Israël en guerre - Jour 492

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Opinion

La bombe iranienne de Barak sonne comme une explosion prématurée

Doit-on vraiment croire qu'un chef d'état-major inepte, certains ministres instables et un exercice de l'armée américaine inopportun ont empêché un Premier ministre obsédé de traiter avec les armes nucléaires des ayatollahs ?

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Benjamin Netanyahu et Ehud Barak lors de son 70e anniversaire en février 2012 (Crédit : Ministère de la Défense / Flash90)
Benjamin Netanyahu et Ehud Barak lors de son 70e anniversaire en février 2012 (Crédit : Ministère de la Défense / Flash90)

Quelque chose ne sonne pas juste dans les révélations explosives enregistrées d’Ehud Barak qui expliquent pourquoi Israël n’a pas envoyé son armée de l’air frapper les installations nucléaires de l’Iran en 2010, 2011 ou 2012 – malgré un Premier ministre, un ministre de la Défense et un ministre des Affaires étrangères qui voulaient tous ostensiblement mener à bien une telle attaque.

Selon Barak, qui a servi de ministre de la Défense de 2007 à 2013, lui, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, et le ministre de l’époque des Affaires étrangères, Avigdor Liberman, ont d’abord été empêchés de mener à bien leur ambition incendiaire par le chef d’état-major de l’époque, Gabi Ashkenazi, en 2010, qui, toujours selon Barak a refusé de signer l’ordre de « capacité opérationnelle » de l’armée israélienne pour lancer une telle frappe.

Ashkenazi était chef d’état-major depuis 2007. Il avait pris sa retraite de l’armée israélienne et a été ramené après la débâcle de la seconde guerre du Liban.

Compte-tenu de l’incompétence spectaculaire avec laquelle cette guerre a été menée, Ashkenazi a immédiatement institué une refonte radicale de l’armée israélienne – en corrigeant les défauts de base, en intensifiant les entraînements et en réévaluant les défis. Il a également été immédiatement impliqué dans la lutte contre l’Iran.

Comment cela se fait-il ?

Netanyahu est un homme ouvertement obsédé par la menace posée à l’Etat juif par la combinaison potentielle de la direction islamiste extrémiste de l’Iran et ses armes nucléaires.

Mais bien avant qu’il ne soit élu Premier ministre en 2009, il était clair pour le leadership politique et la sécurité d’Israël que l’Iran travaillait pour obtenir la bombe et que cela pourrait retomber sur Israël d’avoir à intervenir militairement pour l’arrêter.

Les hauts responsables israéliens ont vraiment été horrifiés par l’affirmation du National Intelligence Estimate en 2007 qui avait indiqué que l’Iran avait en 2003 arrêté son programme d’armes nucléaires. Un document [ du National Intelligence Estimate] tombé de nulle part avait été considéré en Israël comme étant un effort, couronné de succès, des agences de renseignement américaines pour donner au président de l’époque George W. Bush une base crédible justifiant une absence de frappes des États-Unis sur les installations de l’Iran.

Ashkenazi savait donc au moment où il a pris le poste de chef d’état-major qu’Israël devait avoir une option militaire viable en place.

Gabi Ashkenazi, à gauche, parlant à Ehud Barak au siège ministère de la Défense en 2010. (Crédit: Ariel Hermoni / Ministère de la Défense / Flash90)
Gabi Ashkenazi, à gauche, parlant à Ehud Barak au siège ministère de la Défense en 2010. (Crédit: Ariel Hermoni / Ministère de la Défense / Flash90)

Il est certainement vrai qu’Ashkenazi, ainsi que le chef du Mossad de longue date, Meir Dagan, le dirigeant du Shin Bet, Yuval Diskin, et plusieurs autres ministres clés, croyaient fermement que le couteau n’avait pas encore été placé sous la gorge d’Israël – ce que Dagan dira plus tard publiquement.

Mais qu’Ashkenazi ait affirmé ne pas être prêt, comme Barak l’indique, cela reste difficile à croire, pour employer un euphémisme.

Encore moins crédible, c’est la description de Barak de la deuxième occasion prétendument manquée, en 2011, lorsque que son compte-rendu enregistré décrit comment le triumvirat Netanyahu-Barak-Liberman – a l’époque armé d’un plan viable concocté par le successeur d’Ashkenazi, Benny Gantz – a été contrecarré parce que les ministres Moshe Yaalon et Yuval Steinitz, initialement favorables à une telle frappe, avaient changé d’avis.

