Grâce à un accord avec Israël, l’AP fait un pas “historique” vers l’indépendance énergétique
En inaugurant le premier poste auxiliaire possédé et contrôlé par les Palestiniens, le ministre israélien de l’Energie et le Premier ministre de l’AP saluent leur coopération
Dov Lieber est le correspondant aux Affaires arabes du Times of Israël
AL-JALAMEH – Des responsables israéliens et palestiniens se sont réunis lundi à Jénine, en Cisjordanie, pour allumer la première infrastructure d’électricité palestinienne et signer un nouvel accord entre les deux parties.
L’accord, jugé « historique » par ses signataires, fixe pour la première fois les paramètres de l’approvisionnement en électricité entre Israël et l’Autorité palestinienne (AP), qui a depuis des années des milliards de shekels de dette, ce qui a entraîné de nombreuses coupures de courant par Israël.
Après la signature de l’accord, le Premier ministre de l’AP, Rami Hamdallah, le ministre israélien des Infrastructures nationales, de l’Energie et des Ressources en eau, Yuval Steinitz, le président de la Corporation électrique israélienne, Yiftah Ron-Tal, et le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (CGAT, le général de division Yoav Mordechai, ont allumé ensemble le poste auxiliaire d’Al-Jalameh.
Al-Jalameh est le village de la région de Jénine le plus proche de la station.
La station permettra à Israël d’envoyer 135 mégawatts de plus dans la région du nord de la Cisjordanie, même si l’accord actuel n’en prévoit que 60 de plus. L’énergie fournira un renfort bienvenu à la région de Jénine, qui souffre de coupures de courant plus que toutes les autres régions de la Cisjordanie palestinienne.
C’est également la première fois que les Palestiniens pourront contrôler la distribution d’électricité dans leurs propres villes.
L’AP devra toujours acheter son électricité à la Corporation électrique israélienne, mais à part cela, une fois que l’électricité sera entre les mains de l’AP, c’est elle qui la contrôlera.
Si l’infrastructure connait des problèmes, ce qui nécessitait autrefois que des équipes israéliennes escortées par l’armée réalisent les réparations, ce qui entraînait inévitablement des retards, des équipes palestiniennes seront responsables de la gestion de ces problèmes.
La station sera construite par la Corporation électrique israélienne, par des ouvriers israéliens et palestiniens, mais est possédée par l’Autorité palestinienne de l’électricité et l’AP. La Corporation israélienne a formé des Palestiniens à travailler, maintenir et réparer le site.
Steinitz a décrit cet accord comme un « projet gagnant-gagnant » pour Israël et les Palestiniens.
« C’est bon pour les Palestiniens car ils auront plus d’électricité, plus stable et de meilleure qualité. C’est bon pour Israël car […] la responsabilité [de l’électricité palestinienne] ne reposera pas sur la Corporation électrique israélienne », a-t-il déclaré.
Steinitz a ajouté que l’accord sera « un modèle » sur la manière dont Israël peut travailler avec l’AP pour faire progresser la fourniture en eau des Palestiniens et leur infrastructure de traitement de l’eau.
Jénine est la première région à recevoir un poste auxiliaire, mais trois autres sont prévus : dans la région de Hébron dans le sud, dans la région de Ramallah dans le centre, et à Naplouse dans la nord de la Cisjordanie. Avec ces quatre stations, l’AP contrôlera l’approvisionnement de courant dans tout le territoire sous sa responsabilité.
Hamdallah, le Premier ministre de l’AP, a décrit le projet comme étant « crucial pour améliorer notre indépendance, pour que nous puissions répondre aux besoins croissants de notre population dans le secteur de l’électricité. »
Il a remercié Israël pour « sa coopération pour faciliter » l’achèvement du projet.
Ces postes auxiliaires ne sont que la première phase d’un projet qui rendra les Palestiniens plus indépendants dans le secteur de l’énergie.
Les Palestiniens – des entreprises privées et publiques – construisent actuellement leur propre centrale électrique à Jénine, qui doit être achevée en 2019 ou 2020. La construction devrait coûter 620 millions de dollars.
Quand elle sera opérationnelle, elle produira entre 400 et 450 mégawatts, soit 50 % des besoins actuels de l’AP en électricité. La centrale utilisera du gaz naturel, que les Palestiniens peuvent acheter à Israël. Il est cependant espéré que les Palestiniens pourront utiliser leurs propres réserves naturelles situées au large de la bande de Gaza, et devenir autonome.
Le document signé lundi ne porte que sur la région de Jénine. Il est destiné à ouvrir la voie à un contrat qui portera sur toute la coopération électrique entre Israël et l’AP.
La station d’Al-Jalameh, construite en trois ans, a été achetée à la Corporation électrique israélienne pour 12 millions d’euros.
Le projet a été en partie financé par l’Italie, la Norvège, l’Union européenne, le fonds d’aide au développement des Etats-Unis (USAID), et la Banque d’investissement européenne.
En septembre 2016, l’AP et Israël avaient signé un accord qui transférait le contrôle des infrastructures électriques de Cisjordanie à l’AP. Dans le cadre de cet accord, l’AP a également commencé à payer son importante facture d’électricité de deux milliards de shekels.
Les trois quarts de cette dette sont toujours dus, et doivent être payés en 48 fois.
Le contrat signé lundi permet à la Corporation israélienne d’augmenter l’approvisionnement en courant de la région de Jénine sans que cela n’alourdisse la dette palestinienne.
Yael Nevo, l’avocate de la Corporation électrique israélienne qui a mené les négociations avec l’Autorité palestinienne d’électricité, a déclaré au Times of Israël que l’accord permet à son client de couper légalement l’électricité après un paiement non honoré. Elle a cependant ajouté que des négociations avaient permis de laisser trois mois de factures impayées avant que l’électricité ne soit coupée.
Nevo a affirmé que cela avait été une « super expérience » de travailler avec les Palestiniens.
« Les négociations se sont faites dans un très bon esprit. Chaque partie a défendu ses intérêts tout en comprenant les préoccupations de l’autre, et a trouvé des solutions contractuelles créatives », a-t-elle dit.
Steinitz a dit que de tels projets « gagnant-gagnant » se poursuivraient, « quelle que soit la situation politique ».
« Bien sûr, [sur le plan politique], nous espérons parvenir à la paix et à la sécurité […] mais en attendant, il est important aussi d’améliorer les infrastructures », a-t-il déclaré.
Hamdallah a de son côté déclaré que les Palestiniens ne voulaient pas « dépendre d’Israël pour toujours ». Même si promouvoir le développement économique est important, « la situation politique reste la plus importante », a-t-il ajouté.
Aux côtés du ministre israélien et du chef du COGAT, le Premier ministre de l’AP a appelé la « communauté internationale à exercer son influence et à intensifier ses interventions afin de sauver la solution à deux états, et mettre fin à l’occupation militaire de notre terre. »
Hamdallah n’a pas abordé la crise de l’électricité en cours dans la bande de Gaza, qui fait que les Gazaouis ne reçoivent que deux à six heures de courant par jour depuis avril. La crise a été déclenchée par une décision de l’AP de réduire le financement de l’électricité israélienne fournie à la bande de Gaza de 35 %, afin de tenter de forcer le Hamas, groupe terroriste rival de l’AP, à céder le contrôle de l’enclave.
L’AFP a contribué à cet article.