Jeffrey Klein, cofondateur de Mother Jones animé par des valeurs juives, meurt à 77 ans
L'ancien rédacteur en chef du magazine avait voyagé en URSS pour rencontrer des refuzniks, et voyait un lien entre l'oppression des juifs et son désir de dénoncer la corruption
JTA – Lorsque Jeffrey Klein s’est rendu en Union soviétique pour réaliser un long reportage sur les refuzniks juifs, sa première halte a été une synagogue peu fréquentée de Moscou, à laquelle il a voulu faire un don en sortant.
« J’ai demandé en yiddish, puis en hébreu, où se trouvait la boîte de charité de la synagogue », écrit-il dans le numéro de juillet 1978 du magazine Mother Jones. « Je répétais : ‘tzedaka,’ ‘des roubles pour les familles pauvres’. »
À la suite du décès, le 13 mars, de Klein – cofondateur et ancien rédacteur en chef du magazine progressiste Mother Jones – à l’âge de 77 ans, les nécrologies les plus importantes ont à peine fait mention de son judaïsme. Lui-même en parlait rarement dans ses écrits.
Pourtant, ses fils, Jacob et Jonah, affirment que les valeurs juives étaient au cœur de son engagement journalistique. Et, comme dans cet article sur les Juifs empêchés de quitter l’Union soviétique, le judaïsme pointait parfois le bout de son nez dans les textes de l’auteur.
« Il voyait vraiment, je pense, un lien entre notre histoire d’opprimés par des dirigeants corrompus et son désir de dénoncer et de démanteler la corruption dans les entreprises américaines et à Washington », explique Jacob Klein.
Selon Jonah Klein, « la remise en question de l’autorité, la défense des plus faibles et le scepticisme face au pouvoir faisaient partie de son ADN ».
Né à Scranton, en Pennsylvanie, en 1948, de descendants de Juifs hongrois, Jeffrey Klein a étudié à l’université Columbia avant de s’installer dans la région de San Francisco, où il cofonde Mother Jones en 1976, à l’âge de 28 ans.
Environ deux ans plus tard, il s’est rendu à pour enquêter sur le sort des refuzniks. Anatoly Shcharansky, l’un des plus connus d’entre eux, venait d’être arrêté et accusé de trahison, attirant une attention internationale inédite sur la cause des Juifs soviétiques. (Shcharansky sera libéré en 1986 et s’installera en Israël, où il prendra le nom de Natan Sharansky.)
L’article de Klein retrace la mobilisation des refuzniks, les méthodes de persécution employées par les autorités soviétiques et la peur, savamment entretenue, d’une infiltration par les services de renseignement dans leurs rangs. Il y décrit aussi Moscou, explore l’antisémitisme et la répression du régime, et s’interroge sur la réticence de la gauche américaine à critiquer l’Union soviétique.
À un moment, Klein raconte avoir failli vomir en entendant un prétendu « libéral » soviétique tenir des propos antisémites.
Plus loin, il décrit un groupe de scientifiques refuzniks se montrant « ingrats » lorsqu’il leur offre une calculatrice qu’il a introduite clandestinement dans le pays. « Hier encore, ils étaient les meilleurs scientifiques d’Union soviétique », écrit-il. Comme souvent dans l’histoire juive, l’appel des refuzniks à leurs cousins mieux lotis ne s’appuie pas sur la charité, mais sur un principe moral : « Il est de votre devoir de nous aider. »
L’article a provoqué la confiscation de plusieurs exemplaires de Mother Jones par les autorités soviétiques lorsqu’un autre membre de l’équipe a tenté de les introduire en URSS en 1979. Il se concluait par un appel à soutenir les refuzniks, accompagné d’un encadré listant des options de dons.

« Il nous encourageait à nous sensibiliser au sort des refuzniks et m’a convaincu de faire don de l’argent de ma bar-mitsva à l’organisation qui aidait les Juifs soviétiques à rejoindre Israël », confie Jacob Klein.
Près de vingt ans plus tard, dans les années 1990, Jeffrey Klein écrit des articles en faveur de la séparation entre l’Église et l’État. Plus largement, Mother Jones s’efforce sous sa direction d’élargir les préoccupations de la gauche aux abus des grandes entreprises et à l’influence de l’argent sur la vie politique.
« Comme nous tous, il voulait que le magazine s’attaque à l’injustice et dénonce les concentrations de pouvoir », déclare Adam Hochschild, cofondateur de Mother Jones, au Washington Post. « Il n’aimait pas les étiquettes. Il plaidait pour que rien ne soit cloisonné. »
Klein quitte Mother Jones dans les années 1980 pour diriger d’autres magazines dans la région de San Francisco. Il y revient en 1992 comme rédacteur en chef et joue alors un rôle central dans l’entrée du magazine dans l’ère numérique — l’un des premiers à lancer un site web. Il quitte la rédaction en 1998.
La religion occupait également une place importante dans la vie familiale de Klein. En 1971, il a épousé sa première femme, Judith Weinstein Klein, une psychologue influente de Berkeley spécialiste de l’identité ethnique juive et de l’estime de soi. Ensemble, ils ont deux fils. Judith meurt d’un cancer du sein en 1996.
« Elle aimait sa communauté juive », confiait Klein au journal J. Weekly de la région de la baie de San Francisco à la mort de sa femme en 1996. « Elle était un membre actif de la Congrégation Beth El [de Berkeley] et lisait chaque semaine le Jewish Bulletin, de bout en bout ».
Son second mariage avec Judi Cohen s’est soldé par un divorce. Il laisse dans le deuil Claudia Brooks, qu’il a épousée en 2020, ses fils, Jonah et Jacob, ainsi qu’une sœur, un frère et quatre petits-enfants.