La campagne à Gaza touche à sa fin, mais Israël peut encore gagner la guerre
Les opérations diminuent mais, alors que les chefs du Hamas se terrent dans les tunnels, il y a une opportunité de les remplacer, si Israël surmonte ses divergences politiques
Quatre mois et demi après la déclaration de guerre du Premier ministre Benjamin Netanyahu au Hamas, le groupe terroriste n’a toujours pas été anéanti.
Bien que gravement affaibli, avec de nombreux membres morts ou blessés, le Hamas semble toujours capable de fonctionner comme une organisation cohérente, et serait probablement en mesure de reprendre le contrôle de la bande de Gaza si Israël la quittait.
Les terroristes du Hamas continuent de lancer des attaques dans les parties de la bande de Gaza conquises par Israël au début de l’incursion, et ses membres continuent de surgir dans le nord de la bande pour s’emparer de tout ce qu’ils peuvent dans les camions d’aide.
138 jours après le début d’une guerre déclenchée par l’attaque meurtrière du Hamas en Israël, aucun des objectifs de guerre déclarés par Netanyahu n’a été atteint. Le Hamas n’a pas été détruit, il reste encore plus de 100 otages à Gaza et aucun de ses principaux dirigeants n’a été tué.
Cependant, depuis quelque temps, Tsahal ne fait plus usage de sa « pleine force » pour écraser le groupe, comme l’avait promis le Premier ministre.
Et malgré la déclaration sans équivoque de Netanyahu le jour du pire massacre de Juifs depuis la Shoah, la campagne d’Israël ne peut plus vraiment être appelée une guerre.
Une offensive en perte de vitesse
Au début du mois, Tsahal a annoncé retirer de la bande de Gaza sa dernière unité de réservistes, la 646e brigade de parachutistes, ne laissant sur place que les unités en service actif pour la poursuite des combats.
Au plus fort de la guerre, cinq divisions de combat menaient des opérations simultanées dans la bande de Gaza, chacune comptant entre 10 000 et 20 000 soldats. Aujourd’hui, seules deux divisions – la 98e et la 162e – se battent encore, et elles opèrent toutes deux avec des effectifs beaucoup plus réduits qu’au début de la guerre.
Depuis près de deux mois, les combats à Gaza ressemblent davantage à une opération militaire – robuste mais de portée limitée – qu’à une véritable guerre dans laquelle Tsahal tente de remporter une victoire décisive sur son ennemi.
La réduction des effectifs peut certainement être attribuée à des réalités opérationnelles, voire à des succès.
Lorsque le ministre de la Défense Yoav Gallant a annoncé la transition vers une « nouvelle approche de combat » dans le nord de la bande de Gaza début janvier, juste avant une visite du secrétaire d’État américain Antony Blinken, Tsahal avait conquis des villes et des bastions du Hamas dans la région et se préparait à éliminer les petites poches de résistance.
Il ne fait aucun doute que le fait de pouvoir montrer que le pire des combats était derrière nous et que les futures opérations seraient plus ciblées n’a certainement pas nui aux liens avec les États-Unis et a permis de réduire la pression de la communauté internationale.
Mais ce ne sont pas les seules raisons pour lesquelles la campagne est en train de perdre de son intensité et ne ressemble plus aux opérations dynamiques qui, par le passé, ont permis à Israël de remporter des victoires rapides sur le champ de bataille face aux armées arabes.
Même au plus fort de l’offensive de Tsahal à Gaza, la tactique adoptée par l’armée ne lui a pas permis de profiter des capacités du pays à déployer rapidement des forces dans plusieurs zones à la fois.
Le dernier plan d’urgence approuvé par Tsahal pour conquérir la bande de Gaza si nécessaire – un plan abandonné par l’armée il y a près de dix ans – prévoyait des attaques simultanées sur les villes de Gaza, Khan Younès et Rafah, permettant de s’emparer des villes clés en deux semaines.