Yuval Steinitz, Benjamin Netanyahu, et Ehud Barak, à la Knesset en 2009 (Crédit : Atta Awisat / Yrdioth Aharonot / flash 90)
Yuval Steinitz, Benjamin Netanyahu, et Ehud Barak, à la Knesset en 2009 (Crédit : Atta Awisat / Yrdioth Aharonot / flash 90)

Tout d’abord, Ashkenazi avait démissionné au début même de l’année 2011 et pourtant nous sommes censés croire que, en quelques mois, son successeur avait trouvé un moyen viable de mettre les installations nucléaires de l’Iran hors d’état de nuire, là où il avait manifestement échoué.

Deuxièmement, et encore plus improbable, est l’idée que Yaalon et, surtout, Yuval Steinitz, seraient capables d’empêcher une frappe militaire voulue par trois des ministres les plus puissants du pays, à la suite d’un plan d’attaque présenté comme viable par le chef d’état-major de l’armée israélienne.

C’est maintenant ou jamais aurait vraisemblablement argué les poids lourds du gouvernement. L’Iran était sur le point d’entrer dans ce que Barak n’a pas arrêté d’appeler la « zone d’immunité ». Il fallait juste garder son sang-froid et sauver la majorité du peuple juif, aujourd’hui historiquement rassemblé de nouveau en Israël, de la menace génocidaire des ayatollahs. Et Yuval Steinitz aurait mis le holà ? Vraiment ? Le fervent loyaliste de Netanyahu consciencieux, Yuval Steinitz ?

Ce qui est beaucoup plus probable, en 2010 et en 2011, est que Netanyahu – hésitant, ayant une aversion pour le risque, se méfiant de la guerre, Netanyahu ; l’homme qui, rappelez-vous, a choisi à maintes reprises de ne pas chercher à renverser le Hamas de la bande de Gaza en dépit de la certitude que cette stratégie donnera lieu à un conflit plus sanglant – était moins sur que l’attaque s’avérait être un élément vital, impératif et immédiat.

Barak lui-même n’aurait peut-être pas fait pression pour une frappe à tout prix. Quoiqu’il en soit, il est largement souligné qu’il s’est opposé à une attaque immensément moins problématique que celle du Premier ministre Ehud Olmert sur le réacteur nucléaire de la Syrie en 2007.

En outre, une large gamme d’opinions négatives à une telle frappe – oscillant entre réserves et refus catégoriques – a été exprimée par d’autres ministres que quelques ministres récalcitrants dans les deux gouvernements de 2010 et 2011.

Les principaux ministres du cabinet de sécurité Benny Begin et Dan Meridor y étaient fermement opposés. Eli Yishai était bancal, et le chef spirituel de son parti, Shas, le rabbin Ovadia Yossef, selon un reportage de la Deuxième chaîne, avait décrit Barak à l’époque, et dans le contexte d’une frappe nucléaire comme étant « un renard » et « un danger pour les enfants d’Israël ». L’opposition à une frappe aurait été également répandue au sein du Shin Bet et du Mossad et parmi les échelons supérieurs de Tsahal.

Le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, près d'une batterie Dôme de fer près d'Ashkelon avec son homologue israélien Ehud Barak le 1er août 2012 (Crédit : Tsafrir Abayov / Flash90)
Le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, près d’une batterie Dôme de fer près d’Ashkelon avec son homologue israélien Ehud Barak le 1er août 2012 (Crédit : Tsafrir Abayov / Flash90)

Enfin, au début de l’année 2012, Barak a affirmé qu’Israël était prêt à frapper – l’incapacité intérieure et l’opposition à l’époque avait été, apparemment, marginalisée ou surmontée. Néanmoins, la date prévue pour l’attaque aurait coïncidé avec un important exercice militaire conjoint prévu de longue date avec le États Unis.

Ici, la description de l’ancien ministre de la Défense est tout simplement illogique. Il affirme qu’il a demandé au secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, de décaler l’exercice – parce que, selon l’enregistrement de Barak sur les bandes, Israël ne voulait pas faire des Etats-Unis, qui s’étaient vigoureusement opposés à la frappe, partir la frappe à son insu.

Et voilà précisément ce qui est arrivé : Austere Challenge 12, initialement prévu pour janvier 2012, a été déplacé à la dernière minute en octobre. Alors pourquoi, une fois le conflit d’horaire évité, la frappe aérienne n’a pas été menée ? Cela, Barak ne l’explique pas. Non, au moins, dans les parties des bandes diffusées au moment de la rédaction de cet article.

Et pourquoi, si encore une fois il n’y avait plus d’opposition intérieure contre une frappe, le trio Netanyahu-Barak-Liberman n’a pas choisi de ne pas en organiser une plus tard en 2012 ? Ici, le Barak enregistré est plutôt vague, affirmant que les autres dates ne convenaient pas.

