Haïfa : Après des mois d’attaques du Hezbollah, les chrétiens préparent Noël
Sans la menace constante de la guerre, les habitants disent qu'ils peuvent profiter de la "Fête des Fêtes" dans cette ville du nord du pays - dont les célébrations avaient été annulées l'année dernière
HAIFA – Dans les rues de Wadi Nisnas, le principal quartier chrétien de Haïfa, il y a des statues de Père Noël, des rennes et des lumières colorées qui scintillent.
Après plus de 14 mois de tirs de roquette du Hezbollah – le groupe terroriste mandataire de l’Iran – en direction de cette ville du nord du pays, les décorations qui ont été posées dans la semaine qui précède Noël réchauffent le cœur. Depuis l’année dernière – c’était après le début des attaques lancées par le groupe terroriste libanais en direction du nord de l’État juif, le 8 octobre 2023 – les habitants avaient peu d’espoir que les réjouissances marquant la fin d’année puissent être festives. L’espoir est réapparu le 27 novembre 2024, lorsque le cessez-le-feu a été signé.
La ville de Haïfa compte environ 290 000 habitants – Juifs, musulmans et chrétiens. Et en cette période de fêtes, quelque 16 500 résidents chrétiens semblent heureux d’avoir enfin quelque chose à célébrer.
Cette fête de cette année « est très particulière, surtout après la guerre », déclare au Times of Israel le père Yousef Yakoub, de l’église maronite Saint Lucas qui se trouve à Haïfa. Homme de foi à la voix douce et déterminée, il souligne que de son point de vue, « Noël signifie que Dieu n’abandonne pas l’Humanité ».
« Nous connaissons tous le désespoir qu’entraînent la guerre et les tueries », s’exclame-t-il. « Et maintenant, quand nous allons parler de lumière, nous saurons ce que sont les ténèbres ».
Les tirs de roquettes du Hezbollah ont endommagé des dizaines d’habitations et des dizaines de personnes ont été blessées. Ils ont aussi entraîné la mort de deux personnes, aux abords de la ville. La salle d’étude en pierre d’une synagogue, qui était vieille de 150 ans, a également été détruite.
D’une certaine manière, les décorations de Noël de cette année symbolisent la résilience de cette localité où les communautés vivent les unes à côté des autres.
Il n’y avait pas eu de festivités au sein de la localité, l’année dernière, en raison de la guerre avec le Hamas, qui avait commencé le 7 octobre 2023 – lorsque des terroristes placés sous l’autorité du Hamas avaient envahi le sud d’Israël et qu’ils y avaient commis un pogrom. 1 200 personnes avaient été massacrées ce jour-là – des civils en majorité – et 251 personnes avaient été kidnappées et prises en otage dans la bande de Gaza. Les hommes armés s’étaient livrés à des atrocités. Selon l’État juif, 96 otages se trouvent encore à Gaza à l’aube de cette période de fêtes – un chiffre qui inclut les corps sans vie d’au moins 34 captifs dont la mort a été confirmée par l’armée israélienne.
Mais la « Fête des Fêtes » a néanmoins fait son grand retour, mercredi dernier. Un arbre de Noël, une ménorah de Hanoukka, une lune et une étoile en forme de faucille – des symboles du christianisme, du judaïsme et de l’islam, les trois principales religions de la ville – ont fait leur apparition remarquée sur la place. Derrière eux trône le centre mondial baháí, une autre religion très présente à Haïfa. Illuminé, il a des reflets dorés.
La fête, qui est organisée par la municipalité de Haïfa, par le centre « Beit Hagefen », qui réunit des Juifs et des Arabes et par le comité des résidents de Wadi Nisnas, a lieu chaque année depuis 1993. Elle est l’occasion d’assister à des spectacles de rue gratuits et à des concerts, ou de simplement déambuler devant des étals aux mille lumières.
Haïfa célèbre sa « Fête des Fêtes » dans « un sentiment d’unité », déclare Arina Dobkin, qui est la porte-parole de la municipalité de Haïfa. « Mais pendant ce temps, nous gardons néanmoins les otages dans nos prières en espérant qu’ils reviendront ».
Les touristes et les amateurs de shopping ont commencé à faire leur retour dans la ville – et les affaires sont bonnes, après des mois de stagnation du commerce dans la localité malmenée par les tirs de roquette.
« La situation est calme maintenant », indique Shirin Sfarene, propriétaire du magasin Bazar de Noël qui se trouve sur le boulevard Ben Gurion. « C’était tellement dur de rester à la maison avec les enfants pendant la guerre ! Les gens peuvent enfin sortir dans les rues et vivre leur vie ».
