Israël implose : Quelqu’un, au Likud, aura-t-il le cran de défier Netanyahu ?
L'agitation nationale suscitée par la refonte judiciaire du Premier ministre est maintenant exacerbée par la montée du terrorisme palestinien et de l'extrémisme des résidents d'implantation. Et pourtant toute la faction du Likud reste silencieuse
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
La surprise, ce n’est pas l’effilochage du leadership réel et moral du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Non, la surprise, c’est la rapidité à laquelle il survient. Cela ne fait que deux mois que la coalition – formée du Likud de Netanyahu et de ses partenaires d’extrême-droite, de droite et ultra-orthodoxes – est au pouvoir.
Alors même que les forces de sécurité cherchent à lutter contre une recrudescence ignoble des attentats terroristes palestiniens meurtriers – 14 Israéliens ont été tués au cours du dernier mois – leur combat pour protéger des vies israéliennes est compliqué, et non pas soutenu, par les membres du gouvernement appartenant au mouvement suprématiste juif, notamment par des ministres ayant hérité de manière sidérante de postes de pouvoir de premier plan et par des députés extrémistes qui encouragent les violences des partisans justiciers du mouvement pro-implantation.
Mais quand on accorde à Bezalel Smotrich, ultra-nationaliste, anti-arabe, homophobe, un rôle déterminant au sein d’un gouvernement – en lui accordant notamment du pouvoir sur les dossiers relatifs aux implantations – il n’est guère surprenant que certains des criminels les plus extrémistes du mouvement pro-implantation puissent croire que leur heure soit enfin arrivée. Et c’est clairement ce qu’ils croient aujourd’hui ; c’est ce qu’ils croyaient en saccageant tout le secteur de Huwara, c’est ce qu’ils croyaient lorsqu’ils ont incendié des habitations palestiniennes quelques heures après la mort de deux Israéliens, deux jeunes frères, dans un attentat terroriste commis en Cisjordanie par un Palestinien, dimanche. Smotrich avait antérieurement « liké » un tweet écrit par un responsable pro-implantation de premier plan qui avait appelé à « anéantir le village de Huwara aujourd’hui ».
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Le général chargé de la zone, Yehuda Fuchs – une personnalité qui est tout sauf insensée – a assumé, hier soir, la responsabilité de l’incapacité de l’armée à prévenir les meurtres de Hallel et de Yagel Yaniv, mais aussi la responsabilité d’avoir sous-estimé « l’ampleur et la force » des représailles des résidents d’implantation. « Nous n’étions pas prêts pour un pogrom de cette ampleur – des dizaines de personnes qui avaient des substances inflammables et les moyens de les exploiter, qui se sont rendues à 20 endroits différents, voire plus… et qui ont mis le feu, au hasard, aux voitures et aux habitations », a-t-il expliqué. « Ici, il ne s’agit pas de gens qui sont venus se faire justice eux-mêmes », a-t-il dit clairement, « parce que les gens qui respectent la loi ne terrorisent pas une population ».
Mais quand on offre sur un plateau d’argent à Itamar Ben Gvir, provocateur anti-arabe notoire qui a été souvent condamné par la justice, plus de pouvoir qu’à n’importe quel autre ministre de la police avant lui, en lui donnant notamment la responsabilité des unités de la police des frontières qui sont déployées en Cisjordanie, le résultat surréaliste mais prévisible en est le spectacle de troupes qui cherchent à évacuer d’un avant-poste illégal des extrémistes du mouvement pro-implantation, le même avant-poste que Ben Gvir, leur ministre, leur supérieur, encourage en même temps à occuper – comme c’est arrivé à Evyatar, dimanche et lundi. Une conséquence supplémentaire en est que les forces de sécurité, débordées, ne sont plus en capacité de mener le combat impératif contre le terrorisme palestinien.
Depuis deux mois que la coalition de droite dure de Netanyahu est au pouvoir, Israël court un danger « d’embrasement », pour reprendre les propos drastiques – et appropriés – du président Isaac Herzog dans le cadre du conflit féroce qui est entraîné par le projet de « réforme » judiciaire, soutenu par Netanyahu. Un projet qui, s’il est légiféré comme le prévoit actuellement la coalition, accordera d’ici quelques semaines à la majorité au pouvoir le contrôle complet de la Haute-cour et rendra potentiellement plus précaires les droits et les libertés civiles les plus basiques – qu’il s’agisse des libertés religieuses, de la liberté d’expression ou du droit de vote – en les laissant sans protection face aux abus et aux caprices d’une coalition politique au pouvoir.
Ce que l’ancien procureur-général de Netanyahu, Avichai Mandelblit, a décrit hier soir comme le programme d’un « changement de régime » – un programme qui, a-t-il dit, mettra le point final à une forme démocratique et libérale de gouvernement dans le pays – et ce que l’ex-Premier ministre Ehud Barak a qualifié samedi « d’assassinat de la déclaration d’Indépendance qui transformera Israël en dictature » a entraîné des semaines de manifestations, des mouvement de grève dans le secteur hi-tech, les protestations paniquées des directeurs de banque, habituellement optimistes, et les lettres de mise en garde violentes de la part de toutes les catégories de la population, des vétérans de l’armée en allant jusqu’aux professeurs de droit.
Il y a aujourd’hui l’un des mouvements de protestation les plus perturbants et les plus vifs jusqu’à présent, avec des affrontements qui ne cessent d’empirer au moment même où j’écris ces lignes et alors que la coalition avance des éléments supplémentaires de ses réformes à la Knesset.
Aujourd’hui, ces clivages bruts dans le pays sont exacerbés par les troubles intérieurs plus familiers qui portent sur la manière d’appréhender au mieux la question palestinienne, le terrorisme, les implantations, les territoires – pour le plus grand plaisir des ennemis d’Israël et au désespoir croissant de ses plus importants alliés, ainsi que d’une grande partie des Juifs de la diaspora.
Netanyahu a rejeté l’appel de Herzog à mettre en pause la campagne législative coup de poing qui est en cours à la Knesset, le temps de négociations attentives avec l’opposition en vue de mener à bien une réforme judiciaire consensuelle. Cela fait longtemps qu’il a perdu la capacité – et même le désir apparent – de servir de figure d’union au sein de la société israélienne, mais sa destruction persistante de son propre héritage sécuritaire et économique et son abandon de toute revendication de leadership moral sont à attribuer à sa conscience profonde que cette coalition incendiaire, dont tous les membres ont leurs propres raisons de prôner la démolition d’un système judiciaire indépendant, est le seul moyen pour lui de se maintenir au pouvoir.
Et – ce qui restera une salissure durable sur leur image – plusieurs membres déterminants de son parti du Likud, des personnalités qui savent pertinemment combien des Smotrich ou des Ben Gvir peuvent être dangereux et qui perçoivent très clairement les mensonges proférés par la coalition concernant la « réforme judiciaire », se refusent à le défier.
Même des ministres qui ont un intérêt direct à conserver une Haute-cour crédible – citons le ministre de la Défense Yoav Gallant ou le ministre de l’Agriculture Avi Dichter, ancien responsable du Shin Bet – ont fait le choix de ne pas mettre en relief les avertissements qui ont été résumés par l’ancien chef du ministère des Affaires étrangères Alon Ushpiz, la semaine dernière, qui soulignait que jusqu’à présent, Israël avait pu s’appuyer sur le bouclier d’un système judiciaire indépendant pour protéger le pays et les soldats de l’attention de la Cour internationale de Justice et autres tribunaux et fora mondiaux.
En vertu des normes de lâcheté qui caractérisent la faction du Likud à la Knesset, la reconnaissance, par le ministre de l’Économie Nir Barkat, multimillionnaire du secteur hi-tech à qui le milieu financier n’est pas étranger, du fait qu’il a bien entendu les prédictions des experts qui annoncent que « l’économie israélienne va s’écraser », pourrait même constituer un véritable acte d’héroïsme patriotique.
Il pourrait ne falloir que quelques députés du Likud – dont l’attention personnelle a pu être très certainement retenue par des sondages qui révèlent un soutien décroissant à la fois pour la refonte judiciaire et pour la coalition – des députés qui exprimeraient leur soutien à l’appel au dialogue de Herzog, et qui laisseraient entendre qu’ils seraient prêts à ne pas voter pour ces changements imposés au rouleau compresseur – il pourrait ne falloir que quelques-uns pour obliger Netanyahu à réexaminer les choses. Mais alors que le Premier ministre s’est montré prêt à répondre aux demandes spectaculaires de ses partenaires d’extrême-droite et ultra-orthodoxes, ses propres loyalistes au sein du Likud, qui est de loin le plus grand parti de la coalition, ont jusqu’à présent accepté avec docilité leur rôle marginal au sein de leur propre gouvernement.
Avec cette obéissance silencieuse, la prise de pouvoir absolue de leur leader et la démagogie de certains de leurs collègues ministériels, il revient à un redoutable général Fuchs, condamnant le comportement « scandaleux » des partisans extrémistes du mouvement pro-implantation à Huwara, de pleurer la disparition « des valeurs avec lesquelles j’ai grandi, des valeurs de l’État d’Israël et des valeurs du Judaïsme telles que je les perçois ». Et de rappeler au public qui le regarde « qu’Israël est un État démocratique » lorsqu’il a expliqué c’était l’armée, et non des justiciers auto-proclamés, qui était en charge de la sécurité.
Mais ces voix ne s’élèveront pas très longtemps. A moins que dans l’entourage de Netanyahu, des personnes en qui l’électorat a placé sa confiance aient le cran – et l’engagement sioniste – de se dresser face à lui et face aux pyromanes qu’il a exaltés.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel