Knesset : Gantz attaqué par ses anciens alliés lors de la première session
Les députés de Yesh Atid accusent le chef de Kakhol lavan d'avoir trahi ses électeurs et ses partenaires ; l'ex-militaire a gaspillé sa majorité, estime le chef du Meretz

Alors qu’il prenait part à sa toute première session parlementaire, lundi, en tant que président de la Knesset, le leader de Kakhol lavan, Benny Gantz, a fait l’objet de critiques intenses de la part de ses anciens alliés du bloc de centre-gauche, qui l’accusent de les avoir abandonnés pour participer à des négociations portant sur un gouvernement d’unité avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Le député Yoav Segalovitz de Yesh Atid – une faction ayant fait scission avec Kakhol lavan – a exprimé sa sidération face à la trahison, par son ancien chef de parti, de ses promesses antérieures et noté les critiques faites par Gantz au sujet de l’ex-président de la Knesset, Yuli Edelstein – qu’il avait accusé d’utiliser sa fonction pour influencer les négociations de coalition – seulement quelques jours auparavant.
« Benny, comment en êtes-vous arrivé là ? », a-t-il demandé. « Mercredi dernier, vous nous avez envoyés, mes collègues et moi-même, à la Haute Cour. Vous avez dit : ‘Nous ne pouvons pas accepter ce lien entre le poste de président à la Knesset et les négociations de coalition. Cela ne se fera pas. Je mets immédiatement un terme aux pourparlers. Je suis un homme de principes…’ Mais que faites-vous là, Benny ? », a-t-il interrogé.
Utilisant une image militaire en s’adressant à l’ex-chef d’état-major de l’armée israélienne, Yoav Segalovitz a ajouté que « nous avons grimpé ensemble la colline, Benny, je suis arrivé au sommet et j’ai regardé en dessous de moi. Nous sommes arrivés en haut et vous êtes resté en bas, brandissant un drapeau blanc ».

Orna Barbivai, de Yesh Atid – qui a servi avec Gantz au sein de Tsahal – a fait état de sentiments similaires.
« Cela fait des années que je vous suis », a-t-elle déclaré à Gantz alors que ce dernier écoutait en silence, assis au perchoir du Parlement. « Quinze ans au sein de l’armée, cette dernière année en politique. Personne n’était plus heureuse que moi de l’alliance qui avait été conclue entre Yesh Atid et Hossen LeYisrael [de Gantz] ».
Elle a ajouté que l’intégration de Gantz au sein d’un gouvernement placé sous l’autorité de Netanyahu « va à l’encontre de toutes les promesses que vous avez faites aux électeurs, à l’encontre de toutes les promesses que vous nous avez faites, à l’encontre de l’alternative que nous proposions au public israélien – et que vous avez, à vous seul, anéantie ».
Elle a ajouté que « jamais je ne vous avais vu mentir… Je ne comprends pas ce qui vous est arrivé. Je ne comprends pas comment vous en êtes arrivé à une telle extrémité après tout ce que vous avez pu dire ».
Elle a accusé Gantz d’avoir gâché sa chance d’apporter un véritable changement dans le pays.
« Vous aviez – et nous avions – une majorité pour agir à la Knesset… Vous avez malheureusement choisi un chemin différent et, en faisant cela, vous avez non seulement trahi vos électeurs, mais vous avez également mis en péril les chances du bloc entier, peut-être pour de nombreuses années », a-t-elle déploré.
Gantz a peu parlé durant la séance, exprimant uniquement l’espoir que les discours continueraient à être courtois même en cas de désaccord.
Il a créé une onde de choc dans l’arène politique israélienne jeudi dernier lorsqu’il a été nommé à la fonction de président de la Knesset, ouvrant la voie à une coalition avec le Premier ministre et entraînant la dissolution de l’alliance Kakhol lavan, avec laquelle il avait fait campagne, l’année passée, sur la promesse de déchoir Netanyahu en raison de ses mises en examen pour des faits de corruption.