Ma foi me donne de la force
Il y a cinq églises différentes à Haïfa – grecque orthodoxe, russe orthodoxe, catholique et anglicane. En août 2023, le président Isaac Herzog était venu à l’église Stella Maris pour sensibiliser le public à la problématique de la sécurité de la communauté chrétienne qui vit en Israël.
Des Juifs haredim, arrivés de l’extérieur de la ville, avaient tenté de prier dans cette église emblématique, ce qui avait suscité l’inquiétude. Les habitants avaient dénoncé des « provocateurs » qui avaient essayé d’intimider les chrétiens – les pèlerins juifs affirmant, de leur côté, qu’ils voulaient se recueillir devant ce qu’ils pensaient être le lieu de sépulture du prophète Élie.
Les pèlerins ont cessé de venir et l’incident a ainsi semblé n’être, in fine, qu’une occurrence rare. Pourtant, il a mis en exergue les tensions historiques qui ont parfois couvé dans une ville où des combats meurtriers entre Juifs et Arabes, en 1948, avaient entraîné une fuite massive des résidents arabes.
Depuis, la ville est devenue un rare modèle de coexistence harmonieuse.
En cette journée de mardi – nous sommes une semaine avant Noël – les habitants de Haïfa échangent avec la journaliste que je suis, évoquant plus la fierté qu’ils ressentent face à leur ville mélangée que les problèmes. Dans presque tous les magasins appartenant à des chrétiens au cœur du quartier chrétien, Wadi Nisnas, il y a des icônes et des dessins qui sont exposés tout au long de l’année, pas seulement pendant les fêtes.
Employé au sein du restaurant Hummus Al Sham de Wadi Nisnas, Louis Speta s’arrête un instant pour me montrer une prière et un petit crucifix posés à côté d’une bouteille de ketchup, derrière la cuisinière.
Speta explique que son grand-père, originaire d’Italie, était catholique.
« Ma foi me donne de la force », dit-il.
Plus loin dans le Wadi Nisnas – « nisnas » signifie « mangouste » en arabe – se trouve un stand de falafels qui avait été ouvert en 1950 par George et Najala Afara. Selon la légende locale, les clients hébréophones avaient l’habitude de dire qu’ils allaient manger des falafels au « Falafel Zkenim » ou « Falafel du vieux couple » – un nom qui est finalement resté.
« La situation est bonne en ce moment », commente Christian Abu Shkara alors qu’il s’affaire à faire frire des boulettes de falafel dans la boutique prise d’assaut par les clients. Ces derniers font désormais la queue devant le magasin, alors qu’auparavant ils évitaient la ville à cause de la guerre.
« Nous espérons qu’elle le restera », ajoute-t-il.
D’autres résidents confient toutefois redouter l’avenir.
« La joie n’est pas là à 100 % », dit un habitant qui demande à taire son identité. « Avec les problèmes de sécurité et la situation économique, disons qu’elle est environ de 80 % ».
S’entendre
George Ogeries, un Grec orthodoxe qui est né et a passé son enfance à Haïfa, s’interroge sur son lien religieux avec Israël.
« Le messie est né à Bethléem, il a grandi à Nazareth et il est mort à Jérusalem « , dit-il.
« Les Juifs et les chrétiens sont de la même religion… Les Juifs se sont arrêtés là où ils se sont arrêtés mais nous avons continué », ajoute-t-il, soulignant qu’il tente de s’entendre avec ses voisins issus de toutes les confessions en raison de ses croyances.
« Jésus a dit que si quelqu’un nous frappe, nous devons tendre l’autre joue », explique-t-il, paraphrasant un passage de l’Évangile de Matthieu.
L’église du père Yousef est maronite – un courant moyen-oriental du catholicisme – et les offices sont célébrés en araméen et en arabe. Le père Yousef a grandi à Jish, un village chrétien maronite de Galilée après que sa famille a été évacuée de Kafr Birim, à proximité de la frontière libanaise, pendant la guerre d’indépendance.
Les habitants avaient obtenu la promesse qu’ils pourraient revenir – et les familles des déplacés ont exercé des pressions, pendant des décennies, dans le but d’être enfin autorisées à reconstituer le village.
« Le voyage a été long », dit Yousef, pour atteindre « une nouvelle dimension d’amour et de pardon ».
« J’ai des amis juifs et j’ai des amis musulmans », explique-t-il. « Quand vous avez des amis de différentes confessions, vous comprenez leur anxiété et leur douleur ».
Mais le message que transmet cette période de Noël, affirme-t-il, est que « Dieu espère toujours que nous pourrons être meilleurs ».
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