La bureaucratie, une entrave à la prière mixte au mur Occidental ?
5 ans après l'effondrement d'une pierre sur le lieu saint, les autorités n'ont toujours pas rouvert l'accès à la partie égalitaire ; les militants voient ce retard comme délibéré
Pour sa bar mitzvah, Ofri Meoded Danon a fait le déplacement, avec sa famille et ses amis depuis leur domicile en Galilée jusqu’au mur Occidental à Jérusalem.
Il était prévu que tout le monde, y compris la rabbin du garçon et les femmes de sa famille, célèbre l’événement ensemble sur l’esplanade dite égalitaire du mur Occidental. Il s’agit d’une petite section bordant le site sacré que le gouvernement a réservé en 2013 aux personnes souhaitant prier en mixité, et donc en dehors de l’esplanade principale, où hommes et femmes prient séparément.
Mais en arrivant au mur Occidental, les convives de la bar mitzvah se sont rendus compte qu’il allait falloir s’adapter. La partie de l’esplanade égalitaire, dont le nom officiel est « Ezrat Israel », qui touche le mur Occidental, est fermée depuis cinq ans en raison de l’effondrement d’une pierre du mur en 2018. Cette partie de l’esplanade est restée fermée bien que la sécurité de l’espace soit garantie depuis 2021. La famille n’était pas au courant de cette situation avant de venir.
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« C’était décevant », a raconté la mère du garçon, Inbar, au Times of Israel à propos de la visite le mois dernier. La cérémonie s’est déroulée sur une partie d’Ezrat Israel qui surplombe le mur, mais qui n’en est pas assez proche pour toucher les pierres. « Nous avons eu l’impression d’être empêchés de faire quelque chose que nous avons parfaitement le droit de faire », a-t-elle déploré.
Les militants qui promeuvent le judaïsme réformé et conservateur, dont les membres de la communauté sont les principaux exploitants de l’esplanade parce qu’elle leur permet de ne pas se conformer aux règles orthodoxes qui s’appliquent sur l’esplanade principale du mur Occidental, affirment que les responsables de la ville traînent délibérément les pieds pour bloquer le culte non orthodoxe au mur Occidental en général et l’accès aux pierres en particulier.
Mais les autorités responsables du site affirment qu’Ezrat Israel est en bonne voie pour rouvrir, ce qui se produira lorsqu’un permis de construire sera délivré par la municipalité de Jérusalem pour remplacer deux colonnes qui soutiennent la place surélevée, et qui pourraient avoir été endommagées à la suite de l’effondrement de 2018.
« Oh, cela fait des années qu’ils nous font tourner en bourrique », a déclaré Orly Erez-Likhovski, directrice exécutive de l’Israel Religion Action Center (IRAC), qui est le bras juridique du Mouvement israélien pour le judaïsme progressiste, au Times of Israel à propos des tentatives de réouverture du balcon d’Ezrat Israel qui va jusqu’au mur Occidental.
Il a fallu deux ans à l’IRAC pour obtenir une réponse de la municipalité et d’autres entités impliquées dans la gestion et l’entretien des sites sacrés du mur Occidental quant aux mesures à prendre pour faire avancer les efforts de réouverture de la section.
« Il s’agit d’une guerre d’usure destinée à retarder, subvertir et empêcher tout progrès », a déclaré Mme Erez-Likhovski à propos de ce qu’elle a décrit comme une campagne menée par les bureaucrates de la ville et le conseil municipal, dont plus de la moitié des 30 représentants sont des Juifs orthodoxes pratiquants.
La municipalité a répondu à la demande du Times of Israel sur le sujet par un courriel de deux phrases. « Toutes les conditions requises pour la demande de permis de construire n’ont pas été remplies. Le mur Occidental est sacré pour l’ensemble du peuple juif en Israël et au-delà, et tout le monde sans exception est invité à y prier conformément aux coutumes locales », peut-on lire dans le courriel.
C’est peut-être vrai, mais actuellement, le seul moyen de toucher le mur tout en respectant les lois et règlements en vigueur dans et autour du mur Occidental est de se rendre sur la place principale, qui est sous la responsabilité de la Fondation du patrimoine du mur Occidental. Celle-ci gère le site sous les auspices du bureau du Premier ministre et de l’Autorité des entreprises publiques. L’autorité religieuse responsable du site est le Rabbinat du Mur occidental, qui est une branche du Grand rabbinat, une institution strictement orthodoxe.
