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38 ans après l’attentat rue des Rosiers, la mémoire vive des victimes

"On ne fait pas de pacte avec le diable", assènent les victimes qui espèrent un procès avec l'extradition d'un suspect vers la France

Des pompiers et des infirmières s'occupant d'un blessé derrière le comptoir du restaurant juif Jo Goldenberg, situé dans la rue des Rosiers à Paris, après l'attaque terroriste perpétrée par des hommes armés dans le restaurant, le 9 août 1982. L'attaque a fait six morts et de nombreux blessés. (Crédit : Aulnay/AP)
Des pompiers et des infirmières s'occupant d'un blessé derrière le comptoir du restaurant juif Jo Goldenberg, situé dans la rue des Rosiers à Paris, après l'attaque terroriste perpétrée par des hommes armés dans le restaurant, le 9 août 1982. L'attaque a fait six morts et de nombreux blessés. (Crédit : Aulnay/AP)

Elizabeth a cru mourir. Manuel a perdu son père. Plus de 38 ans après, ils se souviennent avec une précision implacable de ce 9 août 1982, le jour de l’attentat de la rue des Rosiers qui ensanglanta le quartier juif de Paris.

Et plus de 38 ans après, avec l’extradition vendredi par la Norvège d’un des quatre suspects identifiés, Walid Abdulrahman Abou Zayed, ils espèrent enfin des réponses et un procès dans ce qui reste l’un des plus vieux dossiers du terrorisme en France.

Le restaurant de Jo Goldenberg, théâtre de l’attentat où six personnes trouvèrent la mort, mitraillées par un commando de trois à cinq hommes, a fermé ses portes il y a une quinzaine d’années. C’est aujourd’hui un magasin de vêtements aux couleurs fluo. Seule subsiste l’enseigne « Goldenberg » sur une des façades, ainsi qu’une plaque commémorative où sont inscrits les noms des victimes de l’attentat antisémite.

Jo Goldenberg est mort en 2014, les vieux commerçants du quartier sont partis, remplacés par des enseignes textiles branchées, la mémoire du « Pletzl » (petite place en yiddish) se dissout. Mais pour Elizabeth, serveuse à l’époque chez Goldenberg, 76 ans aujourd’hui, les souvenirs sont tranchants comme des lames.

« Il y a eu une détonation dans la salle, la caissière a crié ‘cachez-vous, sauvez-vous !’. Je me suis précipitée dans la salle de la plonge, derrière le bar, où se trouvaient déjà deux personnes ». Elizabeth se cache derrière une poubelle, un des terroristes ouvre la porte et arrose les deux autres. 38 ans après, elle se souvient des sons. L’un des blessés « gémissait comme une bête, c’était affreux à entendre ».

Manuel Hezkia Niégo, lui, avait 23 ans et habitait près de Lille (nord). Son père, André, cousin de Jo Goldenberg, était venu donner un coup de main au restaurant.

« Je m’en souviens comme si c’était hier. Ça fait presque 40 ans que je vis avec », raconte-t-il. Lorsqu’il apprend la nouvelle de l’attentat à la radio, il appelle la préfecture à Paris. Une fois, deux fois, on lui dit de rappeler. La troisième, on lui annonce que son père est décédé. « On est partis à Paris en catastrophe, quand on est arrivés c’était la panique, l’hystérie. Ils étaient en train de nettoyer le sang à la serpillière ».

Il faudra attendre des jours pour voir le corps, derrière une vitre de l’institut médico-légal. « A l’époque, vous n’aviez pas un bataillon de psys comme aujourd’hui. Vous êtes seul et vous vous démerdez ».

L’attentat a été rapidement attribué au Fatah-Conseil révolutionnaire d’Abou Nidal, groupe terroriste palestinien dissident de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), mais l’enquête a piétiné pendant plus de trois décennies.

Jusqu’à ce que le juge d’instruction Marc Trévidic émette en 2015 quatre mandats d’arrêts internationaux, contre Abou Zayed et trois autres hommes en Jordanie et en Cisjordanie, qui ont refusé de les extrader.

« Pendant 33 ans, on n’a rien eu, pas une preuve, pas un nom, rien », déplore Steve Demeter, le petit-fils de George Demeter, un pasteur évangélique de la communauté tsigane, tué dans l’attentat. « Sa femme, ma grand-mère, a attendu des réponses toute sa vie, et elle est morte en avril dernier, elle ne saura jamais la vérité », regrette-t-il. « Aujourd’hui, il va falloir continuer à se battre pour avoir un procès », insiste le jeune homme.

« Mon Dieu, oui, un procès, c’est tout ce que je demande », abonde Manuel Hezkia. « Tout ce que j’espère avant de mourir c’est d’en avoir au moins un en face de moi », poursuit ce visiteur médical, qui, pendant cinq années après l’attentat, a inventé une histoire abracadabrantesque pour cacher à sa grand-mère que son fils André était mort.

Questionnés sur un accord secret présumé entre les renseignements français et le groupe Abou Nidal, selon lequel ce dernier se serait engagé à ne plus connaître d’attentats en France en échange de l’absence de poursuite contre ses membres, les trois sont unanimes : « on ne fait pas de pacte avec le diable », résume Elizabeth.

Mais tous saluent la persévérance de la justice, qui envoie un message clair, selon M. Hezkia : « quoi qu’il arrive, même si c’est difficile, on n’oubliera jamais et on continuera jusqu’au bout ».

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