Ingérence dans les médias : le ministère de la Justice semble tancer Netanyahu
Sans évoquer l'enregistrement accablant de Netanyahu et de son ex-ministre des Communications, il clame que les règles sur les conflits d'intérêt étaient encore applicables
Le ministère de la Justice a semblé critiquer, mardi, le Premier ministre Benjamin Netanyahu après la diffusion d’enregistrements accablants paraissant révéler son ingérence dans des affaires relatives à la régulation des médias lorsqu’il avait été contraint d’abandonner le portefeuille des Communications.
« Il a été clairement établi que les arrangements définis concernant d’éventuels conflits d’intérêt conclus alors que Netanyahu était encore ministre des Communications étaient toujours en vigueur, même s’agissant de questions dépendantes du ministère des Communications », a fait savoir un communiqué ministériel.
Le communiqué n’a pas explicitement mentionné l’enregistrement dans lequel on entend le chef du gouvernement hurler sur le ministre des Communications de l’époque, Ayoub Kara, pour que ce denier fasse avancer une législation à la Knesset, mais il souligne que Netanyahu tombait encore à ce moment-là sous le coup d’un accord visant à prévenir les conflits d’intérêt et rédigé en 2016 par le procureur général.
En raison d’une enquête pour corruption portant sur des arrangements conclus avec certains médias, Netanyahu avait démissionné de son poste de ministre des Communications début 2017 et avait nommé Kara pour le remplacer.
Cet arrangement mis au point par le procureur général Avichai Mandelblit lui avait interdit de prendre en charge des questions liées à Shaul Elovitch, actionnaire majoritaire de Bezeq, dont les liens avec le Premier ministre se trouvent au centre de trois enquêtes pour corruption dans lesquelles ce dernier est considéré comme suspect.
Le ministère de la Justice a également fait savoir qu’il avait antérieurement remis un avis juridique à Netanyahu, recommandant qu’il s’abstienne de prendre en charge des questions concernant ses amis ou ses partenaires d’affaires à moins de consulter au préalable Mandelblit.
C’est la Treizième chaîne qui a diffusé lundi l’enregistrement d’un Netanyahu incendiaire à l’égard de son ministre des Communications de l’époque, l’insultant et lui demandant de fermer le Conseil de diffusion câble et satellite (l’équivalent israélien du CSA), l’instance publique chargée de superviser les chaînes du câble et du satellite en Israël.
L’enregistrement suggère que Netanyahu était très étroitement impliqué dans la gestion de ces affaires au sein du ministère à la fin de l’année 2017, alors même qu’il avait renoncé à ce portefeuille quelques mois plus tôt en raison d’une enquête pénale en cours sur son éventuelle connivence avec d’importants groupes médiatiques.
Le Conseil est également chargé de superviser le fournisseur de services de télévision par satellite Yes. Le chef du gouvernement est soupçonné d’avoir encouragé l’ancien directeur général du ministère des Communications, Shlomo Filber, à approuver la fusion entre Yes et le géant des télécoms Bezeq.
Cette fusion aura en effet eu lieu, faisant gagner à Shaul Elovitch, propriétaire de Bezeq, des centaines de millions de dollars.
Dans cette affaire, le Premier ministre Benjamin Netanyahu est soupçonné d’avoir conclu un accord de compromis illicites avec Elovitch – également propriétaire du site Walla – qui aurait duré environ quatre ans, jusqu’au début de l’année 2017, en échange de décisions réglementaires et autres favorables à Elovitch.
Dans l’enregistrement, on entend Netanyahu exiger de Kara qu’il « sauve » la Vingtième chaîne, qui a perdu son droit à produire, gérer et diffuser la chaîne parlementaire après une requête judiciaire de certains de ses concurrents à la fin de l’année 2017.
« On ne lui permet pas de diffuser des programmes d’information », dit amèrement Netanyahu en évoquant les restrictions appliquées à la Vingtième chaîne.
Il agresse également Kara, criant avec dureté « As-tu perdu la tête » ? » quand le responsable politique druze décrit sa collaboration avec Ayelet Shaked, alors ministre de la Justice et désormais cheffe du parti Yamina, qui était une proche de Netanyahu avant une querelle entre les deux.
Longtemps fidèle à Netanyahu, Kara a perdu le soutien du Premier ministre avant les primaires du parti en février pour des raisons qui restent indéterminées. Lors de celles-ci, il n’avait pas obtenu suffisamment de suffrages pour figurer à une place lui donnant une chance d’intégrer la prochaine Knesset.
Il aurait traité certains membres de son parti de « nazis » – un terme qu’il dément avoir employé – avant de quitter son poste de ministre en juin et d’accuser le parti de racisme envers la communauté druze.
Kara a réagi lundi au reportage, le qualifiant de « méprisable » et appelant à ce qu’une enquête soit ouverte pour enfin trouver la « taupe » et les « esprits malveillants » à l’origine de la fuite.
Des membres du Likud ont accusé Kara d’avoir organisé la fuite auprès de la Treizième chaîne mais l’ex-ministre a insisté sur le fait que son téléphone, ou que celui du Premier ministre, avaient été piratés.
« Le simple fait que mon téléphone et celui du Premier ministre aient été enregistrés éveille des soupçons quant à un complot visant à causer du tort à ma personne, au Premier ministre, au gouvernement de droite, et je ne laisserai pas cela se produire », a-t-il clamé.
Kara a également porté plainte auprès de la police pour découvrir l’origine de la fuite de la conversation téléphonique.
« Le reportage de la Treizième chaîne a cherché à me nuire ainsi qu’au Premier ministre », a-t-il déclaré aux journalistes aux abords du siège de l’unité de police Lahav 433, à Lod.
« Je ne permettrai pas qu’on blesse ma loyauté, les croyances et les convictions que j’ai suivies pendant les nombreuses années où j’ai servi le peuple d’Israël, le Likud et le Premier ministre », a-t-il dit.
Netanyahu, pour sa part, a nié que la conversation entendue dans l’enregistrement contrevenait aux termes des directives du procureur général, expliquant que sa défense de la Vingtième chaîne visait à repousser les efforts de la gauche israélienne de museler les médias conservateurs.