L’ancien Premier ministre Naftali Bennett a fait construire Ezrat Israel en 2013, alors qu’il était encore ministre des Affaires religieuses. M. Bennett a cherché à sortir de l’impasse en discutant d’une solution qui satisferait à la fois les puristes haredim et les progressistes réformés, qui, dans les années 1980, ont commencé à s’affronter autour du mur Occidental. C’est à cette époque que les Femmes du Mur, un groupe d’activistes non orthodoxes, ont commencé à exiger de pouvoir prier sur place conformément aux principes progressistes, qui prévoient que les femmes chantent et portent des châles de prière et des kippot, et que l’assemblée soit composée d’hommes et de femmes.
Les démarches de M. Bennett n’ont guère mis fin à ces tensions : elles s’exacerbent, mois après mois, lorsque les Femmes du Mur et leurs soutiens se réunissent pour prier au mur Occidental en enfreignant les règles observées par le rabbinat, ce qui suscite des protestations et souvent des émeutes de la part des haredim. Pendant ce temps, les défis juridiques et les affaires concernant le culte au mur Occidental abondent.
Un compromis annoncé en 2016 aurait créé une place égalitaire plus grande qu’Ezrat Israel dans la même zone. Selon ce compromis, les visiteurs auraient accédé à la section égalitaire en passant par la place principale et non en la contournant, comme c’est le cas actuellement avec Ezrat Israel. Le compromis a été suspendu pour une durée indéterminée en raison de l’opposition des partis haredim.
Malgré les critiques des deux côtés, M. Bennett a poursuivi son projet Ezrat Israel, en faisant installer un balcon sur la partie sud du mur Occidental qui repose sur des piliers au-dessus de la rue Hérodienne, une profonde tranchée qui longe le mur et qui se termine par la ligne de partage qui sépare la partie sud du mur de l’esplanade principale. D’une superficie de 400 mètres carrés, il a accueilli des centaines de cérémonies religieuses non orthodoxes au cours de ses cinq premières années d’existence, lorsque les fidèles pouvaient encore accéder au balcon menant au mur.
Mais l’accès à ce petit balcon a pris fin peu avant 6 heures du matin le 23 juillet 2018, lorsqu’une énorme pierre est tombée sur le balcon, manquant de peu une fidèle, Daniela Goldberg.
Après l’accident, plusieurs autorités ont inspecté la section sud ainsi que la place principale. L’Autorité israélienne des antiquités a confirmé la sécurité des deux endroits en 2020 et à nouveau en 2021.
Des offices non orthodoxes continuent d’être célébrés sur la place Ezrat Israël, qui est gérée par le mouvement Massorti en Israël, l’un des deux principaux courants non orthodoxes du judaïsme, également connu sous le nom de mouvement conservateur. Mais les visiteurs doivent se rendre sur l’esplanade principale pour toucher le mur Occidental.
La rue Hérodienne est accessible et longe le mur Occidental, mais de grosses pierres sur ses bords empêchent l’accès au mur.
« Il y a des débris sur le chemin », a déclaré Rakefet Ginsberg, directeur exécutif du mouvement Massorti en Israël, au Times of Israel. Même si l’on voulait escalader les débris pour toucher le mur Occidental, il est interdit de le faire car les pièces sont des reliques archéologiques.
Pour des visiteurs comme Ofri Meoded Danon, le garçon de la bar mitzvah, et sa mère Inbar, on « se sent comme Moïse – voir la terre promise mais s’en voir refuser l’accès », a-t-elle déclaré.
Même selon les normes de la bureaucratie israélienne, « cinq ans pour un simple travail de réparation, c’est un peu excessif », a déclaré Inbar Meoded Danon, qui pense que la non-réouverture d’Ezrat Israel est délibérée. Mais même si c’est le résultat d’une incompétence bureaucratique, « c’est toujours inacceptable », a-t-elle ajouté.
« Les autorités devraient accélérer, et non retarder, la réouverture du seul endroit où les confessions non orthodoxes, qui comptent des millions de Juifs, peuvent pratiquer leur culte au mur Occidental selon leurs coutumes », a-t-elle déclaré.
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