Israël-Japon : Des liens solides malgré la COVID-19 et le départ de Shinzo Abe
Le rapport de Meitar-IVC voit les investissements japonais dans les technologies israéliennes en 2020 approcher les records de 2019

La pandémie de coronavirus et la démission du Premier ministre japonais Shinzo Abe ne devraient pas affecter substantiellement le nombre d’investissements japonais dans les entreprises technologiques israéliennes, selon un récent rapport du cabinet d’avocats Meitar et du centre de recherche IVC, prévoyant que les chiffres de 2020 seront similaires à ceux des investissements records de l’année dernière.
« Nous ne verrons pas de changement dramatique cette année par rapport à 2019 », a déclaré Dana Yagur, associée du cabinet Meitar, basé à Tel Aviv, lors d’un entretien téléphonique. « Sur une base annuelle, nous atteindrons les mêmes niveaux de 2019, et les chiffres ne seront pas significativement différents. »
L’intérêt pour les sciences de la vie et les technologies numériques de la santé israéliennes devrait se renforcer cette année, a déclaré Yagur, alors que la pandémie a fait des ravages en terme de santé et sur l’économie mondiale.
La démission de Shinzo Abe, Premier ministre japonais qui a servi le plus longtemps, annoncée vendredi pour des raisons de santé, ne devrait pas non plus affecter les relations commerciales entre les deux pays, a déclaré Yagur.

Abe « a contribué de manière significative au développement des relations économiques entre Israël et le Japon », a déclaré Yagur. Il s’est rendu en Israël et a encouragé les entreprises japonaises à explorer la coopération économique avec les entreprises israéliennes.
« Alors que les entreprises et les fonds d’investissement japonais ont déjà établi une présence et des relations solides en Israël au cours de ces dernières années, nous supposons que leurs activités en Israël ne seront pas affectées par sa démission », a déclaré Yagur.
Les relations économiques entre Israël et le Japon ont connu une croissance sans précédent sous la direction d’Abe, après des années de timides relations commerciales, qui étaient pour la plupart tenues secrètes.
Les Japonais, très conservateurs, avaient été réticents à un rapprochement avec Israël en raison de la crainte de contrarier les fournisseurs de pétrole arabes, ou en raison de différences culturelles. Mais depuis 2015, à la suite des visites du Premier ministre Netanyahu au Japon en mai 2014 et de la visite du Premier ministre japonais Abe en Israël en janvier 2015, le nombre d’accords d’investissement et leurs valeurs ont augmenté.
Au premier semestre 2020, 18 accords d’investissement ont impliqué des investisseurs japonais pour un total de 853 millions de dollars, contre 25 accords pour un total de 660 millions de dollars au premier semestre 2019, ont rapporté les chiffres d’IVC-Meitar, indiquant que la relation entre les investisseurs japonais et les start-ups israéliennes restait forte malgré la pandémie.
Durant l’année dernière, année record, les entreprises de haute technologie israéliennes ont levé plus de 1,5 milliard de dollars dans des transactions incluant des investisseurs japonais, a indiqué le rapport, rédigé en collaboration avec Magenta Venture Partners, un fonds de capital-risque qui se concentre sur les investissements de premiers stades dans les start-ups israéliennes et qui est soutenu par des investisseurs institutionnels et stratégiques japonais, dont Mitsui & Co. Ltd.
Au premier semestre 2020, les entreprises de technologie israéliennes ont levé un total de 5,25 milliards de dollars avec 312 transactions, selon les chiffres d’IVC publiés plus tôt cette année, contre 3,77 milliards de dollars au premier semestre de 2019.