Il a justifié sa décision par la crise inattendue du coronavirus, ainsi que par la nécessité de ramener de la stabilité dans le pays et de guérir les divisions après une année marquée par trois campagnes électorales particulièrement rudes.
Mais les pourparlers entre Gantz et le parti du Likud de Netanyahu sont tombés dans l’impasse, lundi, les deux parties échouant à trouver un accord sur plusieurs questions.
Un point majeur de dissension est l’insistance de Netanyahu à obtenir le soutien de Gantz à l’annexion de larges pans de la Cisjordanie en coopération avec les États-Unis, ce que le leader de Kakhol lavan a refusé de promettre, selon des informations parues dans les médias en hébreu.
Tandis que Netanyahu a fait de la déclaration de la souveraineté israélienne sur toutes les implantations de la Cisjordanie, ainsi que sur la vallée du Jourdain, un pilier de sa campagne en amont des élections du 2 mars, Gantz a exprimé des messages contradictoires sur ce sujet.
Il s’était dit favorable à l’annexion de la vallée du Jourdain, mais avait précisé que cette mesure devrait être coordonnée avec la communauté internationale – une idée qui semble peu réaliste, dans la mesure où les États-Unis sont le seul pays à ne pas avoir rejeté spontanément l’annexion.
Tout en formulant un soutien prudent à la proposition de paix de Trump au début de l’année, le numéro un de Kakhol lavan insiste depuis longtemps sur le fait qu’il s’oppose à toute initiative unilatérale pour mettre fin au conflit et, selon la Douzième chaîne, c’est ce positionnement qu’il aurait adopté dans les pourparlers de coalition.
Même avant les élections, l’annexion paraissait sur le point de se réaliser avec l’arrivée d’une équipe israélo-américaine en Israël, au mois de février, qui avait été chargée de visiter la Cisjordanie et de déterminer les frontières exactes que l’État juif serait en droit de revendiquer sous les dispositions du plan.
Toutefois, dans un contexte d’épidémie de coronavirus, les travaux de l’équipe ont été interrompus. Il est impossible de dire pour le moment quand elle pourra revenir dans le pays pour les terminer, alors que les élections présidentielles américaines auront lieu en novembre prochain.
Parmi les autres points de désaccord dans les pourparlers d’unité, les nominations à des postes de haut rang, comme celui de président de la Knesset, de ministre de la Justice et de ministre de la Santé.

L’ex-chef du Parlement, Yuli Edelstein, voudrait retrouver la fonction qu’il a abandonnée la semaine dernière lorsqu’il a préféré partir plutôt que de mettre en œuvre un jugement de la Haute Cour de justice qui exigeait de lui qu’il organise un scrutin pour désigner son remplaçant. Gantz s’est opposé à cette idée, accusant le comportement d’Edelstein d’avoir nui à la démocratie.
Selon la Treizième chaîne, le député du Likud accepterait de renoncer à sa demande d’occuper le poste de président de la Knesset en échange du portefeuille des Affaires étrangères. La radio militaire a annoncé que les conseillers d’Edelstein avaient envoyé des avertissements à Kakhol lavan, leur signifiant que la fonction de président du Parlement pourrait revenir à un autre député du Likud, Yariv Levin, considéré comme bien plus radical.
Malgré des informations qui avaient laissé croire le contraire, la Treizième chaîne a indiqué que Kakhol lavan n’avait pas renoncé à évincer du ministère de la Santé Yaakov Litzman, qui a été âprement critiqué pour la gestion de la pandémie du coronavirus et notamment pour l’incapacité du ministre ultra-orthodoxe d’expliquer l’importance de la mise en œuvre des directives à la population haredi – en réclamant notamment de garder les bains rituels ouverts dans tout le pays.
La chaîne a expliqué lundi que Kakhol lavan était prêt à abandonner le portefeuille des Affaires étrangères, qui serait probablement revenu au député Gabi Ashkenazi, en échange de celui du ministère de la Santé. Une possibilité que Netanyahu a évoquée avec Litzman, ces derniers jours, et que l’intéressé a immédiatement rejeté.

Concernant la Justice, le Likud a insisté sur la désignation de Chili Tropper, députée de Kakhol lavan, à la tête du ministère – accordant à cette dernière la préférence aux dépens d’Avi Nissenkorn, issu de la même formation, ou à un autre de l’extérieur du gouvernement, selon la Douzième chaîne. Les conseillers de Netanyahu s’inquiètent de ce que Nissenkorn n’adopte une approche plus agressive pour neutraliser des initiatives visant à réduire les pouvoirs des tribunaux – ce que les députés de droite n’ont cessé de prôner au cours de ces dernières années.
Netanyahu commence à subir les pressions de ses partenaires de droite et religieux, qui ont exprimé leur frustration de voir des postes qu’ils occupent depuis longtemps donnés au parti de Gantz.
Lundi, la faction Yamina a diffusé une lettre publique à l’attention de Netanyahu dans laquelle elle « établit les lignes rouges » en ce qui concerne la formation de la coalition, avertissant que si ces limites sont franchies, alors l’alliance nationale-religieuse – forte de six sièges – passera dans l’opposition.
Dimanche, des informations variées et qui n’ont pas été confirmées ont indiqué que dans le cadre du gouvernement naissant, Yamina passerait de trois ministères — avec Naftali Bennett à la Défense, Bezalel Smotrich aux Transports et Rafi Peretz à l’Éducation – à seulement un seul, celui de l’Éducation.
Dans leur courrier de lundi, les députés de Yamina disent rejeter la possibilité que Gantz oppose son veto à l’annexion et refusent également la nomination de députés de Kakhol lavan à la tête des ministères de la Justice et de la Défense.
Face aux menaces de Yamina, le Likud demande dorénavant que le nouveau gouvernement soit formé de 36 portefeuilles ministériels – pas moins, selon des sources au sein de Kakhol lavan citées dans les médias en hébreu.
Un membre du Likud a confié au Times of Israel que le projet d’accord actuellement débattu par le Likud et Kakhol lavan prévoit une parité entre les blocs de droite et religieux et celui du centre-gauche, avec des concessions faites de chaque côté.
Jacob Magid et Raoul Wootliff ont contribué à cet article.
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