Ghattas, député arabe israélien dans la tourmente
Basel Ghattas devra répondre de violations présumées à la sécurité ; il est accusé d'avoir remis des téléphones portables à deux Palestiniens détenus en Israël

Basel Ghattas, député de la Liste arabe unie, aurait remis des téléphones à des détenus lors d’une visite effectuée la semaine dernière à la prison de Ketziot, dans le sud du pays. Selon la Deuxième chaîne, il avait rencontré deux membres du Fatah. Il est également soupçonné d’avoir transmis des « informations de renseignement » à l’un des deux prisonniers.
La police l’attendait devant l’établissement pénitentiaire dimanche, selon la deuxième chaîne. Il a dans un premier temps refusé de répondre aux policiers en invoquant son immunité parlementaire, mais le conseiller juridique du gouvernement a autorisé les enquêteurs à poursuivre leurs investigations, a précisé la police.
La Deuxième chaîne a expliqué que Walid Daka — condamné à 37 ans de prison pour l’enlèvement et le meurtre en 1984 du soldat de Tsahal Moshe Tamam — a été fouillé après une visite réalisée par le député de la Liste arabe unie. Des informations « significatives » ont été trouvées dissimulées dans ses sous-vêtements.
Moshe Tamam, un soldat israélien, avait été enlevé par un groupe d’Arabes israéliens alors qu’il sortait d’un bus, à quelques minutes de son habitation située aux abord de Netanya en août 1984. Son corps avait été retrouvé quatre jours plus tard : il avait été tué par arme à feu et son visage avait été sauvagement mutilé.
Les réactions au sein du gouvernement ont été nombreuses. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a aussitôt réagi en affirmant que « si les soupçons pesant sur le député étaient fondés, il s’agirait d’un délit très grave contre la sécurité de l’Etat qui doit être puni sévèrement », selon un communiqué de son bureau. « Ceux qui se rendent coupables de ce genre de délit n’ont pas leur place à la Knesset », a-t-il ajouté.

Pour sa part, le ministre de l’Environnement, Zeev Elkin, a lancé dès lundi une pétition qui circulera parmi les députés pour demander l’éviction du parlementaire incriminé de la Knesset.
« Mettons un terme aux abus de l’immunité parlementaire lorsqu’elle sert à aider les terroristes », s’est exclamé Elkin sur Tweeter. « Je demande à mes homologues de la Knesset qu’ils se joignent à mon initiative réclamant l’expulsion de Basel Ghattas selon les termes de la loi de destitution. »
« Les faits sont clairs », a écrit Elkin dans sa pétition, a rapporté un média israélien. « Mais malgré cela, le député Basel Ghattas n’a exprimé aucun remord. Considérant que les poursuites judiciaires prendront un long moment, il n’y a aucune raison à ce qu’il puisse continuer à servir à la Knesset durant tout ce temps et à recevoir un salaire payé par le public, utilisant son immunité et sa position pour soutenir le terrorisme. »
La loi sur la destitution été adoptée en juillet dernier. Elle avait été initiée par Elkin à la demande de Netanyahu.
La ministre de la Culture et des Sports Miri Regev a accusé Ghattas de « connivence avec les terroristes », appelant le procureur général à « suivre l’enquête jusqu’à son terme ». Elle a par ailleurs dénoncé Balad qui, selon elle, est la formation « de la cinquième colonne », et a qualifié ses membres de « chevaux de Troie ».

