L’armée ouvre 7 enquêtes criminelles sur la guerre à Gaza et ferme celle sur le bombardement d’une école
Le bureau du procureur militaire général étudiera les pillages de soldats, a clôturé 11 autres fautes présumées du conflit de 2014, et a déterminé qu’il n’y avait pas eu d’actes répréhensibles dans les bombardements mortels
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Deux ans après la guerre de 2014 dans la bande de Gaza, l’armée israélienne a ouvert sept enquêtes criminelles sur des incidents qui ont eu lieu pendant les combats, a annoncé mercredi le bureau du procureur militaire général.
D’autre part, le plus haut responsable judiciaire de l’armée a déterminé que plusieurs bombardements mortels de la bande de Gaza, dont une frappe très condamnée près d’une école de Rafah qui avait tué plusieurs personnes, ont été menés en suivant les procédures adéquates.
« Le procureur militaire général a conclu que les processus de choix des cibles en question était en accord avec le droit israélien et avec les exigences du droit international », a-t-il écrit.
Cinq enquêtes criminelles ont été fermées et six autres cas ont été résolus, sans procédure pénale, a annoncé l’armée dans un rapport de 21 pages publié mercredi.
Suite à l’opération Bordure protectrice, le nom donné à l’offensive en Israël, l’unité du procureur militaire général a reçu environ 500 plaintes, qui ont entraîné des enquêtes sur 360 incidents concernant des crimes présumés commis par des soldats israéliens pendant le conflit de 50 jours.
Sur ces 360 « incidents exceptionnels », 24 ont jusqu’à présent entraîné des procédures pénales. Les autres ont été clôturés, ou l’enquête est toujours en cours pour déterminer si une procédure pénale est requise, a déclaré le procureur militaire général.
Depuis le conflit de 2014, ces procédures pénales ont entraîné l’inculpation de trois soldats israéliens pour « pillage, aide au pillage et encouragement au pillage », a déclaré l’armée.
Mercredi, le bureau du procureur militaire général, dirigé par le général de brigade Sharon Afek, a publié plusieurs précisions sur les sept incidents qui demandent une enquête criminelle complète.
Le premier s’est déroulé le 17 juillet 2014. Un habitant de Khirbet Khuzaa, dans le sud de la bande de Gaza, aurait été agressé et volé par des soldats israéliens.
Selon l’accusation, les soldats ont arrêté l’homme et l’ont battu. De plus, « il a été affirmé que les soldats ont pris de l’argent en liquide dans sa poche, qui ne lui a pas été rendu après sa libération », a déclaré le bureau du procureur militaire général.
Les six autres cas concernent des comportements de certains soldats israéliens pendant l’opération. Selon une plainte déposée par une organisation non gouvernementale, les soldats auraient :
– tirer sur des bâtiments et des voitures civils, en violation des instructions opérationnelles de l’armée israélienne ;
– blesser des civils, en violation des instructions opérationnelles de l’armée israélienne ;
– entraîner intentionnellement des dommages à des propriétés, en violation des instructions opérationnelles de l’armée israélienne ;
– et piller.
« Par conséquent, le bureau du procureur militaire général a ordonné l’ouverture d’enquêtes criminelles sur ces incidents », selon le rapport de l’armée israélienne.
Le “scandaleux” cas du bombardement de l’école classé
Depuis la dernière mise à jour du bureau du procureur militaire général en juin 2015, six affaires d’« incidents exceptionnels » ont été clôturées, selon le rapport de mercredi.
Quatre de ces cas traitaient de la mort de civils : une frappe du 20 juillet sur un bâtiment qui a tué sept personnes ; une attaque du 21 juillet qui a entraîné la mort de 12 membres d’une même famille ; une frappe du 1er août qui a tué une quinzaine de personnes ; et une frappe du 3 août près d’une école de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, qui a entraîné la mort de quatre à douze civils.
Dans chacun de ces quatre cas, le bureau du procureur militaire général a déterminé que, même si les morts des civils étaient « tragiques et regrettables », les décisions d’attaquer ont été prises en considérant le risque potentiel, et adhéraient au concept de proportionnalité requis par la loi israélienne et par le droit international.
Le bombardement de Rafah du 3 août avait été condamné par Ban Ki-moon, qui était secrétaire général de l’ONU, et les Etats-Unis avaient déclaré qu’il était « scandaleux ».
Le président français François Hollande avait déclaré que le bombardement était « inacceptable », et réclamé que ses auteurs « rendent des comptes ».
L’armée israélienne, elle, fait valoir que trois terroristes palestiniens circulant à moto avaient été repérés peu avant le bombardement. La frappe avait alors été décidée, mais les trois hommes ont poursuivi leur route, se rapprochant de l’école.
