Giorgia Meloni, une ex-fan de Mussolini au seuil du pouvoir en Italie
La présidente du parti Fratelli d'Italia, incarne un mouvement à l'ADN post-fasciste qu'elle s'efforce de "dédiaboliser" pour accéder enfin au pouvoir
Favorite pour devenir la première femme chef de gouvernement de l’histoire de l’Italie, Giorgia Meloni, présidente du parti Fratelli d’Italia (FDI), incarne un mouvement à l’ADN post-fasciste qu’elle s’efforce de « dédiaboliser » pour accéder enfin au pouvoir.
Cette Romaine de 45 ans caracole en tête dans les enquêtes de popularité et sa formation est créditée d’environ 24 % des intentions de vote aux législatives du 25 septembre, devant le Parti démocrate (PD, centre-gauche).
Aux législatives de 2018, FDI avait dû se contenter d’un peu plus de 4 % des voix, mais Mme Meloni est parvenue depuis à catalyser sur son nom les mécontentements et frustrations des nombreux Italiens se disant excédés par les « diktat » de Bruxelles, la vie chère et l’avenir précaire de leurs enfants.
Sa devise ? « Dieu, patrie, famille ». Ses priorités ? Fermer les frontières pour protéger l’Italie de « l’islamisation », renégocier les traités européens pour que Rome reprenne le contrôle de son destin, lutter contre les « lobbys LGBT » et « l’hiver démographique » du pays, dont la moyenne d’âge est la plus élevée du monde industrialisé juste derrière le Japon.
Le 6 octobre 2016 sur Facebook, elle dénonce « le remplacement ethnique en cours en Italie », à l’unisson des autres formations d’extrême droite européennes. « Meloni représente un point de référence pour la contestation, la protestation, la désaffection », relève Sofia Ventura, professeur de sciences politiques à l’université de Bologne.
Mussolini ? « Un bon politicien »
Meloni et son parti sont les héritiers du Mouvement social italien (MSI), parti néofasciste créé après la Seconde Guerre mondiale.
A 19 ans, elle affirme à la chaîne française France 3 que le dictateur Benito Mussolini était « un bon politicien ».
Si elle doit ménager une frange de sa base qui se réclame de ce passé-là, elle sait aussi que pour gagner, elle doit rassurer l’aile modérée de sa famille politique. « Si j’étais fasciste, je dirais que suis fasciste », s’est-elle défendue dans un récent entretien au magazine britannique The Spectator.
Son récit est « contredit par les faits », estime le quotidien de centre gauche La Repubblica, qui pointe du doigt une partie de l’entourage et de la base du parti restée sensible à ses racines.
Dans un exercice consommé d’équilibriste, elle reconnaît encore aujourd’hui à Mussolini d’avoir « beaucoup accompli », sans l’exonérer de ses « erreurs » : les lois anti-juives, l’entrée en guerre, l’autoritarisme. Et de clarifier : dans ses rangs, « il n’y a pas de place pour les nostalgiques du fascisme, ni pour le racisme et l’antisémitisme ».
« Je suis chrétienne »
Née à Rome le 15 janvier 1977, Giorgia Meloni entre en militance à 15 ans dans les associations étudiantes classées très à droite, tout en travaillant comme babysitter ou serveuse.
En 1996, elle prend la tête d’une association lycéenne, Azione Studentesca, dont l’emblème est la Croix celtique.
En 2006, elle devient députée et vice-présidente de la chambre. Deux ans plus tard, elle est nommée ministre de la Jeunesse dans le gouvernement de Silvio Berlusconi.
Elle fréquente alors assidûment les plateaux de télé. Sa jeunesse, sa témérité, ses formules font d’elle un bon personnage médiatique. Jusqu’ici jalouse de sa vie privée, elle comprend que, au moins autant que les idées, la personnalité d’une jeune et jolie femme blonde dans une Italie encore très machiste séduit.
« Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis chrétienne », lance-t-elle à ses supporteurs en 2019 à Rome lors d’un fervent discours devenu célèbre. Giorgia Meloni, qui vit en concubinage avec un journaliste TV, a une fille née en 2006.
Fin 2012, lasse des dissensions qui rongent la droite, elle fonde Fratelli d’Italia avec d’autres dissidents du berlusconisme, et choisit de camper dans l’opposition.
Lorsque Mario Draghi, ancien gouverneur de la Banque centrale européenne forme en février 2021 un cabinet d’unité nationale pour sortir l’Italie de la crise sanitaire et économique, elle refuse d’y participer.
« L’Italie a besoin d’une opposition libre », affirme-t-elle alors. C’est au nom de cette liberté, synonyme de souveraineté, que cette atlantiste dénonce dès le premier jour l’invasion de l’Ukraine par Moscou.