Le Japon, troisième économie mondiale, abrite certaines des plus grandes entreprises manufacturières et automobiles et compte plus de 3 500 entreprises publiques. Alors que le monde évolue vers la digitalisation et la numérisation, ces entreprises recherchent maintenant des solutions technologiques à l’étranger pour les aider à conserver leur avantage sur leurs concurrents mondiaux.
Israël, connu sous le nom de « Start-up Nation » pour sa créativité et son inventivité, est devenu un important terrain de chasse pour les investisseurs japonais.
À la suite des visites réciproques des Premiers ministres, les deux pays ont créé en mai 2017 le « Japan Israel Innovation Network » (JIIN) visant à promouvoir la coopération économique. Ils ont également signé un accord « ciel ouvert » concernant les vols, et d’autres accords bilatéraux, y compris une convention fiscale Israël-Japon. En outre, les deux pays discutent de la possibilité de mettre en place un accord de libre-échange qui réduirait les droits de douane sur les importations et les exportations, indique le rapport.
La présence d’entreprises japonaises en Israël est passée de 26 en 2014 à plus de 90 en 2019, selon le rapport Meitar-IVC. En 2019, le Japon est devenu le pays avec la troisième valeur d’investissement dans la technologie israélienne, après les États-Unis et Israël, devançant le Royaume-Uni, la Chine, l’Allemagne, Singapour, la Corée du Sud, le Canada et la France.
En chiffres absolus, cependant, l’investissement japonais est encore faible, comparé à celui des investisseurs américains et israéliens. En 2019, les investisseurs américains ont investi 4,163 milliards de dollars dans le secteur technologique israélien et les investisseurs israéliens ont investi 2,961 milliards de dollars, contre 379 millions de dollars investis par les acteurs japonais.
Au premier semestre 2020, les investissements japonais ont glissé à la cinquième place du classement, avec 152 millions de dollars, précédés par les États-Unis, Israël, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, selon les données d’IVC. Les investissements américains au premier semestre ont totalisé 2,21 milliards de dollars et ceux des investisseurs israéliens 1,38 milliard de dollars.
Les investisseurs japonais sont issus de divers secteurs – on y trouve des constructeurs automobiles, des institutions financières, des compagnies d’assurance et des sociétés de capital-risque, qui sont à la fois des investisseurs stratégiques et financiers, a déclaré Yoav Sade, associé de Meitar.
Parmi eux, on retrouve d’importantes sociétés telles que Toshiba, Canon, Toyota, NEC et Sony, ainsi que des sociétés d’échanges et d’investissements générales telles que Sumitomo Corporation, SBI Holdings et SoftBank, selon le rapport.

Les investisseurs stratégiques, a déclaré Sade, « ne recherchent en général pas le contrôle, mais plutôt des droits commerciaux sur la technologie, afin de pouvoir utiliser les technologies dans leurs produits ».
Les domaines qui les intéressent généralement sont la santé numérique et les sciences de la vie, la cybersécurité des technologies de l’information, l’intelligence artificielle, le big data, la fintech et les technologies automobiles.
À la suite de l’épidémie, l’économie japonaise s’est contractée à un taux annuel de 3,4 % au cours des trois premiers mois de 2020. Cela était dû au fait que le Japon, fortement dépendant de l’exportation de ses produits, a connu une forte baisse de la demande des consommateurs à l’étranger.
Selon le rapport, la pandémie a également affecté les activités des investisseurs japonais en Israël, alors que les réunions en face à face et les voyages d’affaires restent suspendus.
D’un autre côté, de nombreuses entreprises et fonds d’investissement japonais ont déjà établi « une présence et des relations solides en Israël, et leurs activités restent donc intactes », indique le rapport. « Les deux côtés s’attendent à ce que la relation entre Israël et le Japon continue à prospérer malgré les défis posés par le virus. »
Parmi les investissements récents de Japonais dans des entreprises technologiques israéliennes : celui de NEC dans Hailo, un fabricant de puces d’intelligence artificielle, en mars 2020 ; l’investissement de SoftBank en avril 2019 dans Lemonade (l’assureur israélien a entre-temps lancé une offre publique initiale d’actions à New York en juillet 2020) ; et un investissement en août 2019, également de SoftBank, dans la société de cybersécurité Cybereason. Lundi, Hailo a annoncé la création d’une filiale au Japon afin d’élargir ses relations avec ses clients qui développent des produits nécessitant la technologie de l’intelligence artificielle pour leurs produits de pointe – notamment des voitures intelligentes, des caméras intelligentes et des éléments de villes intelligentes.
Cependant, le Japon reste encore relativement nouveau sur le marché des fusions et acquisitions (M&A) en Israël. Au cours de la dernière décennie, seules 10 entreprises israéliennes ont été acquises par des entités japonaises, pour une valeur totale de 2,34 milliards de dollars. L’acquisition de Neuroderm par Mitsubishi Tanabe en 2017 pour 1,1 milliard de dollars reste à ce jour la plus importante opération de fusion et acquisition d’une société japonaise en Israël.
En 2014, Rakuten a acheté Viber pour 900 millions de dollars et Sony a acquis Altair, un fabricant de semi-conducteurs, pour 212 millions de dollars en 2016.
« Les Israéliens et les Japonais se complètent », a déclaré Yagur. « Les Israéliens ont l’innovation et la créativité que les Japonais recherchent et apprécient, mais les Japonais ont la rigueur et l’expérience nécessaires pour entrainer les technologies à la commercialisation et à la production. Ainsi, ce lien entre l’innovation israélienne et l’expérience japonaise est souvent une situation gagnant-gagnant. »