Israël se réveille au son d’une nouvelle radio publique
Malgré plusieurs problèmes techniques dus à des “sabotages” d'anciens employés, Kan a succédé à l'IBA

Israël s’est réveillé lundi matin au son d’une nouvelle radio publique, héritière de l’historique radio-télévision publique, fermée après par le gouvernement et de la maîtrise des dépenses.
« Bonjour, la Société audiovisuelle israélienne se met en marche à cet instant », a annoncé le présentateur Aryeh Golan sur les ondes à 6h00 pile.
La chaîne de télévision publique, également partie de la nouvelle entité audiovisuelle, est, quant à elle, censée diffuser à partir de 17h00.
« Bien sûr, notre joie est teintée de tristesse pour les centaines de nos collègues de l’IBA laissés sur le bord du chemin », a ajouté Aryeh Golan en faisant référence aux départs ayant accompagné le remplacement de l’Autorité de radiodiffusion (IBA) par la nouvelle entité.

On ignore le nombre exact d’employés poussés vers la sortie ou partis d’eux-mêmes.
En fait, à l’exception de jingles différents, la nouvelle radio ressemble beaucoup à l’ancienne. Aryeh Golan a gardé la tranche 6h00-8Hh00, avec la même équipe de production et bon nombre des journalistes. Le programme demeure inchangé. La radio continue à s’appeler « Kol Yisrael » (« Voix d’Israël »), comme aux premiers jours.
La Société audiovisuelle israélienne (Israeli Broadcasting Corporation, IBC), plus connue sous son acronyme hébreu de « Kan », remplace l’IBA dans la douleur, en reprenant sa chaîne de télé et ses huit stations radio.
Même si la plupart des programmes ont été diffusés sans incident, plusieurs erreurs techniques ont laissé penser à des actes de sabotage des employés licenciés mécontents.
Selon la Dixième chaîne, des employés de l’IBA tentaient activement lundi matin de saboter l’inauguration de la nouvelle corporation.
Des employés auraient pris « beaucoup » d’équipements techniques aux nouvelles équipes, et le département numérique refusait de laisser l’accès à l’application pour téléphones portables.

Selon la chaîne, les employés de l’IBA ont informé lundi matin leurs remplaçants que « nous ne travaillons pas pour vous », affirmant que leur attitude était une « revanche sur la décision du gouvernement de fermer le radiodiffuseur. »
Après l’annonce de cette information, l’IBA a publié un communiqué dans lequel elle déclarait « travailler pour aider la corporation de radiodiffusion autan que possible. »
« Toute l’IBA soutient le radiodiffuseur public », a-t-elle déclaré dans ce communiqué.
Pendant des mois, la réforme a donné lieu à une âpre bataille qui a conduit le Premier ministre Benjamin Netanyahu à menacer d’élections anticipées.
Officiellement, le remplacement de l’IBA visait à dynamiser un service à bout de souffle, à regagner le terrain perdu face aux chaînes privées et à assainir une institution réputée comme un gouffre financier.
D’abord favorable à la réforme, Netanyahu a ensuite fait volte-face, pour défendre une simple réhabilitation de l’IBA. Le Premier ministre, professionnel de la communication volontiers décrit comme obsédé par les médias et leur hostilité, s’était rendu compte que la nouvelle entité risquait de lui être encore moins favorable, ont largement rapporté les commentateurs.

« Il est inconcevable d’établir une compagnie que nous ne contrôlerons pas. Où est l’intérêt ? », avait déclaré la ministre de la Culture Miri Regev, membre du parti Likud de Netanyahu.
Netanyahu s’est heurté à son ministre des Finances Moshe Kahlon qui se posait en comptable des millions de shekels investis dans la réforme.
Les deux camps ont fini par s’entendre fin mars. Mais la réforme a donné lieu la semaine passée à un nouveau douloureux rebondissement quand les équipes de la tranche d’information du soir ont appris que leur programme emblématique, « Mabat » (« Regarde »), s’arrêtait le jour même après 49 années d’existence.
Le spectacle des équipes, privées d’une fin plus digne et en pleurs en direct sur le plateau, a suscité un élan de sympathie jusque chez les partisans de la réforme.

L’IBA, émanation de « Kol Yisrael », radio des premières heures de l’Etat d’Israël, fut longtemps le seul diffuseur israélien, jusqu’en 1993 et l’apparition de la première télévision commerciale, suivie par plusieurs radios locales et une deuxième chaîne commerciale.
Nombre d’Israéliens ont grandi avec cette vénérable institution, où ont œuvré les grands noms de l’audiovisuel, visionnant leurs premières images en couleurs sur ce qui était alors la chaîne unique.
Les Palestiniens écoutaient les programmes en arabe de la radio publique israélienne.
Depuis son premier mandat en 1996, Netanyahu n’a cessé de s’irriter contre l’IBA, où les journalistes se reconnaissant dans la droite étaient sous-représentés selon lui et où les syndicats entravaient l’adoption de pratiques plus efficaces à ses yeux, dit Yariv Tsfati, chef du département de communication de l’université de Haïfa.

S’en prendre aux médias constituait aussi pour Netanyahu un moyen commode de flatter l’électorat de droite, dit-il.
Cependant, « regarder la chaîne de télévision pouvait parfois être embarrassant », dit-il, malgré l’existence « d’îlots » de journalisme exemplaire.
« On a faussement raconté que [l’IBA] était dans l’état où elle se trouvait à cause des ingérences politiques et d’une gestion défaillante », dit Avi Meshulam, journaliste qui a travaillé pendant des années sur des programmes de la radio publique.
En fait, ajoute-t-il sur sa page Facebook, l’IBA a payé son refus « de se rénover et de se mettre aux nouvelles technologies ».