Kobi Shabtai assure qu’il ne laissera pas la politique s’immiscer dans la police
Itamar Ben Gvir devrait être nommé ministre de la Sécurité nationale ; la coalition prépare une loi visant à donner au chef du parti d'extrême-droite des pouvoirs sans précédent
Le chef de la police, Kobi Shabtai, a envoyé une lettre vendredi pour assurer aux agents des forces de l’ordre qu’il ne laisserait pas la politique influencer le fonctionnement de la force, alors que le nouveau gouvernement s’apprête à adopter une loi qui étendra l’autorité du député d’extrême-droite, Itamar Ben Gvir, sur les policiers en tant que prochain ministre de la Sécurité nationale.
« Les vents politiques ne pénétreront pas la police israélienne à l’instar de ce qui a été fait jusqu’à aujourd’hui », a écrit Shabtai. « Nous monterons la garde afin de garantir que la police israélienne continue d’être forte et que son indépendance ne soit pas compromise », a-t-il ajouté.
« C’est notre devoir en tant que policiers. C’est mon devoir en tant que commissaire de la police israélienne, et j’ai l’intention de le remplir. »
Mais la lettre a été envoyée quelques heures seulement après que Shabtai a assisté à la bat mitzvah de l’une des filles de Ben Gvir dans l’implantation de Kiryat Arba, dans ce que certains critiques ont déploré comme un nouvel effort du chef de la police pour se rapprocher du législateur qui pourrait effectivement être son patron dans le prochain gouvernement, étant donné la législation que la prochaine coalition espère faire passer.
Le projet de loi soumis par Ben Gvir pourrait profondément bouleverser les relations entre police et politique, en donnant au ministre chargé de la police plus d’autorité que jamais, selon un exemplaire de la proposition publié jeudi.
Ben Gvir est pressenti pour le poste de ministre de la Sécurité nationale au sein du futur gouvernement, ministère ad hoc, plus puissant que le précédent ministre de la Sécurité intérieure, avec une autorité totale sur la police et la police des frontières en Cisjordanie, actuellement dans le giron de l’armée.
Le projet de loi stipule que le ministre établira la politique générale de la police, au détriment du chef de la police, relégué au rôle d’administrateur chargé de mettre en œuvre cette politique.
A l’heure actuelle, c’est le chef de la police qui établit la politique générale de ses unités, en concertation avec le ministre. Les changements proposés par le nouveau texte auraient pour effet de donner à Ben Gvir, militant d’extrême-droite plusieurs fois condamné, l’autorité sur des services de police avec lesquels il entretient depuis longtemps une relation (très) orageuse.
Ils conféreraient également au ministre des pouvoirs étendus, lui permettant de décider quelles questions méritent une enquête et/ou des mesures policières plus rigoureuses.
Ce texte stipule que le ministre ne pourra pas imposer l’ouverture ou la clôture de certaines enquêtes, comme celles concernant des hommes politiques soupçonnés d’actes répréhensibles, mais qu’il établira la politique en matière d’enquêtes.
En apprenant le projet de loi, Shabtai a déclaré à ses proches qu’il ne deviendrait pas « la marionnette de qui que ce soit » et qu’il ne permettrait pas que l’indépendance de la police soit compromise, ce qu’il a démontré en allant de l’avant avec la nomination de deux officiers supérieurs contre les objections de Ben Gvir qui avait demandé que le commissaire attende jusqu’à ce qu’il prenne ses fonctions de ministre, a rapporté Haaretz.
Mais la décision de Shabtai d’assister à la bat mitzvah de l’une des filles de Ben Gvir l’a exposé à des critiques au sein de la police, de la part d’officiers qui ont fait valoir qu’il ne devrait pas faire de tels honneurs à un législateur qui n’est même pas encore ministre, en particulier lorsque le député en question est déterminé à modifier l’équilibre des pouvoirs dans la police, a déclaré Haaretz.
Agitateur d’extrême-droite, Ben Gvir a souvent été accusé – notamment par le chef de la police Kobi Shabtai – d’alimenter le climat de violence en se rendant dans certaines zones de Jérusalem-Est.
Disciple du défunt rabbin extrémiste Meir Kahane, Ben Gvir a longtemps affiché chez lui une photo de l’auteur du massacre du Tombeau des Patriarches, en 1994, avant d’y renoncer, à mesure qu’il faisait son chemin dans le paysage politique national.
En 2007, il a été reconnu coupable du crime de soutien à une organisation terroriste et d’incitation au racisme, bien qu’il assure s’être considérablement modéré ces dernières années.
La nouvelle du projet de loi a suscité un tollé et Ben Gvir a appelé vendredi ses adversaires politiques à modérer leur opposition, affirmant qu’ils risquaient de déclencher une « intifada »- ou soulèvement palestinien.
« J’appelle le Premier ministre sortant, Yair Lapid et les ministres Benny Gantz et Omer Barlev à arrêter de remuer les esprits. Vous pourriez, à Dieu ne plaise, finir par provoquer une intifada. »
« C’est bien qu’il y ait des critiques. Je suis de ceux qui pensent que dans une démocratie, c’est le ministre qui doit définir la politique », a-t-il dit en les appelant à régler leurs différends « poliment ».
Le parti Yesh Atid de Lapid a réagi avec colère à ses commentaires.
« Un criminel condamné, un partisan de la terreur et une cible du Shin Bet qui n’a jamais servi un jour au sein de Tsahal ne nous enseignera pas la responsabilité nationale. La nomination de Ben Gvir au poste de ministre de la Sécurité nationale est le moyen le plus sûr d’assurer une troisième intifada et un désastre international », a déclaré le parti dans un communiqué.
La nouvelle coalition dirigée par le Likud – qui, avec Otzma Yehudit, comprendra deux autres factions d’extrême-droite et deux partis ultra-orthodoxes – devrait chercher à faire adopter rapidement le projet de loi accordant à Ben Gvir des pouvoirs étendus sur la police avant que le nouveau gouvernement ne prête serment.
Netanyahu a demandé jeudi une prorogation de deux semaines du mandat qui lui a été donné pour former un gouvernement, lequel expire normalement le 11 décembre.
Le Likud mettrait à profit ce délai, que le président Isaac Herzog est susceptible d’accorder, pour faire adopter le projet de loi et plusieurs autres textes nécessaires à la mise en oeuvre des engagements de la coalition.