« Il n’était à ce moment plus possible de dévier la trajectoire du projectile tiré vers la moto », explique le rapport qui affirme que le procureur militaire « a estimé que le processus de localisation de l’objectif s’est déroulé conformément à la loi israélienne et aux standards internationaux ». « La décision de frapper a été prise par les autorités compétentes et l’objectif était légitime puisqu’il s’agissait d’une cible militaire. »
Concernant les accusations de perturbation par l’armée du fonctionnement d’un hôpital à Khan Younis, le bureau du procureur militaire général a noté que l’hôpital lui-même n’avait jamais été endommagé dans le conflit, et que même si l’armée israélienne avait tenté d’éviter de mener des attaques à proximité, dans certains cas elles avaient été inévitables en raison de la nature des combats.
Le bureau du procureur militaire général a également classé un dossier sur une unité de tanks qui avaient tiré sur des réservoirs de fuel d’une centrale électrique de Nusseirat, dans le centre de la bande de Gaza. Même si l’unité avait touché l’un des réservoirs de la centrale, l’armée a déterminé qu’il s’agissait d’un accident et que l’unité ne savait pas que ce qu’elle frappait été connecté à la centrale électrique, puisque le réservoir était situé à bonne distance de la centrale elle-même.
De plus, le bureau du procureur militaire général a totalement rejeté une plainte selon laquelle l’armée n’avait pas fourni de traitement médical à une habitante de Khirbet Khuzaa fin juillet 2014.
Selon l’enquête, l’unité militaire concernée a fourni les premiers soins à la femme blessée et l’a encouragée à contacter le Croissant Rouge palestinien pour des soins supplémentaires, qu’elle aurait dû pouvoir recevoir, étant donné les multiples cessez-le-feu dans la région les jours suivants.
L’opération Bordure protectrice, en 50 jours, a tué plus de 2 100 Palestiniens, dont la plupart sont des civils, d’après des sources palestiniennes de la bande de Gaza, dirigée par le Hamas. L’armée israélienne affirme qu’environ la moitié des personnes tuées étaient des combattants. Soixante-treize Israéliens ont été tués pendant les combats, dont 66 soldats.
Israël avait lancé l’opération à Gaza il y a deux ans pour faire cesser les tirs de roquettes incessants des terroristes du Hamas sur des villes israéliennes. Le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza par un violent coup d’état contre l’Autorité palestinienne en 2007.
Le commandant blanchi pour un bombardement “hommage”
En plus d’ouvrir sept enquêtes criminelles, l’armée israélienne en a également fermé plusieurs ces derniers mois.
L’un des cas les plus connus mentionnés dans le document concerne Neria Yeshurun, commandant d’un bataillon de tank, qui avait ordonné à ses troupes de tirer sur une clinique de Gaza « en mémoire » d’un officier qui avait été tué par un sniper la veille.
Yeshurun a affirmé que sa décision de bombarder la clinique de Gaza Ville n’avait pas été prise pour l’officier tué, Dimitri Levitas.
« Selon le commandant, ses paroles sur le canal de communication avaient pour but de remonter le moral de ses subordonnés pour la suite des hostilités, après la mort d’un officier du bataillon la veille, et ne reflétaient pas le motif opérationnel pour avoir ordonné le feu », est-il écrit dans le rapport.
‘Un tel message pourrait brouiller les frontières entre ce qui est permis et ce qui est autorisé, et induire en erreur des soldats et des commandants exposés à un tel message, particulièrement pendant les combats’
Malgré cette affirmation, le bureau du procureur militaire général a conclu que la remarque de Yeshurun « pourrait brouiller les frontières entre ce qui est permis et ce qui est autorisé, et induire en erreur des soldats et des commandants exposés à un tel message, particulièrement pendant les combats. »
Le bureau du procureur militaire général a encouragé l’Etat major de l’armée israélienne a réprimandé officiellement Yeshurun, mais pas à l’inculper. En juin, le vice-chef d’Etat-major Yair Golan avait blâmé Yeshurun pour cette remarque.
Deux des autres affaires criminelles closes traitaient d’agressions et les deux autres d’accusations préoccupantes de pillage.
Dans les deux cas d’agressions et dans un des cas de pillages, le bureau du procureur militaire général a indiqué que les preuves n’étaient pas suffisantes. Dans le second cas de pillage, qui a eu lieu fin juillet à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, l’armée a estimé que l’argent liquide en question n’avait pas été pris dans la maison du plaignant par les troupes israéliennes, mais en fait caché « dans un endroit discret de la structure, pour empêcher son vol », a déclaré le bureau du procureur militaire général.
De plus, la somme d’argent en question, 2 500 shekels, était très inférieure au montant indiqué par le plaignant, 85 000 shekels.
L’AFP a contribué à cet article.