La campagne actuelle, officiellement baptisée « Épées de fer », a été beaucoup plus lente et réfléchie. Cela tient probablement, tout au moins en partie, au manque de confiance des responsables israéliens, au lendemain du 7 octobre, dans la capacité de l’armée à mener à bien des opérations terrestres – avec des forces importantes perçant les formations ennemies lorsque l’occasion se présente. Ce manque de confiance pourrait être attribué à la fois au fait qu’Israël évite ce type d’action depuis des dizaines d’années mais aussi au choc causé par les attaques réussies du Hamas, qui ont immédiatement remis en cause les compétences de l’armée.
Israël a consacré la première partie de la guerre à la conquête de la ville de Gaza et de sa banlieue. Il était logique de se concentrer sur cette zone au début des opérations, car c’est là que se trouvaient les meilleures unités de lancement de roquettes du Hamas, ainsi qu’une grande partie de l’appareil de gouvernance de ce dernier, d’après les estimations israéliennes.
Les opérations ont ensuite été étendues aux centre et sud de l’enclave.
Mais en progressant méthodiquement dans la bande de Gaza, Israël a lentement fait reculer plus d’un million de Gazaouis vers Rafah, le long de la frontière sud de l’enclave. Et il ne s’apprête qu’aujourd’hui à prendre le dernier bastion du Hamas, alors que le mécontentement de la communauté internationale, même parmi ses plus proches amis, a atteint son paroxysme.
La lenteur de l’opération a également limité sa capacité à utiliser les réservistes. Le fait de garder les contribuables éloignés de leur emploi et de leur famille pendant trois mois a porté un coup sérieux à l’économie et a contribué à accroître la pression pour ramener les pères et les maris à la maison et sur le marché du travail. La nécessité de libérer les réservistes a eu un impact direct sur l’ampleur de la campagne qu’Israël peut mener.
Les écoles de formation de l’armée – la 261e brigade d’infanterie, la 828e brigade d’infanterie, la 460e brigade blindée – ont toutes combattu durant les premières semaines de l’incursion terrestre, mais sont depuis revenues à leur fonction principale, qui est de former la prochaine génération de commandants de Tsahal.
Pour avoir attendu des semaines avant de lancer son incursion terrestre, et pour avoir agi lentement, Israël se retrouve aujourd’hui sans le gros de ses forces, et avec un travail inachevé.
Les dirigeants du Hamas se sentent sans aucun doute encouragés par la réduction de l’offensive israélienne. Ils savent qu’ils ont réussi à résister au pire des pressions militaires israéliennes et estiment qu’ils ont assez de forces intactes pour leur permettre de se regrouper.
Tout ce qu’il leur reste à faire, par conséquent, est de tenir plus longtemps qu’Israël.
En effet, quand bien même Tsahal entrerait à Rafah et démantèlerait les quatre bataillons intermédiaires du Hamas qui s’y trouvent, la force de frappe du groupe pourrait encore revenir sous une forme ou une autre.
« Une fois les opérations contre les bataillons terminées, cela se transformera en un jeu de cache-cache avec la guérilla dans les tunnels », comme le souligne le général de brigade réserviste Eran Ortal, expert en théorie militaire.
La semaine dernière, les services de renseignements militaires israéliens ont distribué aux dirigeants israéliens un document les avertissant que, même si l’armée réussit à démanteler le Hamas comme force militaire organisée à Gaza, le groupe survivra comme « groupe terroriste et de guérilla ».
« La résistance des groupes de guérilla est supérieure à la nôtre », a prévenu Ortal.
Un plan pour la victoire
Néanmoins, la réduction de la campagne ne signifie pas qu’Israël ne peut pas mener à bien sa mission, qui consiste à garantir que le Hamas ne contrôle plus la bande de Gaza.
Même si le Hamas continue à montrer son nez partout où il le peut, il ne contrôle absolument pas la bande de Gaza à l’heure actuelle. Ses terroristes se cachent dans des tunnels et le contrôle civil qu’il exerce sur la population n’est utilisé que de manière très limitée.
L’essentiel est désormais de veiller à ce que le Hamas ne soit plus en mesure de reprendre le contrôle de la situation. Tout retrait d’Israël, y compris dans le cadre d’un accord pour la libération des otages, créerait un vide que le Hamas ferait tout pour combler en sortant de ses tunnels.
S’adressant au Times of Israel, Meir Ben Shabbat, ancien conseiller de Netanyahu en matière de sécurité nationale, a exposé sa vision des moyens à mettre en œuvre pour empêcher le Hamas de réaffirmer son autorité dans la bande de Gaza.
Le premier objectif, a-t-il déclaré, doit être d’empêcher le groupe terroriste de s’emparer des livraisons d’aide humanitaire, un élément clé de son contrôle continu sur la population de Gaza. Pour ce faire, il faut créer des zones sûres contrôlées par Israël où les civils pourront recevoir de l’aide, et frapper les terroristes du Hamas chaque fois qu’ils surgissent pour s’emparer des convois d’aide.
Là où Israël a été contraint de réduire ses forces, Tsahal devrait accroître sa surveillance aérienne et ses frappes afin de maintenir une menace active sur les terroristes du Hamas, a-t-il poursuivi.
Ben Shabbat a également insisté sur le fait qu’Israël devait, pour le moment, « empêcher le retour des résidents qui ont été évacués du nord de la bande de Gaza ».
Ces mesures pourraient contribuer à contenir le Hamas dans les mois à venir, mais Israël a besoin d’une solution à long terme. Cela signifie qu’il faudrait activement œuvrer au remplacement du Hamas tant qu’il reste sous terre.
« Ce qu’il faudrait aujourd’hui, c’est remplacer le Hamas par un autre gouvernement civil », a souligné Eran Ortal, expert en théorie militaire.
Netanyahu ne se montre toutefois pas enclin à parler de qui pourrait remplacer du Hamas, se contentant de dire qu’il ne remettra pas le pouvoir à l’Autorité palestinienne (AP), dont il se méfie, et qu’Israël maintiendra un contrôle sécuritaire total.
« Après le grand sacrifice de nos civils et de nos soldats, je ne laisserai pas entrer à Gaza ceux qui forment, soutiennent et financent le terrorisme », a-t-il déclaré. « Gaza ne sera ni un Hamastan ni un Fatahstan. »
En janvier, le ministre de la Défense Yoav Gallant a présenté un plan global pour Gaza, appelant à la mise en place d’une force multinationale, dirigée par les États-Unis en partenariat avec des pays européens et des pays arabes modérés, chargée de gérer les affaires civiles et la réhabilitation économique de la bande de Gaza. Les autorités palestiniennes locales s’occuperaient du fonctionnement quotidien des services.
Toute discussion concernant la future gouvernance de Gaza est une source de conflit politique pour Netanyahu, en particulier avec la frange la plus à droite de sa coalition. Même les grandes lignes du plan Gallant ont été ouvertement condamnées par le ministre des Finances Bezalel Smotrich, qui les a qualifiées de « répétition du ‘jour d’avant’ le 7 octobre ».
L’opacité de Netanyahu frustre les Américains, et alarme les services de renseignement de Tsahal.
Vu qu’aucun effort concret n’est actuellement déployé pour mettre en place un plan pour l’après-guerre à Gaza, les renseignements militaires ont publié la semaine dernière une mise en garde selon laquelle « Gaza deviendrait une zone en crise aiguë ».
Après plus de quatre mois de guerre, Tsahal a accompli un travail impressionnant dans un environnement sans précédent pour arracher le contrôle de la bande de Gaza au Hamas et démanteler la majeure partie de sa structure militaire. Bien que la campagne militaire se soit ralentie, les conditions sont réunies pour que le Hamas soit remplacé pendant que ses terroristes se terrent dans les souterrains.
Mais cela exigera du cabinet de guerre israélien, ceux-là mêmes qui se sont engagés à mener le pays à une victoire totale sur les terroristes, de prendre des décisions difficiles et audacieuses.
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