Il aura fallu 4 scrutins pour normaliser Ben Gvir. Au 5e, il est carrément une star
Le candidat suscite l'enthousiasme dans des villes qui ont longtemps été des bastions de la droite, ce qui témoigne de la montée de l'extrémisme au sein du bloc de Netanyahu
KIRYAT ARBA, Cisjordanie — Lorsque Itamar Ben Gvir est entré dans son bureau de vote le matin des dernières élections, il y a 19 mois, il n’y avait presque personne pour l’accueillir.
Le candidat de HaTzionout HaDatit avait patiemment fait la queue dans une école de l’implantation de Kiryat Arba, dans le sud de la Cisjordanie, où la femme âgée qui se trouvait devant lui ne semblait pas le reconnaître. Il avait ensuite déposé son bulletin de vote, enregistré une brève déclaration vidéo pour tous les journalistes qui ne faisaient pas partie de son entourage et était remonté dans son modeste véhicule pour se rendre aux étapes suivantes de sa campagne.
À l’époque, il était un candidat marginal qui n’avait réussi à se faufiler à la Knesset, après trois tentatives infructueuses, que grâce à une fusion avec un autre législateur d’extrême droite, Bezalel Smotrich, orchestrée par le président du Likud, Benjamin Netanyahu pour éviter de gaspiller des voix.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Mais lorsque Ben Gvir s’est présenté au même bureau de vote mardi, il l’a fait dans un convoi de SUV. Il portait une cravate et un costume beaucoup plus chic que celui qu’il portait l’année dernière et était entouré de gardes du corps qui le tenaient à l’écart de la dizaine de journalistes et de photographes qui avaient attendu son arrivée.
La présence de cette équipe était justifiée. Les sondages prévoient que le parti de Ben Gvir, dont il est le numéro 2, fera des gains significatifs à la Knesset – de ses sept sièges actuels à un total de 12 à 15 sièges.
Ben Gvir se décrit comme un disciple du rabbin extrémiste et ancien député Meir Kahane, dont le parti Kach a été interdit et classé groupe terroriste en Israël et aux États-Unis. Comme feu Kahane, Ben Gvir a été condamné pour de multiples accusations de terrorisme, bien qu’il insiste également sur le fait qu’il est devenu plus modéré ces dernières années et qu’il ne partage pas les croyances du fondateur de Kach.
Ben Gvir a passé la matinée à se rendre dans certaines des villes du sud qu’il avait visitées le jour de l’élection précédente – des endroits qui ont longtemps été des bastions d’autres partis de droite. Mais la présence de foules qui l’ont acclamé mardi témoignent du glissement vers l’extrême droite au sein de l’électorat israélien.
C’est ce qui a conduit Netanyahu et les dirigeants des deux partis ultra-orthodoxes à implorer la loyauté de leurs bases électorales à l’approche des élections, en insistant sur le fait que Ben Gvir recevrait un poste ministériel quel que soit le nombre de sièges remportés par son parti. En revanche, l’année dernière, Netanyahu a même encouragé les électeurs hésitants à voter pour HaTzionout HaDatit afin de s’assurer que le parti d’extrême droite franchisse le seuil.
Mais le message de la campagne de Ben Gvir – axé sur l’application d’une politique de fer contre les Palestiniens et les Arabes israéliens dits « déloyaux », sur l’application de la peine de mort pour les terroristes et sur l’amélioration du sentiment de sécurité des Israéliens en général – a trouvé un écho dans un pays où de nombreux citoyens estiment que les politiques plus nuancées des autres partis n’ont pas été à la hauteur.
A Kiryat Malachi mardi, son second arrêt pour cette journée électorale, Ben Gvir est arrivé à un bureau de vote sous les chants de plusieurs dizaines de garçons ultra-orthodoxes de l’école primaire : « Hé ho, regardez qui arrive, le prochain Premier ministre [d’Israël] ».
Le législateur d’extrême droite les a rapidement corrigés en disant qu’il voulait seulement être ministre de la Sécurité intérieure, comme il l’a annoncé plus tôt cette semaine, en tout cas pour le moment.
