Israël interdit le Mouvement islamique accusé d’inciter à la violence
Le chef de la Liste arabe unie a déclaré que l'interdiction était une décision politiquement motivée faite "à des fins stratégiques" qui nuirait à la population arabe israélienne
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël
Israël a annoncé mardi l’interdiction d’une organisation islamique accusée d’inciter les Arabes israéliens et les Palestiniens à la violence en propageant des « mensonges » au sujet du mont du Temple, site sensibe au coeur des violences récentes.
Cette mesure concerne la « branche nord » du Mouvement islamique en Israël, dont les locaux et ceux des associations qui lui sont liées ont été perquisitionnés dans plusieurs villes durant la nuit de lundi à mardi, a annoncé la police.
« Toute personne qui appartient à cette organisation, ou toute personne qui lui fournit des services ou qui agit dans son cadre, commet désormais un délit passible d’une peine de prison », a affirmé le gouvernement israélien dans un communiqué.
La branche nord du Mouvement islamique rejette les accords de paix d’Oslo entre Israël et les Palestiniens et prône le boycott des élections nationales au motif qu’ils donnent une légitimité aux institutions de l’Etat juif.
Le gouvernement a accusé le groupe d’alimenter la vague de violence qui s’abbat sur Israël et la Cisjordanie, qui a fait 12 morts Israéliens depuis le 1er octobre.
Après que le cabinet de sécurité a déclaré le mouvement illégal lors d’une réunion lundi soir, le ministre de la Défense Moshe Yaalon a signé un décret interdisant toute activité reliée au groupe.
Les forces de sécurité israéliennes ont ensuite procédé à une série de perquisition dans les bureaux de l’organisation, saisissant des ordinateurs, des documents et des liquidités dans les branches régionales à travers le pays, a annoncé l’agence de sécurité le Shin Bet.
La police a également gelé les comptes bancaires liés à l’organisation et un certain nombre d’ONG travaillant à ses côtés.
Au total, 17 branches régionales ont été fermées, y compris les bureaux de Umm al-Fahm, Jaffa, Nazareth, Kfar Kana, Turan, Beer Sheva et Rahat.
Cette interdiction intervient alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahu est décidé à durcir la répression pour mettre fin à la flambée de violences
L’interdiction de ce mouvement s’inscrit dans cette politique, même si une certaine accalmie est perceptible ces derniers temps.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré que la décision a été prise « après une série de discussions approfondies avec tous les composants juridiques et de sécurité pertinentes. »
« Le but est d’arrêter l’incitation dangereuse à la maison et de prévenir les dommages contre des vies innocentes. Mon gouvernement continuera à agir comme nécessaire contre l’incitation [à la violence] et le terrorisme », a-t-il dit.
Le ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, a dit que la décision a donné aux représentants de la loi plus d’outils pour lutter contre l’incitation à la violence.
« Il est temps que nous utilisons tous les appareils à la disposition de l’Etat pour combattre le terrorisme et ceux qui incitent », a déclaré Erdan.
Il a décrit le mouvement comme représentant les efforts mondiaux pour endiguer le terrorisme islamique, en particulier dans le sillage de la vague d’attentats à Paris vendredi qui a fait 129 morts.
l’Etat d’Israël doit (…) être à l’avant-garde dans la lutte contre l’islamisme extrémiste dont a vu les émissaires massacrer des innocents à Paris, New York, Madrid et en Israël ».
« Le Mouvement islamique, le Hamas, Daech (acronyme en arabe du groupe jihadiste Etat islamique) et d’autres organisations ont une idéologie commune à l’origine des attentats dans le monde et de la vague de terrorisme actuelle en Israël », a ajouté M. Erdan dans un communiqué.
Yaalon, le ministre de la Défense, a également accusé le groupe de la responsabilité de la dernière vague de la violence.
Le gouvernement affirme aussi qu’elle « collabore étroitement et en secret » avec les islamistes palestiniens du Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, et d’appartenir au « courant islamiste extrémiste du mouvement des Frères musulmans ».
