailles plus importantes au sein de l’empire ottoman au cours des cérémonies de commémoration, notamment celles de Galicie et des Dardanelles. « Mais avec l’anniversaire de ce centenaire, il y a bien plus d’informations qui émergent sur les autres batailles qui ont eu lieu », a-t-elle dit.
Et avec elles, une plus grande appréciation du travail des soldats aborigènes ou indigènes.
« Beaucoup de soldats indigènes disaient qu’ils étaient européens pour pouvoir s’enrôler, alors le nombre réel d’indigènes présents sur les lieux de ces affrontements s’est perdu dans l’histoire », a ajouté Flynn, dont le grand-oncle Charles Fitzroy Stanford faisait partie du régiment de la 12e cavalerie.
Posted by In the Steps of the Light Horse – Tour 2017 on Monday, October 23, 2017
Les historiens estiment que 1 000 aborigènes sur approximativement 4 500 soldats australiens ont combattu en Palestine pendant la Première guerre mondiale, même si c’est difficile à confirmer.
Au début de la guerre, les aborigènes n’avaient pas le droit de s’enrôler et un grand nombre d’entre eux ont donc menti sur leurs origines. Les unités de cavalerie ont été particulièrement populaires auprès des soldats aborigènes, qui avaient l’habitude de manipuler des chevaux et de les monter.
Parmi les événements marquant le 100e anniversaire, un parcours de 100 kilomètres à vélo sur l’itinéraire suivi par les corps australiens et néo-zélandais. Ce circuit qui permettra une collecte de fonds empruntera les chemins suivis par les militaires lors de la conquête de la ville de Beer Sheva alors aux mains de l’empire ottoman ; qui avait permis d’ouvrir la route de Jérusalem aux brigades britanniques du général Allenby.
La principale reconstitution aura lieu le 31 octobre à Beer Sheva en présence du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de son homologue australien Malcom Turnball. L’ancien Premier ministre néo-zélandais, Bill English, était également attendu avant la récente nomination à son poste de Jacinda Arden, qui a eu lieu vendredi.
La reconstitution de Tzemach a commémoré une bataille décisive, même si elle reste moins connue.
La gare de Tzemach a été construite à l’origine en 1905 dans le cadre de la branche méditerranéenne de la ligne ferroviaire qui, dans le Hetjaz, reliait Damas à la Mecque. Son édification avait pour objectif d’amener les pèlerins palestiniens à la Mecque. C’était également le bâtiment le plus solide aux alentours et il a donc été naturel que les soldats allemands et ottomans choisissent de l’occuper.
A l’aube de la journée du 25 septembre 1918, des membres du 11ème régiment de la 4ème cavalerie légère ont chargé la garde depuis l’est et depuis l’ouest. Ils ont galopé vers les mitrailleuses allemandes, l’épée à la main, esquivant les grenades et les tirs d’artillerie et se sont engagés dans un combat féroce au corps à corps.
L’historien australien H.S. Gullett a écrit au sujet de la bataille de Tzemach :
« La garnison, qui surpassait en nombre des Australiens sur une échelle de deux soldats contre un, constituée majoritairement d’Allemands, avait, en plus de sa position extraordinaire et de ses mitrailleuses, un stock important de grenades à main. Ils ont combattu avec une audace et une obstination exceptionnelles, leur courage stimulé par l’abondance du rhum ».
Quatorze soldats australiens et 98 allemands devaient mourir pendant la bataille. Presque un quart des 700 soldats engagés dans le combat avaient été blessés.
Des combats féroces durant la guerre de l’Indépendance en 1948 ont fini d’endommager le bâtiment et la gare de Tzemach a été abandonnée pendant des décennies avant de ré-ouvrir comme centre d’études et d’archives rattaché à l’établissement d’enseignement supérieur de Kinneret en 2012.
JNF/KKL maintient un « circuit de l’ANZAC » qui marque les batailles importantes qui ont eu lieu durant la Première guerre mondiale. La délégation suivra ce circuit au cours des 10 prochains jours. Point d’orgue de ce centenaire : La reconstitution de la bataille de Beer Sheva, le 31 octobre.
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