Netanyahu a semblé accueillir favorablement la requête de Ben Gvir pour le poste – qui supervise la police – après qu’elle a été formulée la semaine dernière, mais le bloc religieux de droite de l’ancien Premier ministre devra d’abord remporter 61 sièges pour former une coalition. Les sondages, bien qu’ils soient notoirement peu fiables, indiquent depuis des mois que le groupe n’y parviendra pas.
Certains des nouveaux partisans de HaTzionout HaDatit ont voté lors des élections précédentes pour Yamina, le parti religieux un peu plus modéré qui a fini par rompre avec le reste du bloc pour former une coalition hétéroclite avec les partis anti-Netanyahu.
Le parti d’extrême droite de Ben Gvir a également récupéré des voix qui allaient autrefois vers les partis haredi.
Mardi, à Kiryat Malachi, le groupe de garçons ultra-orthodoxes, tous vêtus de chemises blanches et de pantalons noirs, a déclaré avec enthousiasme que leurs parents votaient pour HaTzionout HaDatit.
« Ils en ont fini avec Shas ! », a assuré un adolescent ultra-orthodoxe. « L’heure de gloire de Ben Gvir est arrivée ! »
Leur excitation n’a pas empêché un partisan isolé du Shas de supplier les électeurs à leur entrée dans le bureau de vote, apparemment en vain, car les uns après les autres lui ont dit qu’ils « votaient Ben Gvir ».
Dans la ville de Sderot, qui est depuis longtemps la cible de tirs de roquettes en provenance de la bande de Gaza, l’arrivée du politicien d’extrême droite a été annoncée à l’avance.
« Les gars, Ben Gvir arrive ! », a clamé un forain du marché de Sderot. Apparemment préparé à cette visite, le marchand de légumes excité a sorti un haut-parleur et un microphone de dessous ses nectarines et a commencé à jouer le jingle de campagne du parti d’Itamar Ben Gvir.
Quelques minutes plus tard, le convoi du législateur d’extrême droite est arrivé et a été pris d’assaut par plusieurs dizaines de clients excités qui l’ont embrassé et pris des selfies avec lui.
« Nous sommes ici pour dire à nos ennemis qui est le maître de la maison ! », s’est écrié Ben Gvir en recevant le micro.
Interrogé pour savoir s’il sentait une différence entre cette élection et la précédente où HaTzionout HaDatit avait obtenu sept sièges, Ben Gvir a répondu : « On sent le niveau de soutien cette fois-ci. »
« Je ne sais pas comment ça va se terminer, mais on le sent vraiment », a-t-il ajouté.
« Avec 17 sièges », s’est écrié un vendeur de raisins, avant de s’entendre répondre « Si D.ieu le veut » par Ben Gvir.
De retour au micro alors qu’il défilait sur le marché, Ben Gvir a déclaré que « le moment est venu de ramener la sécurité dans le Néguev ».
Mais tout le monde ne s’est pas montré très enthousiaste.
« Et Sderot alors ? », a murmuré un vendeur, parmi ceux qui n’ont pas quitté leur étal pour acclamer Ben Gvir.
L’homme, qui s’est identifié seulement comme Eli, a déclaré qu’il votait pour le Likud. « Qu’est-ce que cet homme a à voir avec moi ? »
Le Likud a remporté 40 % des voix à Sderot, une ville pauvre située près de la frontière de Gaza, lors des dernières élections, soit près de quatre fois plus que tout autre parti.
Sans se laisser décourager, Ben Gvir a commencé à faire son numéro derrière l’un des étals de fruits, en criant : « Les gars ! Des tomates, des concombres, des pastèques et des ananas. Un gouvernement de droite à part entière ! »
« Prenez une photo de moi avec notre roi », a dit un acheteur, passant son téléphone à un voisin pour qu’il puisse prendre une photo avec le législateur qui vise à devenir le prochain ministre de la Sécurité intérieure.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel