« Je ne voulais pas être une héroïne », dit la seule soldate grièvement blessée à Gaza
Gaya Zubery, de l'équipe médicale du 53e Bataillon de Blindés, a parlé à la Douzième chaîne de sa blessure, de son rétablissement et du rôle des femmes dans l'armée
La première et la seule soldate à avoir été grièvement blessée dans la bande de Gaza est actuellement en train de faire sa rééducation. Elle est en cours de rétablissement.
La sergente Gaya Zubery, 20 ans, appartenant à l’unité médicale rattachée au 53e Bataillon de la 188e Brigade des Blindés, retrouve lentement l’usage de ses jambes après avoir été blessée par balle. Elle a aussi eu une fracture ouverte. Elle était en train de s’occuper de soldats blessés lors de combats qui ont eu lieu dans le quartier Shejaiya de Gaza City quand elle a été touchée.
Dans le cadre de l’équipe soignante, Zubery faisait partie d’une équipe qui comprenait, en plus d’elle, trois autres soignants et une femme médecin.
Le 7 décembre, alors que l’armée israélienne luttait contre des terroristes avec férocité pour prendre le contrôle de Shejaiya — alors encore un bastion du groupe terroriste du Hamas – Zubery et son équipe ont été informés d’un char touché par un explosif au sein de leur unité.
« Le médecin nous a dit : ‘Le char est en feu ; préparez-vous – il y aura des blessés graves », a raconté Zubery à la Douzième chaîne dans le cadre d’un reportage diffusé vendredi. L’équipe s’est ruée sur les lieux où Zubery et la femme médecin à la tête de l’équipe – qui a été identifiée sous le nom de Lieutenante Bar – se sont occupés des blessés, leurs collègues donnant les premiers soins à l’un des membres de l’équipage du tank.
L’explosion a coûté la vie à deux soldats – le sergent réserviste Naftali Yonah Gordon, 32 ans, et le sergent de première classe Omri Rot, 25 ans, commandant du tank.
Il était impossible d’entrer dans le char et il y avait un blessé piégé à l’intérieur. Quand les membres de l’équipe sont parvenus à extirper un deuxième blessé du tank, ils ont appelé Zubery, leur supérieure hiérarchique, à la rescousse, lui demandant de venir les aider. Il y avait alors des tirs nourris.
Zubery a été blessée alors qu’elle les rejoignait en courant. « Je l’ai vue en train d’agripper sa jambe » avant de tomber au sol, a commenté le caporal Zvi, l’un des soignants.
Zvi a voulu tenter de mettre Zubery à l’abri mais lorsqu’il a lui-même essayé de la relever, il s’est rendu compte qu’il ne sentait plus sa main – lui aussi avait été grièvement blessé. Il était ainsi dans l’incapacité d’aider la jeune femme.
La lieutenante Bar est venue au secours de la blessée. Zubery a été rapidement installée sur un brancard sous les yeux d’une infirmière de l’unité, la sergente Noy.
Zubery se souvient avoir demandé : « Noy, s’il te plaît, enlève-moi mon garrot. Je ne veux pas perdre ma jambe ». Noy, en retour, lui a donné un fort antalgique, lui souhaitant « de jolis rêves, ma beauté », a raconté Zubery, un sourire sur le visage.
Elle a ensuite été emmenée, se rappelle-t-elle, à l’hôpital Soroka de Beer Sheva où elle a subi une intervention chirurgicale en urgence. Elle avait une fracture ouvert à la jambe. A l’autre jambe, elle a reçu des éclats d’obus, une balle lui ayant traversé le membre.
Un mois après son admission, Zubery a quitté son fauteuil roulant. La clinique de rééducation de l’hôpital Sheba, à Tel Hashomer, est devenue sa « deuxième maison », déclare la mère de Zubery, Meirav, devant les caméras de la Douzième chaîne. Cette rééducation devrait durer un an, selon les médecins.
« J’ai survécu à Gaza, je survivrai aussi à ça », s’exclame Zubery.
Elle a confié à la Douzième chaîne qu’elle était actuellement la seule soldate dans le service. « Je sors un peu de l’ordinaire ici », a-t-elle ajouté.
Le père de Zubery, Shlomi, est atteint de sclérose latérale amyotrophique et cela fait déjà quelques années qu’il est alité. Quand Meirav est venue pour la première fois rendre visite à sa fille, Zubery a présenté ses excuses à sa mère : « Je suis désolée, maman, tu n’as pas besoin d’un autre handicapé à la maison », a raconté Meirav.
Shlomi communique avec ses proches à l’aide d’un ordinateur. Dans une scène émouvante, lorsque Zubery est rentrée pour la première fois chez elle depuis l’hôpital, elle s’est agenouillée au bord du lit de son père pour l’embrasser et une voix s’est alors élevée de l’ordinateur : « Bonjour à ma guerrière qui fait de gros progrès en rééducation. Je t’aime, j’apprécie ce que tu as fait et je suis très fier de toi. »
En raison de l’état de santé de son père, Zubery avait le droit, en théorie, de ne pas rejoindre son Bataillon quand il est entré à Gaza – mais elle avait insisté pour le rejoindre. Le ferait-elle à nouveau ?… A cette question, elle répond « Oui », sans aucune hésitation.
« Vous n’y réfléchiriez pas à deux fois ? », demande le journaliste.
« Peut-être un peu, je penserais à ma mère », répond-elle.
Dans une scène du reportage, Zubery se lance dans une session de rééducation physique portant un tee-shirt de l’armée sur lequel est écrit : « Je suis un héros, pas la peine de me le rappeler. » Zubery dit, en riant, que le slogan écrit sur le tee-shirt comporte une faute d’orthographe dans la mesure où il manque les lettres qui permettraient de décliner la phrase au féminin.
Et pourtant, Zubery indique au journaliste qui l’interroge qu’elle n’a pas le sentiment d’être une héroïne. « Je ne suis pas différente des autres. Il y a de nombreuses femmes dans les unités médicales de Gaza », dit-elle. « Je ne pense pas que les gens savent combien de femmes il peut y avoir à Gaza. Elles sont très nombreuses. »
Et la Douzième chaîne fait remarquer l’adulation vouée par Zubery à sa supérieure, la lieutenante Bar qui, selon le reportage, a été surnommé par les soldats « la super-héroïne du Bataillon ».
Mickey, un soignant du Bataillon de Zubery, a déclaré à la Douzième chaîne que « les gens disent qu’une femme ne peut pas aller sur le front… qu’elle n’est pas capable de gérer… c’est complètement faux – elles font le même travail que les autres et elles le font même mieux ».
« Je n’ai pas voulu entrer dans l’Histoire », s’exclame Zubery devant les caméras. « Je n’ai pas voulu devenir une héroïne. J’ai juste voulu faire mon travail. »
La guerre actuelle à Gaza a été l’occasion d’une mobilisation sans précédent des femmes à des postes de combat suite aux efforts concertés livrés par Tsahal, ces dernières années, visant à les intégrer dans ces unités.
Le 7 octobre, alors que des milliers de terroristes envahissaient le sud d’Israël, les soldates ont été directement impliquées dans la bataille pour défendre le pays face au nombre énorme d’hommes armés. Une unité féminine de char a lutté pendant des heures, tuant des dizaines de terroristes, le long de la frontière et dans les communautés prises d’assaut par le Hamas. Ces femmes ont figuré parmi les victimes des terroristes et parmi les personnes kidnappées et prises en otage dans la bande de Gaza, au même titre que les militaires hommes.
Cette initiative d’intégration des femmes, de la part de l’armée, dans les unités de combat a entraîné les critiques féroces des conservateurs qui voulaient conserver une ségrégation sexuelle dans l’armée, certains affirmant que les femmes étaient physiquement ou émotionnellement incapables de se battre. Ils ont accusé Tsahal de procéder à une expérimentation sociale susceptible d’avoir des conséquences sur la sécurité nationale.
Les partisans de cette intégration estiment, pour leur part, que la mesure est nécessaire depuis longtemps ; qu’elle a déjà été mise en œuvre dans les autres pays occidentaux et qu’elle permet à l’armée de se doter d’une nouvelle main-d’œuvre qui reste très nécessaire.
Emanuel Fabian a contribué à cet article.