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"Encore un pas en arrière par rapport à un État laïc"

Irak : un projet de réforme risque de faire reculer les droits des femmes

L'amendement permettrait aux Irakiens de choisir les autorités religieuses pour régler leurs affaires familiales, prenant le risque d'encourager le mariage de filles mineures

Des femmes irakiennes manifestent contre le mariage des mineurs sur la place Tahrir, dans le centre de Bagdad, le 8 août 2024, alors que le Parlement discute d'une proposition d'amendement à la loi irakienne sur le statut personnel. Les défenseurs des droits de l'homme sont alarmés par un projet de loi présenté au Parlement irakien qui, craignent-ils, ferait reculer les droits des femmes et augmenterait le nombre de mariages de mineures dans cette société profondément patriarcale. (Photo par AHMAD AL-RUBAYE / AFP)
Des femmes irakiennes manifestent contre le mariage des mineurs sur la place Tahrir, dans le centre de Bagdad, le 8 août 2024, alors que le Parlement discute d'une proposition d'amendement à la loi irakienne sur le statut personnel. Les défenseurs des droits de l'homme sont alarmés par un projet de loi présenté au Parlement irakien qui, craignent-ils, ferait reculer les droits des femmes et augmenterait le nombre de mariages de mineures dans cette société profondément patriarcale. (Photo par AHMAD AL-RUBAYE / AFP)

Un projet d’amendement au Parlement irakien sur les affaires familiales alarme les défenseurs des droits humains, qui craignent un recul des droits des femmes et un regain des mariages de mineures, dans une société profondément patriarcale.

Ce projet de réforme permettrait aux Irakiens de choisir entre les autorités religieuses et l’État pour régler leurs affaires familiales, en matière d’héritage, divorce et garde des enfants.

Ses opposants, qui ont appelé à une manifestation dans l’après-midi à Bagdad, craignent en particulier qu’il ne permette d’abolir, pour les musulmanes, l’âge minimum du mariage, fixé à 18 ans dans la loi de 1959 sur le statut personnel, ce que ses partisans démentent.

Selon l’Unicef, 28% des Irakiennes sont déjà mariées avant 18 ans.

« Cet amendement laisse une grande marge de manœuvre à la domination masculine sur les questions familiales » dans une société déjà conservatrice, relève Amal Kabashi, de l’Iraq Women’s Network.

La loi de 1959, adoptée peu après la chute de la monarchie irakienne, a transféré des autorités religieuses à l’État et à son système judiciaire la compétence sur les affaires familiales.

Fin juillet, le Parlement avait retiré le projet d’amendement face à l’opposition de nombreux députés, mais il a refait surface lors de la session du 4 août, avec le soutien des puissants blocs chiites conservateurs.

Les dispositions proposées pourraient ne pas aboutir, mais les défenseurs des droits sont inquiets. « Nous les avons déjà combattues et nous continuerons à le faire », insiste Mme Kabashi.

Pour Razaw Salihy, chercheuse sur l’Irak à Amnesty International, le projet devrait être « stoppé net ».

« Quelle que soit la manière dont ils sont présentés », l’adoption de ces amendements « dresserait un cercle de feu autour des femmes et des enfants », déclare-t-elle.

« Choisir ce qui leur convient »

En vertu du projet, les « musulmans majeurs » qui souhaitent se marier pourraient choisir de dépendre des règles de la charia chiite ou sunnite en matière de droit familial. L’amendement ne mentionne pas les fidèles d’autres religions.

Les couples déjà mariés pourraient également décider de se placer sous juridiction religieuse.

Pour l’expert constitutionnel Zaid al-Ali, la loi de 1959 combine « les règles les plus progressistes de chaque culte, ce qui constitue une énorme source d’irritation pour les autorités islamiques ».

Depuis l’invasion américaine de 2003, qui a renversé le dictateur Saddam Hussein, plusieurs tentatives ont été faites pour abroger cette loi et revenir aux règles islamiques traditionnelles.

Même si cette fois, l’amendement ne prévoit pas son abrogation, « c’est encore un pas en arrière par rapport à un État laïc », juge M. Ali.

Cela permettrait « aux hommes de choisir ce qui leur convient le mieux », ajoute-t-il. La modification de la loi leur donnerait « plus de pouvoir sur les femmes et plus de possibilités de conserver leur richesse, de contrôler les enfants, etc ».

Par le passé, les députés favorables à une réforme entendaient surtout complaire à leurs électeurs musulmans conservateurs. Aujourd’hui, selon M. Ali, « ils essaient d’augmenter les chances d’adoption » du nouveau texte.

Menées « malveillantes »

Une telle réforme « montrerait que le pays recule, au lieu d’avancer », et
« saperait le principe d’égalité par rapport à la loi irakienne », avertit Sarah Sanbar, chercheuse à Human Rights Watch.

L’amendement « pourrait également légaliser le mariage de fillettes dès neuf ans, compromettant l’avenir et le bien-être d’un nombre incalculable d’entre elles », ajoute Mme Sanbar, soulignant que « la place des filles est dans la cour de récréation et à l’école, pas dans une robe de mariée ».

Selon HRW, des responsables religieux célèbrent chaque année des milliers de mariages non enregistrés, y compris d’enfants, en violation de la loi en vigueur.

Nombreux sont ceux à affirmer qu’historiquement, l’islam a autorisé le mariage des filles pubères à partir de l’âge de neuf ans, puisque le prophète Mahomet en aurait épousé une, Aisha, à cet âge.

Mais les défenseurs des droits affirment que les mariages d’enfants violent les droits humains, privant les filles d’éducation et d’accès à l’emploi et les exposant à la violence.

Le député Raed al-Maliki, qui a présenté l’amendement et a soutenu cette année avec succès un projet de loi anti-LGBTQ+ au Parlement, dément que les révisions envisagées autorisent le mariage des mineurs.

Lors d’une interview télévisée, il a imputé les objections au projet d’amendement à des menées « malveillantes » visant à « priver une partie importante de la population irakienne du droit de voir son statut personnel déterminé par ses croyances ».

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