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Garder sa kippa ou la retirer ?

Retour sur les vives réactions suscitées en France suite à la déclaration de Zvi Ammar sur le port de la kippa à Marseille

Illustration: Un homme avec une kippa regarde les gens prendre part à une manifestation organisée par le CRIF devant la synagogue de Lyon, le 31 Juillet 2014. (Crédit : Romain Lafabregue/AFP)
Illustration: Un homme avec une kippa regarde les gens prendre part à une manifestation organisée par le CRIF devant la synagogue de Lyon, le 31 Juillet 2014. (Crédit : Romain Lafabregue/AFP)

Face à la recrudescence des attaques antisémites dans la ville de Marseille et au lendemain de l’attaque d’un enseignant juif à la machette, le président du consistoire marseillais, Zvi Ammar, a vivement incité mardi les juifs de la ville à ne plus porter la kippa dans la rue, par mesure de précaution.

Cette déclaration a fait l’objet de nombreuses réactions dans l’Hexagone, obligeant Zvi Ammar à se justifier.

« Ce n’est pas pour céder ni au terrorisme ni à ces barbares, mais uniquement pour préserver les vies humaines. Malheureusement, devant une situation exceptionnelle, il fallait prendre une décision exceptionnelle, » a-t-il déclaré sur iTélé mercredi matin, rapporte Le Monde.

Le grand rabbin de France Haïm Korsia est immédiatement intervenu après cette déclaration controversée en se désolidarisant des propos tenus par le responsable du consistoire de Marseille.

« Cesser de porter la kippa, même temporairement, c’est intérioriser l’idée que la kippa serait une provocation, et on ne peut l’accepter. Je comprends évidemment l’émotion, la crainte, mais on ne prend aucune bonne décision, surtout lorsqu’elle est symboliquement aussi lourde de sens, dans la précipitation, » a-t-il déclaré sur sa page Facebook.

Cesser de porter la kippa, même temporairement, c'est intérioriser l'idée que la Kippa serait une provocation, et on ne…

Posted by Haim Korsia – Grand Rabbin de France on Tuesday, January 12, 2016

Puis, le président du Conseil représentatif des organisations juives de France (Crif), Roger Cukierman, a récusé toute « attitude défaitiste, de renoncement ».

Quant à Joël Mergui, le président du Consistoire central israélite de France, il est revenu hier soir à l’antenne d’iTélé sur la position de Zvi Ammar.

Comprenant cette déclaration, Joël Mergui a souligné « qu’il n’est pas question qu’aujourd’hui en France, on soit dans une position de renoncement de notre identité. Ce serait un signal gravissime pour notre pays. Aujourd’hui en France ce n’est pas la kippa qu’on doit enlever, c’est le terrorisme. »

Joel Mergui souligne la dangerosité de cette position dans la mesure où on ne peut pas imputer la faute à un juif de se faire agresser sous prétexte qu’il porte une kippa. Une telle position viserait à créer un lien de causalité entre le port de la kippa et l’agression.

« On est dans un moment où on ne doit pas donner raison aux terroristes » a-t-il ajouté. « Est ce que c’est les juifs de France qui doivent renoncer au noyau de leur identité, ou est ce que c’est la France qui doit éliminer le jihadisme » s’interroge le président du consistoire.

Dans cet entretien, Joël Mergui a lancé un mouvement « Touche pas à ma kippa » expliquant que porter une kippa pourrait être considéré comme « un acte de résistance. »

« Si on cède sur une liberté, on devra céder sur toute les autres, » ce qui n’est pas acceptable pour le représentant de la communauté juive.

Ce mouvement « Touche pas à ma kippa » lancé sur le plateau d’iTélé a largement fait écho sur les réseaux sociaux.

