France : Les époux Ackermann, jeunes rabbins orthodoxes et modernes
Emile et Myriam seront bientôt le premier couple de rabbins de la tendance "orthodoxe moderne" à exercer dans l'Hexagone et le couple a déjà créé "Ayeka", une "start-up synagogue"
Ils seront bientôt le premier couple de rabbins de la tendance « orthodoxe moderne » du judaïsme en France, après leur ordination en juin à New York. Et Myriam, l’épouse d’Emile, sera la première femme rabbin orthodoxe à exercer dans l’Hexagone.
Leur histoire a commencé par un « pari fou », raconte Emile Ackermann à l’AFP. « Myriam me dit : ‘Quand tu as du temps libre, tu ouvres la Torah, tu étudies le Talmud, peut-être que tu devrais être rabbin' ». A elle, qui montre aussi une forte appétence pour les textes de la tradition juive, il répond : « Toi, tu n’as qu’à être rabbin ! »
Le « deal » est lancé. Les voilà inscrits chacun dans une école rabbinique à New-York. De tendance orthodoxe, puisque c’est le courant (majoritaire en France) dans lequel ils se reconnaissent. Elle, choisit la Yeshivat Maharat, « première institution au monde à nommer des femmes rabbins orthodoxes », explique-t-elle.
Une formation qu’ils suivent d’abord sur place, puis, contraints par le Covid, à distance depuis la France. Tout en élevant leur premier enfant, un an et demi aujourd’hui.
Myriam, 26 ans, enfance et adolescence à Perpignan, racines juives côté maternel, a reçu une « éducation chrétienne, pas très poussée » – sa mère s’était « convertie au christianisme ». A 15 ans, trois ans après la mort de son père, elle renoue avec ses attaches juives. Deux ans plus tard, elle demande qu’on l’appelle « Myriam », la « traduction » de « Marie », son prénom initial.
Sur le CV de cette femme aux yeux clairs et teint pâle, coiffée d’un foulard, béret, voire d’une perruque « pour les grandes occasions » : l’Ecole normale supérieure, l’agrégation d’anglais et une thèse, encore en cours, sur le deuil.
« Start-up synagogue »
Son mari, même âge, cheveux châtain-roux, barbe, fines lunettes dorées, porte la kippa à l’extérieur – « pourquoi cacher qui je suis dans l’espace public ? ». Il a grandi à Strasbourg, avec à la fois « les codes de l’ultra-orthodoxie » et le modèle de ses grands-parents, à l’origine de « nombreux projets sociaux » et de « créations d’écoles », et se voyait avocat.
Emile sera ordonné rabbin le 8 juin, Myriam le 13. Pas question pour autant de s’installer aux Etats-Unis. Le couple a déjà créé sa communauté, « Ayeka« , une « start-up synagogue », aiment-ils à l’appeler, à Paris, quartier de la Bastille.
Elle réunissait une trentaine de personnes jeudi dernier pour la fête de Shavouot, compte environ 50 personnes au Shabbat et 3 000 abonnés à une newsletter.
« On est les premiers en France à se réclamer du courant ‘orthodoxe moderne' », souligne Emile Ackermann. Une « grande fidélité » à la halakha, la Loi juive (manger casher, observer trois prières quotidiennes par exemple) et « une ouverture à la modernité, à la connaissance des sciences, de la philosophie, de l’histoire ».
Avec, au premier plan, la volonté « de donner une place aux femmes, les intégrer à tous les aspects de la vie religieuse », y compris par le rabbinat, explique Myriam, qui commente chaque jour en araméen le Talmud sur podcast et a monté un institut de théologie s’adressant aux femmes.
Kol-Elles, l'étude talmudique pour les femmes – CDP#308
Faire émerger des voix féminines et créer des vocations de leadership dans la communauté, c’est l’objectif de Kol-elles, un centre d’études pour femmes à Paris, dont nous parlent Myriam Sommer Ackerman, élève rabbin, et Tali Trèves Fitoussi.Site internet :https://www.kol-elles.com
Posted by Qualita on Monday, February 8, 2021
La « rabbanite »
En principe, en France, chez les Juifs orthodoxes, confier le rabbinat à une femme est considéré comme non conforme à la Loi juive. La tendance libérale (progressiste, minoritaire), elle, l’autorise et compte désormais cinq femmes rabbins.
« Dans notre synagogue », les femmes ne sont pas reléguées « en hauteur ou dans une autre pièce », comme dans une synagogue orthodoxe classique, affirme Myriam Ackermann. Hommes et femmes sont « au même niveau », seulement temporairement séparées par un paravent au milieu de la pièce « le temps des prières ».
A part ce moment-là, on pourra « voir les femmes lire la Torah », « chanter » ou encore « réciter » telle bénédiction qui dans les usages classiques est prononcée par un homme.
Elle-même va devenir la « rabbanite » de leur communauté : un titre choisi en clin d’œil à celle qui historiquement désigne « l’épouse du rabbin », celle « à l’écoute des fidèles », qui « répond aux questions » ou « donne des cours ».
« C’est une gestion à deux » de la communauté : offices, célébration des mariages ou enterrements, organisation des bar et bat mitzvah, accompagnement des fidèles et enseignement.
« Avant tout une vocation », dit-elle. Même s’il faut réunir des fonds auprès de mécènes et fondations, en France ou aux Etats-Unis, pour que vive la « start-up synagogue ».