Israël a déjà refusé l’entrée à des élus, mais jamais à des Américains
Des élus français, espagnols et ghanéen ont été refoulés par les autorités ces dernières années, sans faire de scandale – peut-être parce que les pays européens font de même
JTA — Quand Israël a annoncé jeudi sa décision d’interdire les représentantes américaines Ilhan Omar et Rashida Tlaib d’entrer sur son territoire, il a semblé, pour beaucoup, qu’il s’agissait d’une décision inédite.
Or, Israël a interdit d’entrée de nombreux élus ces dernières années. La différence réside toutefois dans le fait que cette fois-ci, ce sont des politiciens américains qui ont été déclarés persona non grata.
Et il s’agit d’une différence de taille, au regard de l’étroitesse des liens entre les Etats-Unis et Israël – un lien si crucial pour Israël que la diplomatie vis-à-vis des Etats-Unis suit souvent ses propres règles.
Ces précautions pourraient expliquer l’inhabituelle implication du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Les gouvernements israéliens ont toujours refusé des élus de nations amies, et ce, par une simple déclaration laconique d’un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur. Cette fois-ci, Netanyahu a tenu à expliquer de quoi il en retournait.
Pas plus tard que le mois dernier, Fouad Ahmad Assadi, un député socialiste espagnol, d’origine libanaise, a été refoulé à l’aéroport Ben Gurion. Israël a invoqué des raisons sécuritaires non spécifiées.
En 2017, Israël a interdit d’entrée Clémentine Autain, une députée française d’extrême-gauche. Elle avait expliqué venir en Israël pour rencontrer Marwan Barghouti, un cadre de l’OLP qui purge actuellement cinq peines de prison à vie dans un centre d’incarcération israélien pour avoir ourdi des attentats terroristes au cours de la Seconde intifada au début des années 2000.
Cette même année, Israël a tenu à l’écart deux eurodéputés français, Pascal Durand et Patrick Le Hyaric. Le ministère de l’Intérieur avait invoqué le soutien apporté par les élus français au mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) anti-Israël, à l’instar des élues américaines.
En 2018, un élu ghanéen, Ras Mubarak, qui avait taxé Israël d’Etat « voyou », a déclaré qu’il avait été refoulé à l’entrée. Il avait l’intention de rencontrer des politiciens de l’Autorité palestinienne (AP). L’ambassadeur israélien au Ghana, Ami Mehl, avait nié que Mubarak avait été refoulé, et assuré qu’il aurait été autorisé à entrer s’il avait été plus patient et attendu la fin des vérifications de sécurité.
Ni le Parlement européen ni les gouvernements européens dont les députés ont été interdits d’entrée en Israël ne se sont exprimés sur la question.
C’est probablement parce que les pays européens interdisent eux-mêmes les élus qu’ils jugent problématiques, et notamment ceux issus de pays-membres de l’UE et de pays amis.
En 2009, le Royaume-Uni a interdit au député néerlandais anti-islam Geert Wilders d’entrer sur son territoire. Une décision de justice a fini par renverser cette décision.
En 2017, les Pays-Bas ont interdit à deux membres du cabinet turc d’entrer dans le pays, parce qu’ils estimaient qu’ils étaient venus faire campagne au nom du président Recep Tayyip Erdogan auprès des ressortissants turcs.
Et en 2016, des élus de la Chambres des Communes au Royaume-Uni avaient débattu sur la possibilité d’interdire l’entrée à Donald Trump, alors candidat républicain à l’investiture, en raison de son appel à l’interdiction de l’immigration musulmane aux Etats-Unis.
Trump, qui soutient aujourd’hui l’interdiction d’entrée en Israël d’Omar et Tlaib, avait alors exprimé sa colère. Il avait menacé de suspendre un investissement de 1,1 milliard de dollars en Ecosse si l’interdiction contre lui était appliquée.
Durant le débat, un porte-parole de la campagne de Trump avait déclaré que le Parlement britannique créait un « dangereux précédent » et « envoyait un terrible message au monde ».