Ainsi Bernard-Henri Lévy, apparaissant en photo avec une kippa, a déclaré sur Facebook et Instagram que « la République a le devoir de protéger les porteurs de kippa. Lesquels ont le droit de vivre leur judaïsme comme ils l’entendent. »

"La République a le devoir de protéger les porteurs de kippa. Lesquels ont le droit de vivre leur judaïsme comme ils l'…

Posted by Bernard-Henri Lévy on Tuesday, January 12, 2016

Le réalisateur Alexandre Arcady était, quant à lui, sur l’antenne d’Europe 1 ce matin avec une kippa sur la tête. « Je pense que ce n’est pas seulement la communauté juive qui doit mettre la kippa aujourd’hui, c’est vraiment l’ensemble de la société française par solidarité (…) pour déclarer que nous sommes solidaires pour lutter contre la barbarie. »

Un mouvement populaire a également vu le jour avec le hashtag #tousavecunekippa sur Twitter.

L’UEJF a de son coté déclaré sur sa page Facebook que « malgré les attaques et l’antisémitisme toujours plus présents, nous refusons de céder à la peur, nous refusons de nous cacher et de renoncer à une partie de notre identité. »

Le débat s’est également élargi mercredi à la classe politique, dans laquelle nombre de responsables ont appelé à ne pas céder à la peur.

Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a affiché « la détermination de l’Etat à protéger tous ses enfants » et « la liberté de culte ». Il a garanti qu’un « haut niveau de protection sera maintenu » autour des lieux de vie de la communauté juive (synagogues, écoles, centres communautaires), placés sous sécurité renforcée depuis les attentats jihadistes de janvier 2015 à Paris.

« Que le président du Consistoire de Marseille cherche à protéger les siens, ça part forcément d’une bonne intention, mais ce n’est pas ce qu’il faut envoyer comme message évidemment, et sûrement pas en ce moment », a estimé la ministre de l’Education, Najat Vallaud Belkacem.

« Si on baisse les bras, si on baisse la tête, si les juifs à Marseille renoncent à porter leur kippa, la France ne sera plus vraiment la France », a renchéri un responsable de l’opposition de droite, Xavier Bertrand.

Le gouvernement socialiste a souligné mercredi sa «responsabilité (…) d’être là pour protéger » les citoyens « et dénoncer les actes antisémites», selon son porte-parole Stéphane Le Foll.

La veille, la ministre de la Justice Christiane Taubira avait martelé que, « comme tout citoyen français, les juifs de France doivent se sentir en sécurité » et doivent « bien entendu » pouvoir porter la kippa dans la rue.

« Nous sommes dans une République laïque. Chacun a le droit d’exprimer sa conviction, » a déclaré, pour sa part, Brice Hortefeux.

Les député Meyer Habib et Claude Goasgen sont quant à eux arrivés à l’Assemblée Nationale tous les deux avec une kippa sur la tête.

Dans la classe politique israélienne, Naftali Bennett, le leader du parti HaBayiy HaYehudi a déclaré sur sa page Facebook que « dans l’état d’Israël, aucun Juif n’aura à enlever sa kippa. Jamais ». Cette déclaration sonne comme un appel envers la communauté juive française.

https://www.facebook.com/bennettnaftalienglish/posts/735240413273926

Pour Bruno Attal, un juif vivant en banlieue parisienne, cette question est « un faux problème »: « Pourquoi devrions nous retirer notre kippa? Dans ces cas-là on ne sort plus. Les Parisiens ont-ils cessé d’aller dans des cafés après les attentats du 13 novembre? », dit à l’AFP cet homme de 44 ans.

A Marseille, fidèles et responsables de la communauté juive ne semblaient pas prêts à enlever leur kippa. « Je pense que chaque juif, s’il a la fierté d’être juif, il doit porter la kippa. Quoi qu’il se passe. Ce n’est pas le terrorisme qui doit faire peur », commente Yosi, la quarantaine, à l’entrée de cette synagogue du centre-ville.

« Nous ne devons céder à rien, nous continuerons à porter la kippa », assure Chalom Cohen, un rabbin.

La communauté juive française n’en a pas perdu son humour et a tenu à remercier le pape François de continuer à porter sa kippa.

De son côté le dessinateur trouve également refuge dans les dessins et dans l’humour.

Géronimo Cohen

Posted by Joann Sfar on Tuesday, January 12, 2016

L’AFP a contribué à cet article. 

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