Famille, projets… un réserviste israélien met sa vie de côté pour servir son pays
Selon l'armée, environ 295 000 réservistes ont servi sous les drapeaux, 61 jours en moyenne, depuis l'attaque du 7 octobre

Haïm Halevi, réserviste israélien, a servi 210 jours sous les drapeaux depuis le début de la guerre à Gaza et il s’apprête à repartir au front, « fier de défendre » son pays après avoir reçu son troisième rappel en 19 mois.
« C’est un privilège, personne ne me force », dit ce sous-officier d’une unité combattante en recevant l’AFP avec sa femme, Michal Halevi, dans leur appartement de Ramat Gan, près de Tel Aviv.
Âgé de 35 ans, Halevi, père de deux enfants, a reçu l’ordre de rejoindre son unité à la mi-juillet.
Juste quand « nous sommes censés déménager et ouvrir un bar à vins », dit-il en évoquant un projet de reconversion professionnelle qui lui tient à cœur.
« Donc dire que cela tombe au bon moment ? Non, ce n’est pas vraiment le cas, mais […] si tout le monde dit ça n’est pas le bon moment pour moi, qui va faire les réserves ? »
Assise à côté de lui dans le canapé, Halevi, 29 ans, se montre moins enthousiaste : chaque départ au front de son mari est une épreuve.
« Je serai seule avec deux enfants petits, tout retombe sur moi, j’ai besoin de lui », dit-elle, se souvenant aussi de « la peur » pendant que son mari était dans Gaza, et le plus dur, « être seule le soir ».
L’armée israélienne a annoncé au début du mois le rappel de plusieurs dizaines de milliers de réservistes, en vue d’une offensive élargie dans la bande de Gaza, lancée le 17 mai.
« Pas le choix »
Le but affiché par le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu est d’anéantir le Hamas et de récupérer les otages encore détenus depuis leur enlèvement le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël au premier jour de la guerre déclenchée par l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien.
La réserve se fait sur une base volontaire en Israël. Selon un rapport présenté par l’armée au Parlement, 75 % des soldats ont répondu positivement au dernier rappel, malgré les difficultés professionnelles, mentales ou familiales que rencontrent beaucoup d’entre eux.
Selon l’armée, environ 295 000 réservistes ont servi sous les drapeaux, 61 jours en moyenne, depuis l’attaque du 7 octobre.
Lui-même est parti le 7 octobre au matin avant même de recevoir un ordre de ses supérieurs : il a combattu les terroristes du Hamas sur le sol israélien puis après un entrainement intensif, a passé presque cinq mois dans la bande de Gaza.
Il a dû quitter son travail et dit regretter de ne pas avoir vu son fils aîné grandir. C’est comme ça, « on n’a pas le choix ».
Si bon gré mal gré, la majorité des réservistes ont fait comme Halevi, un pourcentage de plus en plus important d’entre eux ont refusé cet appel, pour certains le 8e depuis le début de la guerre.
L’armée ne communique pas de détails sur ces refus mais des lettres de réservistes circulent sur les réseaux sociaux appelant soit à arrêter la guerre soit à cesser de rappeler toujours les mêmes personnes.
Un réserviste opposé à la guerre, a été condamné à 20 jours de prison militaire pour objection de conscience et a commencé à purger sa peine dimanche.
« Chaque jour qui passe, de plus en plus de soldats nous rejoignent. C’est la bonne chose à faire, un acte patriotique en tant qu’Israéliens qui croient en l’avenir de ce pays », a affirmé à la presse Stav, un autre réserviste qui a annoncé son intention de refuser ce rappel sous les drapeaux.
« Tout donner »
Une étude récente de Polly Labs, association ayant travaillé avec des ONG sur ce sujet et interrogé 2 300 conjoints de réservistes, témoigne des difficultés qu’ils rencontrent.
Selon l’enquête, 45 % des réservistes et 68 % de leurs conjoints ont signalé avoir été en détresse émotionnelle depuis le début de la guerre. Et 47 % des réservistes évoquent des difficultés financières au quotidien.
Le gouvernement a décidé récemment une enveloppe budgétaire de trois milliards de shekels pour les réservistes.
« Ceux qui donnent tout à l’État, nous devons tout leur donner », a affirmé Netanyahu, mais les aides financières sont loin de tout résoudre.
Il y a six mois, la naissance de sa fille a marqué la fin du précédent passage de Halevi sous les drapeaux.
Depuis lors, il a créé une plateforme internet, Milnik, qui se propose de mettre en contact des donateurs et des réservistes dans le besoin. Il envisage d’en faire une association.
Et il y a aussi son projet de bar à vin à Jérusalem, « quand je reviendrai du front ».
« Je suis fière de lui et je le soutiens », dit Michal Halevi, « mais c’est difficile, très difficile ».