Enterré vivant par un obus russe, un policier ukrainien lutte pour marcher en Israël
Gravement blessé et laissé pour mort, Roman Bashenko a puisé dans ses économies et bénéficié de l'aide financière de ses amis pour être soigné dans un hôpital israélien
Lorsque les secouristes ukrainiens ont découvert le trou causé par la déflagration et les décombres à l’endroit où Roman Bashenko avait été vu pour la dernière fois, ils ont abandonné tout espoir de le retrouver vivant.
« Ils pensaient que j’avais été… réduit en miettes », a déclaré Roman Bashenko au Times of Israel, choisissant ses mots avec soin et en regardant sa femme assise sur une terrasse de l’hôpital Ichilov à Tel Aviv.
Policier de Dnipro en temps normal, il avait déjà servi dans le Donbass en 2014. Bashenko a été mobilisé pour combattre à la suite de l’invasion russe au début de l’année.
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Aux premières heures de ce 27 juillet, un missile guidé russe a éventré le bâtiment de la ville de Bakhmut, dans la région du Donbass, où il était stationné. La ville a été la cible d’attaques russes incessantes ces six derniers mois. La plupart de ses 70 000 habitants ont fui les tirs presque constants, les frappes de missiles, les raids aériens et la guerre de tranchées. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a récemment décrit la situation à Bakhmout comme étant « la plus chaude, la plus pénible ». « Tous ceux qui sont là-bas méritent la plus grande gratitude ! », a ajouté Zelensky.
Bashenko était arrivé là sept jours auparavant pour défendre la ville.
« J’étais au premier étage, et l’explosion du missile m’a projeté 6 mètres plus bas au sous-sol », se souvient Bashenko, ajoutant que la dernière chose dont il se souvient c’est d’être dans la pièce et que tout est devenu noir.
C’est sa femme Katya Bashenko, à 250 kilomètres de là, chez elle à Dnipro, qui lui a sauvé la vie.
« Ma femme a l’habitude de me téléphoner le matin – et elle n’arrêtait pas d’appeler et d’appeler », a déclaré Roman, expliquant que son téléphone avait atterri quelque part près de lui.
« J’ai repris conscience mais je ne pouvais pas bouger. Tout était sombre autour de moi et j’étais recouvert de décombres. Puis, j’ai entendu mon téléphone vibrer et j’ai commencé à le chercher avec mes doigts. »
« Je ne sais pas par quel miracle j’ai réussi à le joindre, les lignes de communication sont tellement mauvaises », a confié Katya, qui, lors de la visite du Times of Israel, dormait depuis deux semaines déjà sur un fin matelas à même le sol de l’hôpital Ichilov.
« Je lui ai demandé ce qu’il voyait autour de lui et j’ai immédiatement appelé les secouristes. »
Au moment de l’appel, le nom de Bashenko figurait déjà sur la liste, établie par les premiers intervenants, des personnes tuées dans l’attaque.
Il aura fallu 13 heures à compter du moment de l’explosion pour localiser Bashenko et le dégager. Il s’en est sorti avec une grave blessure à la colonne vertébrale et est actuellement paralysé des hanches aux pieds.
Sept autres membres de son équipe de 21 personnes ont été blessés et cinq sont morts dans l’explosion.
« Le plus jeune avait 22 ans. Le plus âgé avait 46 ans – il aurait dû prendre sa retraite, mais il était si dévoué, il voulait participer à la défense de notre pays », a déclaré Roman Bashenko.
L’unique espoir
Les médecins ukrainiens ont expliqué que son seul espoir de pouvoir marcher à nouveau était de se faire soigner à l’étranger.
Depuis, le voyage entre la ville de Bakhmut, située sur la ligne de front, et Israël a déjà coûté au couple 100 000 dollars, entièrement couverts par son salaire de policier et celui de sa femme, qui est coiffeuse, leurs économies, ainsi que la générosité d’amis, de la famille et de sympathisants. Les gens venaient nous voir et nous apportaient de l’argent : « Voilà, c’est tout ce que nous pouvons offrir, nous voulons vous aider », raconte Katya.
« Aucun gouvernement ne nous a aidés », note Bashenko, ajoutant que de nombreux Ukrainiens qui viennent en Israël pour des soins médicaux les paient eux-mêmes.
« Ici, à Ichilov, nous payons 30 000 dollars par mois. Et c’est avec une réduction », ajoute-t-il en riant, précisant que le prix initial qu’on lui avait proposé était d’environ 50 000 dollars. « Honnêtement, je ne m’attendais pas à de tels coûts ! Dépenser 1 500 dollars par jour est un montant irréel pour nous », dit-il, ajoutant que le salaire moyen en Ukraine est d’environ 300 à 400 dollars par mois.
Malgré ces dépenses, Israël était leur meilleure option pour se faire soigner, a expliqué le couple.
Après avoir effectué des recherches, ils ont identifié Israël, la Suisse et les États-Unis comme les meilleurs endroits au monde pour la neurochirurgie dont il avait besoin. « Une clinique en Suisse proposait un traitement pour la somme de 110 000 euros par mois, et la procédure d’obtention d’un visa pour entrer aux États-Unis aurait été trop longue », explique-t-il.
« Le traitement actif et la rééducation après une telle blessure ne sont possibles que jusqu’à six mois après l’événement – après cela, la stagnation s’installe. Nous devions donc agir rapidement. »
Traitement en Israël
Bashenko est l’un des nombreux Ukrainiens qui sont venus en Israël pour y recevoir un traitement médical dans le cadre d’arrangements privés.
Selon le ministère israélien des Affaires étrangères, le gouvernement a jusqu’à présent fait venir neuf enfants ukrainiens pour un traitement contre le cancer (pour information : le partenaire de cet auteur travaille sur ce programme), ainsi que six Ukrainiens blessés qui ont été soignés et ont reçu des prothèses. D’autres sont en route. Israël a été le premier et le seul pays à mettre en place un hôpital de campagne temporaire dans l’ouest de l’Ukraine, où 6 200 personnes ont pu y être soignés jusqu’à sa fermeture à la fin du mois d’avril 2022.
« Nous sommes contents de l’aide humanitaire fournie par Israël, mais nos dirigeants préféreraient une coopération militaro-technique dans le domaine des moyens de défense qui permettraient de sauver des vies », a déclaré l’ambassadeur d’Ukraine en Israël, Yevgen Korniychuk, lors d’un entretien téléphonique avec le Times of Israel.
Bien qu’il n’ait pas entendu parler du cas de Bashenko, l’ambassadeur dit avoir rendu visite à d’autres combattants ukrainiens, dont certains avaient reçu des prothèses payées par Israël. L’ambassadeur a ajouté que les blessés de guerre ont besoin non seulement d’un traitement physique, mais aussi d’une aide psychologique cruciale pour les aider à surmonter le traumatisme de la guerre et le syndrome de stress post-traumatique (TSPT) qui en découle.
À l’heure actuelle, les médecins disent qu’il est peu probable qu’ils puissent aider Bashenko à remarcher – un pronostic plus sombre que celui des spécialistes ukrainiens.
« Nous consultons d’autres spécialistes pour avoir d’autres avis sur la possibilité de me faire remarcher », explique-t-il. Ce qui présente également de nouveaux défis : « Chaque consultation chez un spécialiste coûte environ 2 000 shekels », explique Bashenko.
Quant à l’avenir, « que je puisse marcher à nouveau ou non » dépend de ce qui se passera ici en Israël, dit Bashenko. « Nous ne baissons pas encore les bras », ajoute-t-il.
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