Très virulent, le ministre de la Défense Avigdor Liberman a affirmé sur sa page Facebook qu’il s’agissait « d’une preuve supplémentaire que la Liste arabe unie est en fait une liste unifiée d’espions et de traîtres ». « Nous continuerons à agir pour qu’ils [les députés de cette liste] ne puissent plus entrer à la Knesset et être des citoyens d’Israël », a-t-il menacé.
Enfin, le ministre de la Sécurité intérieure Gilad Erdan a fait savoir qu’il réfléchissait à mettre un terme aux visites effectuées par les parlementaires auprès des détenus dans des affaires de sécurité, à la suite de l’incident en raison du « danger qu’ils posent à la sécurité de l’Etat ».
« Plus jamais ! » s’est exclamé Erdan dans un communiqué. « Les soupçons nourris envers Basel Ghattas sont parmi les plus graves que nous n’ayons jamais eu à affronter, et s’il n’était pas député, il aurait été arrêté dès ce soir. »
Le président de Yesh Atid, Yair Lapid, a déclaré que si Ghattas était coupable, il est alors un « traître misérable » qui mérite la prison.
Lapid a indiqué qu’il voulait voir la levée de son immunité et non pas sa destitution, qui prendrait trop de temps. « S’il est coupable, il est un misérable traître qui devrait croupir en prison, et non pas voyager dans le monde en disant qu’il est persécuté au niveau politique. »
Tzipi Livni, élue de l’Union sioniste, formation de l’opposition, a expliqué qu’elle avait une « totale confiance dans l’accomplissement de l’enquête [sur Ghattas] par les forces de sécurité et par la police », ajoutant que « toute tentative visant à dépeindre des brèches faites à la sécurité comme représentant la communauté arabe entière est inacceptable », a déclaré son porte-parole.
Actuellement, il semble qu’il n’y ait aucune connexion directe entre l’enquête portant sur Ghattas et des accusations précédemment lancées contre le parti arabe.
Les responsables de Balad – acronyme d’Assemblée nationale démocratique, qui fait partie de la coalition de formations arabes au parlement réunies sous le nom de Liste arabe unie- avaient fait l’objet d’une enquête concernant des irrégularités financières au mois de septembre. Le parti critique particulièrement les politiques israéliennes, et l’une de ses députés, Hanin Zoabi, a fréquemment suscité la colère des responsables israéliens.
Azmi Bishara, le fondateur du parti, avait fui Israël en 2007 après avoir été accusé d’avoir conseillé la milice chiite terroriste du Hezbollah, et dirigé des tirs de roquette contre Israël pendant la deuxième guerre du Liban, en 2006.
La Liste arabe unie détient 13 des 120 sièges de la Knesset, et est le troisième bloc le plus important au sein de l’organe législatif.
A l’époque, la formation avait dénoncé l’enquête, qui était selon elle une tentative visant à réduire au silence la minorité arabe israélienne, qui représente 17,5% de la population du pays – qui s’élève à huit millions d’habitants – et qui soutient très largement la cause palestinienne.
Said Nafa, parlementaire du parti, avait été condamné à une année de prison après avoir été reconnu coupable d’être entré clandestinement en Syrie.
Les trois parlementaires du groupe Balad avaient scandalisé les Israéliens juifs au début de l’année, lorsqu’ils avaient rencontré des proches de Palestiniens qui, selon les autorités, avaient été tués alors qu’ils commettaient des attentats.
Ghattas sera interrogé par l’unité Lahav 433, selon le parti Balad.
Le procureur général Avichai Mandelblit a autorisé la police à interroger Ghattas placé sous contrôle judiciaire pour des violations présumées de la sécurité. La police israélienne a par ailleurs également évoqué la possibilité d’un trafic de cartes SIM auprès des prisonniers par le législateur à au moins une occasion.
« Au moins l’une des deux fois [où il est venu à la prison], il avait un livre avec des pages manquantes, et en effet, il y avait des cartes SIM, des téléphones cellulaires et ainsi de suite », a confié une source proche des forces de police, ajoutant qu’il pourrait également y avoir eu un trafic de documents et que les preuves réunies contre Ghattas étaient substantielles.
Ainsi, les soupçons ne sont pas liés de manière spécifique à la visite de dimanche, a rapporté Haaretz, citant le bureau de Ghattas.
Un ancien commissaire des services chargés des prisons israéliennes, Haim Glick, a expliqué à la Deuxième chaîne que si les législateurs peuvent bénéficier d’une immunité et que des fouilles globales ne sont pas réalisées sur leur personne, les prisonniers sont, pour leur part, fouillés après les visites et que c’est ainsi que, très probablement, les téléphones cellulaires ont été trouvés.
« Je ne comprends pas comment il a pensé qu’il ne se ferait pas attraper. Quand un détenu revient d’une visite, il est fouillé et c’est ainsi, je crois, que les gardiens de prison ont découvert les téléphones », a-t-il dit.
Glick a expliqué que si les allégations devaient être avérées, Ghattas pourrait être condamné à une peine de prison, « à moins qu’il ne se décide à fuir comme l’avait fait son cousin Azmi Bishara, ancien parlementaire ».
En réponse à ces accusations, Ghattas a expliqué que l’enquête entrait dans le cadre d’ « un autre chapitre de la chasse aux sorcières politique lancée contre les leaders de la communauté arabe et contre l’activité politique. »

« Les visites effectuées auprès des prisonniers par les membres de la Knesset sont conduites en coordination avec le Service des Prisons et avec l’approbation du ministère de la Sécurité intérieure. Je n’ai rien à cacher, je continuerai à représenter l’opinion publique arabe au travers d’une activité politique légitime », a-t-il déclaré dans un communiqué.
« Il est clair que la police continue à mener sa poursuite politique de Balad et d’autres membres éminents du parti, a déclaré Ghattas dimanche. Ce comportement indique une politique de représailles qui ne nous a pas effrayés dans le passé et qui ne nous effraiera pas non plus dans l’avenir. »