« La branche nord du Mouvement islamique met en danger la sécurité de l’Etat d’Israël et collabore, selon les renseignements que nous avons recueillis, avec les organisations terroristes palestiniennes, dont le Hamas, afin d’enflammer la situation actuelle et d’encourager la violence », a-t-il dit.
Fondée dans les années 1970, le Mouvement islamique vise à rendre les musulmans israéliens plus religieux.
Le Mouvement islamique s’est scindé en deux entités distinctes dans les années 90. Seule la « branche sud » participe aujourd’hui aux institutions israéliennes.
La « branche nord » soutient notamment le mouvement des « mourabitoune », interdit en septembre par Israël.
La branche sud a commencé présenter des candidats à la Knesset d’Israël en 1996 et fait maintenant partie de la Liste arabe unie, une alliance de plusieurs partis politiques israélo-arabes.
Trois des 13 membres de la Knesset de la Liste arabe unie font partie du mouvement. La branche la plus extrémiste, la branche du nord, rejette toute légitimation du gouvernement d’Israël et a appelé ses partisans à boycotter les élections.
En octobre, Netanyahu a ordonné au procureur d’Etat et aux organismes de sécurité de recueillir des preuves et de préparer le dossier pour déclarer la branche nord du Mouvement islamique une organisation illégale.
Quelques jours plus tôt, le leader du groupe, Sheikh Raed Saleh, a déclaré que son organisation a l’intention de répondre à ce qu’il a appelé « l’escalade continue [de la violence] israélienne » sur le mont du Temple à Jérusalem.
« Nous avons un ensemble de plans prêts qui seront immédiatement mis en place », a déclaré Salah lors d’un sermon. « Les rues de Jérusalem peuvent être purifiées par le sang de l’innocent, qui a été versé dans le but de séparer leurs âmes des soldats de l’occupation d’Israël, également dans la mosquée Al-Aqsa bénie ».
Mardi, Saleh a rejeté la décision d’interdire la branche nord, en disant qu’il resterait en charge du groupe et « continuera à défendre Al-Aqsa d’Israël ».
Saleh a été condamné plus tôt cette année à 11 mois de prison pour incitation à la violence et le racisme pour un sermon incendiaire qu’il a prononcé en 2007 à Jérusalem. Il a déjà purgé des peines pour des infractions similaires.
Kamal Al Hatib, un dirigeant du mouvement interdit, a affirmé que son organisation avait condamné le « massacre commis » à Paris et s’opposait « aux positions de Daech ».
L’Union sioniste, qui mène l’opposition d’Israël, a salué la décision d’interdire le groupe, mais a déclaré que la décision avait été prise tardivement.
« Proscrire le mouvement islamique est une décision appropriée que l’Union sioniste a exigé il y a plus d’un mois et c’est dommage qu’il a fallu [à Netanyahu] si longtemps pour prendre cette mesure nécessaire », a déclaré le parti dans un communiqué.
Réagissant à l’annonce, le député Taleb Abu Arar de la Liste arabe unie a déclaré qu’Israël avait « déclaré la guerre à la communauté arabe en Israël, et Israël devra en assumer les conséquences ».
Abu Arar a déclaré à Israel Radio que le Mouvement islamique n’était pas responsable de la récente flambée de violence et a blâmé les politiques du Premier ministre Benjamin Netanyahu concernant le mont du Temple qui ont provoqué « la troisième Intifada ».
« Le Mouvement islamique ne cessera pas de défendre la mosquée Al-Aqsa et ne restera pas silencieuse face à ce qui se passe là-bas », a-t-il poursuivi.
Le président de la Liste arabe unie, Ayman Odeh, a déclaré que l’interdiction était une décision politiquement motivée faite « à des fins stratégiques » qui nuirait à la population arabe israélienne.
« Netanyahu poursuit ses tentatives d’exacerber la situation sur le terrain et provoquer l’escalade [de la violence] supplémentaire en incitant [à la haine] contre un mouvement politique dont les activités sont toutes menées en vertu du droit à la liberté d’expression », a-t-il affirmé.
« Ceci est incontestablement un cas de persécution politique anti-démocratique qui fait partie de la campagne de délégitimation menée par le gouvernement de Netanyahu contre les citoyens arabes du pays ».
AFP et JTA ont contribué à cet article.