Ben Gvir réclame le portefeuille de la Sécurité intérieure dans un gouvernement
Le leader d'extrême-droite soumet un plan en dix points pour lutter contre le terrorisme, qui prévoit notamment d'armer les soldats réservistes et de créer une "garde nationale"
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le leader du parti d’extrême-droite Otzma Yehudit Itamar Ben Gvir, qui est aussi député, a annoncé dimanche soir qu’il demanderait à être nommé ministre de la Sécurité intérieure – c’est ce ministère qui supervise la police – au cours des négociations de coalition qui auront lieu au lendemain des élections qui sont organisées mardi.
Ben Gvir, qui n’a pas fait son service militaire obligatoire parce que l’armée avait mis en cause ses activités extrémistes, a affirmé que des centaines d’agents de police avaient fait appel à lui, ces dernières semaines, lui demandant de « sauver » les forces de l’ordre. Il a donc fait savoir lors d’une conférence de presse que « j’ai l’intention de demander le poste de ministre de la Sécurité intérieure dans le gouvernement de droite qui, avec l’aide de Dieu, sera bientôt établi ».
Le parti HaTzionout HaDatit, dans le cadre duquel se présente Otzma Yehudit, la formation ultra-nationaliste de Ben Gvir, a grimpé fortement dans les sondages, ces dernières semaines. Et il pourrait devenir, suite au scrutin de mardi, le deuxième parti le plus important du bloc de droite et religieux à la Knesset après le Likud.
En réponse, l’ex-Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré – un appel implicite lancé aux électeurs de droite, leur demandant de ne pas voter pour HaTzionout HaDatit – que « Ben Gvir ne sera ministre que si je suis moi-même chargé de former le gouvernement et pour qu’un tel cas de figure se présente, le Likud doit être plus fort que [Yair] Lapid, » a-t-il affirmé, faisant référence au parti Yesh Atid du Premier ministre.
Pour sa part, l’alliance HaMahane HaMamlahti, dirigée par le ministre de la Défense Benny Gantz, a dit en réponse aux propos du leader d’extrême-droite que Ben Gvir pourrait très certainement obtenir le poste si Netanyahu revenait au pouvoir, et il a averti que le chef d’Otzma Yehudit « mettra le feu au pays de l’intérieur ».
S’exprimant lors d’une conférence de presse organisée à Jérusalem, Ben Gvir a cité une série d’attentats terroristes palestiniens qui ont été commis, ces derniers mois, dans des villes de tout le pays en expliquant que ces attaques étaient à l’origine de sa demande de ce portefeuille en particulier. Il a notamment évoqué la fusillade qui a eu lieu, samedi soir, à Kiryat Arba, au cours de laquelle un Israélien a perdu la vie.

Il a aussi souligné l’attaque à la voiture-bélier qui a eu lieu dimanche, en Cisjordanie. Cinq soldats ont été blessés par un terroriste qui a projeté son véhicule dans leur direction.
« Nos ennemis se sont livrés toute l’année qui vient de se dérouler à une campagne meurtrière à Hadera, à Ariel, à Bnei Brak, à Tel Aviv et partout dans le pays avec le seul objectif de massacrer des Juifs », a déclaré le leader d’extrême-droite, accusant Lapid, Gantz et le ministre de la Sécurité intérieure, Omer Barlev, de « s’être endormis ».
Vingt-cinq ressortissants israéliens et étrangers, dont des civils et des membres des forces de sécurité, ont été tués dans des attentats terroristes palestiniens en 2022 contre 21 en 2021, et ce chiffre comprend les treize personnes qui sont mortes suite à des tirs de roquettes depuis Gaza.
Dans son discours prononcé dimanche, Ben Gvir a présenté un plan en dix points pour venir à bout de cette recrudescence du terrorisme. Il prévoit notamment d’armer les réservistes ; d’assouplir les règles d’engagement – qui régissent la capacité des forces de sécurité à ouvrir le feu – pour permettre à la police et aux soldats de tirer à balle réelle sur les émeutiers qui jettent des pierres ou des cocktails Molotov. Il prône aussi l’adoption d’une législation qui accorderait l’immunité face à d’éventuelles poursuites pénales aux policiers et aux soldats pour toute action entreprise dans le cadre de leurs opérations de service.
Le chef d’extrême-droite s’est également engagé à imposer la peine de mort aux terroristes palestiniens ; à durcir les conditions d’incarcération pour les terroristes Palestiniens ; à faire approuver une loi qui permettrait d’expulser du pays « les soutiens du terrorisme » et les attaquants et à établir des unités spéciales de la police qui seraient chargées des « crimes nationalistes ». Il a aussi juré de mettre en place une « garde nationale » qui serait constituée, dans un premier temps, de dix bataillons de la police des frontières et de multiplier par deux le nombre de policiers « sur le terrain ».

Ben Gvir s’était jusqu’à dimanche abstenu de dire explicitement qu’il voulait obtenir le portefeuille de la Sécurité intérieure, mais sa focalisation continue sur les questions de sécurité, tout au long de sa campagne, aura aidé à souligner que ce poste au cabinet était l’objet de sa convoitise.
Le législateur d’extrême-droite a lui-même sorti à deux reprises sa propre arme de poing à l’occasion d’altercations récentes – une fois face à des gardiens de la sécurité arabes sur un parking de Tel Aviv, au mois de décembre de l’année dernière et, au début du mois, lorsqu’il a affronté des manifestants palestiniens pendant une visite effectuée dans un quartier de Jérusalem-Est.
S’il devenait ministre de la Sécurité intérieure, Ben Gvir contrôlerait les politiques mises en œuvre par la police sur le mont du Temple où ses activistes demandent depuis longtemps – et d’une voix de plus en plus forte – davantage de droits pour les Juifs. Le statu-quo qui entoure le mont du Temple, qui a été formulé en 1967, interdit depuis longtemps la prière juive et l’usage d’objets relatifs à la prière dans le lieu saint, comme les châles de prière ou les tefillin.
L’ancien ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, avait assoupli quelque peu les restrictions imposées sur la prière juive pendant son mandat, de 2015 à 2020, autorisant les visiteurs juifs à prier discrètement du côté oriental de l’esplanade du mont du Temple sans qu’ils ne courent le risque d’être arrêtés par la police.
Ben Gvir, qui défend depuis longtemps l’élargissement du droit à la prière sur le site, a déclaré dans des entretiens récents qu’il mettrait en place « une pleine égalité » entre tous les fidèles, ce qui signifie qu’il autoriserait la prière juive sur le mont du Temple.
Lieu le plus saint du judaïsme, le mont du Temple accueille aussi la mosquée al-Aqsa, l’un des sanctuaires les plus sacrés de l’islam. Les agissements de la police israélienne, sur le lieu saint, ont été suivis par de graves violences de la part des Palestiniens à plusieurs occasions, ces dernières années – avec notamment le conflit qui avait éclaté entre Israël et le Hamas au mois de mai 2021.
De son côté, Yesh Atid a indiqué en réponse à l’annonce faite par le député d’Otzma Yehudit que Netanyahu sera « le prisonnier de Ben Gvir dans le gouvernement qu’il établira, un gouvernement extrémiste et plongé dans les ténèbres », notant que Ben Gvir avait été, dans le passé, condamné pour incitations au racisme et qu’il a récemment fait part de son désir de mettre un terme au procès pour corruption de Netanyahu.
Pour sa part, la formation de gauche du Meretz a répondu à l’annonce faite par Ben Gvir en postant des images de 1995 montrant le député d’extrême-droite vêtu comme Baruch Goldstein, un terroriste juif qui avait commis un massacre au Tombeau des patriarches, en 1994 – une attaque qui avait entraîné la mort de 29 Palestiniens en prière.