Gantz sort de son silence et dit qu’il corrigera la loi sur l’Etat-nation
S'attirant les critiques de la gauche et de la droite, l'ex-chef d'Etat-major a dit aux activistes druzes que le texte affaiblissait les liens entre leur communauté et Israël
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël
Après des semaines durant lesquelles il a refusé interviews et déclarations publiques, l’ancien chef d’Etat-major de l’armée israélienne Benny Gantz, président du nouveau parti Hossen LeYisrael, a donné lundi un aperçu de ses convictions politiques, largement inconnues jusqu’à présent, rompant le silence, par la promesse de « corriger » la loi controversée sur l’Etat-nation.
S’exprimant devant des activistes druzes réunis aux abords de son domicile de Rosh Haayin pour dénoncer le caractère discriminatoire envers les non-Juifs, selon eux, de la loi , Gantz a déclaré qu’Israël devait œuvrer à renforcer les liens avec sa communauté druze – qui, à ses yeux, est un segment précieux de la société israélienne.
« Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour corriger cette loi », a-t-il dit aux activistes qui s’étaient rendus chez lui dans le cadre d’une tournée nationale dont l’objectif est de sensibiliser à l’opposition des Druzes à ce texte, en amont d’une audience de la Haute-cour qui lui sera consacré, à la fin du mois.
La loi sur l’Etat-nation consacre Israël comme « foyer national du peuple juif » et affirme que « le droit à exercice de l’auto-détermination au sein de l’Etat d’Israël revient au peuple Juif ». Elle confère également à la langue arabe « un statut particulier », la reléguant dans les faits à la seconde langue officielle de facto du pays même si elle précise mystérieusement que « cette clause ne nuit pas au statut donné à la langue arabe avant la mise en vigueur de cette législation ».
Le gouvernement de Netanyahu affirme que le nouveau texte ne fait qu’ancrer le caractère pré-existant du pays et que la nature démocratique d’Israël et les dispositions en faveur de l’égalité sont déjà présentes dans les lois quasi-constitutionnelles. Mais les critiques, au sein de l’Etat juif comme à l’étranger, disent qu’il sape l’attachement israélien à l’égalité entre tous les citoyens. Il a entraîné la colère particulière de la minorité druze dont les membres – qui sont nombreux à servir au sein de l’armée israélienne – estiment que les dispositions de la loi font d’eux des citoyens de second-rang.
Gantz, qui est perçu comme le seul adversaire potentiel de Netanyahu pour les élections du 9 avril, a déclaré qu’un amendement de la loi « serait l’expression du lien [existant entre la communauté druze et l’Etat d’Israël], un lien profond et incassable non seulement dans la bataille, mais également dans la vie ».
Il a promis : « Et nous le ferons ensemble », sous les applaudissements des manifestants.
Gantz a officiellement lancé son parti Hossen LeYisrael à la fin du mois dernier, mais il a depuis largement conservé le silence sur ses positionnements.
Ses propos de lundi ont été immédiatement critiqués par la droite et la gauche du spectre politique.
Le parti du Likud a déclaré que les propos de Gantz montraient qu’il partageait la même idéologie que la responsable du parti Hatnua, Tzipi Livni, et que le président de Yesh Atid, Yair Lapid.
« Quand Gantz attaque la loi nationale et que Tzipi Livni le félicite pour ça, tout le monde voit enfin l’évidence : Gantz est de gauche, tout comme Lapid », a dit la formation dans un communiqué.
Livni, qui a fait publiquement part de son désir de former un bloc centriste avec Gantz, a expliqué se « réjouir » de ses propos, jurant que sa propre formation prônerait un remplacement du texte par un projet de loi qui ancrerait la Déclaration d’indépendance comme seule orientation de l’identité juive d’Israël.
Le ministre du Tourisme Yariv Levin, l’un des députés du Likud à l’origine de la loi, a dit que le texte « enracine l’idée sioniste et la base pour l’Etat d’Israël et toute violation qui lui serait faite nuira à l’implantation et à l’identité juives ».
Le parti HaYamin HaHadash a partagé les points de vue des politiciens de droite, qualifiant Gantz de « gauchiste » et disant que ses propos « révèlent son réel positionnement ».
« La première déclaration politique de Gantz établit clairement qu’il est un membre de la gauche. La loi sur l’Etat-nation a été une réalisation historique qui a restauré le caractère national, juif et sioniste de l’Etat face à son érosion continue de la part de la Cour suprême », a dit la formation.
Mais Tamar Zandberg, présidente du Meretz de gauche, a estimé pour sa part que les propos de Gantz n’allaient pas assez loin et qu’ils étaient finalement une aubaine pour la droite.
« La loi sur l’Etat-nation n’a pas besoin d’être corrigée », a-t-elle dit dans une déclaration, affirmant qu’elle devait être pleinement abrogée et disant que « la discussion en tant que telle sur la formulation de la loi est la réelle victoire de la droite ».
Le parti Hossen LeYisrael a dénoncé des réactions « hystériques » et dit des critiques des politiciens de droite : « Ils ont tiré sur nos frères druzes dans le dos – nous guérirons cette blessure ».
La seule autre indication récente de l’orientation politique du parti de Gantz est donnée dans le formulaire d’inscription soumis par Hossen LeYisrael et qui affirme que la formation cherchera « le développement continu et le renforcement d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique selon la vision sioniste qui est exprimée dans la Déclaration d’Indépendance, tout en établissant et en modifiant les priorités nationales dans les domaines de l’éducation, du développement des infrastructures nationales, de l’agriculture, de l’Etat de droit et de la sécurité intérieure, de la paix et de la sécurité ».