De toute évidence, quelque chose se tramait pendant l’été et l’automne 2012. Panetta s’est rendu en Israël en août de cet année-là et Barak, s’exprimant à ses côtés lors d’une escale conjointe pendant le voyage, a déclaré avoir vu une probabilité « extrêmement faible » que les sanctions forcent l’Iran à abandonner ses activités nucléaires et qu’Israël « a quelque chose à perdre » en attendant des sanctions et que la diplomatie suive son cours, parce que pendant ce temps l’Iran accumulait continuellement de l’uranium enrichi – l’ingrédient clé pour une bombe nucléaire.

L'ancien chef du Mossad, Efraim Halevy (Crédit : Flash90)
L’ancien chef du Mossad, Efraim Halevy (Crédit : Flash90)

La même semaine, l’ancien chef du Mossad, Ephraim Halevy, a donné une série d’interviews dans lesquelles il a déclaré, de manière peu énigmatique, que « si j’étais un Iranien, j’aurais très peur des 12 prochaines semaines » et a affirmé que les menaces d’une action militaire d’Israël avaient une certaine « crédibilité » et étaient « sérieuses ».

Mais même, là encore, l’armée de l’air d’Israël n’a pas reçu l’ordre de passer à l’action.

Des plans contrariés par de simples mortels

Alors pourquoi, en dépit de la bande enregistrée des fanfaronnades d’Ehud Barak, Israël n’a pas frappé l’Iran en 2010, 2011 ou en 2012 si ses dirigeants considéraient cette attaque comme une action essentielle ?

La déduction raisonnable est qu’ils ne voulaient pas vraiment le faire.

Barak, dans ces bandes, dissertant devant des journalistes israéliens assis respectueusement à ses pieds, pour ainsi dire, sonne comme s’il s’était laissé un peu emporté.

Ses remarques sentent fortement l’auto-glorification. Voici un héros vieillissant – le soldat le plus décoré d’Israël, une grande figure avec une intelligence créative et un immense courage – se présentant comme l’homme résolu à passer à l’action arrêté dans son élan par l’incompétence et la couardise des autres.

Barak, en bref, semble avoir surestimé l’affaire, réécrivant l’histoire pour se montrer comme l’homme qui aurait pu sauver Israël, mais a été contrarié par de simples mortels.

Que les deux auteurs – Danny Dor et Ilan Kfir – aient ensuite cherché à utiliser ce matériel pour la promotion de leur biographie sur Barak, dont la sortie est imminente, est naturel.

Qu’ils aient aussi été en colère contre Barak pour avoir signé un accord séparé, derrière leur dos, pour une biographie en anglais qui rendrait la leur moins commerciale à l’échelle internationale parfaitement plausible pour ceux qui connaissent bien Barak.

Que la censure militaire ait autorisé la publication de documents reflétant des discussions les plus secrètes des chefs politiques et de la sécurité d’Israël, ça non.

Oui, Israël, à l’époque de Barak comme ministre de la Défense de Netanyahu, a peut-être été prêt à frapper l’Iran, mais finalement ses dirigeants ont choisi de ne pas le faire.

Pas à cause d’un chef d’état-major inepte, ou de ce ministre nerveux, ou, de l’excuse risible de l’exercice conjoint organisé malencontreusement avec les États-Unis. Mais parce que la volonté insistante et déterminée à aller de l’avant et de prendre le risque des conséquences potentiellement désastreuses était absente.

Comme Liberman l’a noté à l’antenne de la Deuxième chaîne dimanche soir – réussissant par la même occasion à magistralement fustiger Barak pour les fuites et Netanyahu pour son hésitation – quand Menachem Begin a décidé qu’il devait faire sauter le réacteur nucléaire de Saddam Hussein à Osirak en 1981, il n’a pas fait de long discours à ce sujet. Mais au contraire, « nous nous sommes réveillés un matin, et le réacteur irakien n’existait plus, » a-t-il déclaré.

Le candidat au poste de Premier ministre à l’époque, Liberman avait déclaré au Times of Israël dans une interview il y a à peine deux mois que Netanyahu « parle beaucoup » quand il s’agit de stopper l’Iran – a-t-il ordonné la frappe ? Je me le demande.

Mais Netanyahu et Barak, malgré toutes les tentatives du ministre de la Défense de révisionnisme, n’ont de toute évidence pas choisi de le faire. Et maintenant, nous pourrons peut-être tous découvrir s’ils étaient sans volonté ou alors sages.

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